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             Le seuil épidémique des maladies à vecteurs avec saisonnalité

                Le cas de la leishmaniose cutanée à Chichaoua au Maroc

                          J. Math. Biol. 53 (2006) p. 421-436

                                    Nicolas Bacaër

              Institut de recherche pour le développement, Bondy, France
                                 nicolas.bacaer@ird.fr
                                    Souad Guernaoui

       Laboratoire d'écologie animale terrestre, Faculté des sciences Semlalia,
                                   Marrakech, Maroc

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    Résumé

   La leishmaniose cutanée est une maladie à vecteurs transmise aux humains par des
   phlébotomes. On développe dans cet article un modèle mathématique qui tient
   compte de la saisonnalité de la population de vecteurs et de la distribution de
   la période de latence entre l'infection et les symptômes chez les humains. On
   ajuste les paramètres à des données de la province de Chichaoua au Maroc. On
   propose aussi une généralisation de la définition de la reproductivité aux
   environnements périodiques. Pour l'épidémie à Chichaoua, on estime
   que \(R_0\simeq \mbox{1,94}\). L'épidémie s'arrêterait si la population de
   vecteurs était divisée par le carré de ce nombre :  \((R_0)^2\simeq
   \mbox{3,76}\).

1.   Introduction

       La leishmaniose est un complexe de maladies vectorielles causées par des
   protozoaires du genre Leishmania. Le parasite est transmis aux humains par des
   piqûres de phlébotomes femelles (Diptera: Psychodidae: Phlebotominae). La maladie
   est endémique dans de nombreuses régions d'Afrique, d'Amérique du Sud, d'Amérique
   centrale, du sud de l'Europe, d'Asie et du Moyen-Orient. La leishmaniose comprend
   quatre entités principales d'un point de vue éco-épidémiologique: leishmaniose
   viscérale zoonotique ou anthroponotique, et leishmaniose cutanée zoonotique ou
   anthroponotique. Dans les formes anthroponotiques, les humains sont la seule
   source d'infection pour les phlébotomes vecteurs. Dans les cycles de transmission
   zoonotiques, les animaux sont des réservoirs qui maintiennent et propagent les
   parasites. Il y a chaque année environ 500000 nouveaux cas humains de
   leishmaniose viscérale et de 1 à 1,5 million de cas de leishmaniose cutanée dans
   le monde (Desjeux, 2004). La leishmaniose viscérale est fatale si elle n'est pas
   traitée. La leishmaniose cutanée guérit en général toute seule mais peut laisser
   des cicatrices défigurantes.

       D'après le Ministère marocain de la santé publique (2001), la leishmaniose
   cutanée anthroponotique due à Leishmania tropica est une maladie émergente dans
   la province de Chichaoua: entre le début de l'année 2000 et la fin de l'année
   2004, 1877 cas ont été rapportés officiellement. La figure 1 montre l'évolution
   mensuelle du nombre de cas rapportés dans la ville d'Imintanoute, qui représente
   environ 80% des cas de la province, entre le début de l'année 2001 et la fin de
   l'année 2004. Quelques cas (43 au total) ont déjà été observés pendant l'année
   2000, mais le rapport mensuel détaillé n'est pas disponible.
   [Fig1JMB2006.png] Figure 1. Axe horizontal: le temps. Axe vertical et courbe en
   escalier : nombre mensuel de cas rapportés de leishmaniose cutanée à Imintanoute
   dans la province de Chichaoua au Maroc. Ronds (échelle non significative):
   évolution de la population de Phlebotomus sergenti, le vecteur probable
   (Guernaoui et coll., 2005).

       Une étude sur le terrain (Guernaoui et coll., 2005) a montré que les
   phlébotomes de l'espèce Phlebotomus sergenti sont responsables de la transmission
   et que la transmission est anthroponotique. Aucun réservoir animal tel que des
   chiens n'a été détecté pour cette épidémie particulière. La figure 1 montre aussi
   des estimations de la population de Phlebotomus sergenti  obtenues avec des
   pièges une ou deux fois par mois de juin 2002 à décembre 2003 (thèse de doctorat
   de S. Guernaoui). Noter que la population de vecteurs tombe à zéro entre décembre
   et mai. C'est dû au cycle de vie particulier des phlébotomes dans cette région:
   pendant ces mois, seuls les oeufs et les larves survivent cachés dans le sol.
   Quand la température augmente au début de chaque été, les larves se
   métamorphosent en adultes qui volent. La métamorphose s'arrête quand la saison
   froide réapparaît.

       L'objectif de ce travail est de développer un modèle mathématique de cette
   épidémie, d'estimer certains paramètres du cycle de transmission et d'estimer la
   reproductivité, qui mesure l'effort nécessaire pour arrêter l'épidémie. Il est
   intéressant de constater que cette étude particulière nous a conduit à une
   nouvelle définition générale de la reproductivité dans un environnement
   périodique.

       (Bensalah et coll., 1994 ; Burattini et coll., 1998 ; Chaves et Hernandez,
   2004 ; Hasibeder et coll., 1992 ; Kerr et coll., 1997 ; Rabinovich et
   Feliciangeli, 2004) ont déjà développé divers modèles mathématiques pour la
   leishmaniose. Seul (Bensalah et coll., 1994) simule une population fluctuante de
   vecteurs mais sans analyse mathématique et sans données de terrain.

       Pour notre modèle, on insiste sur deux points. Premièrement, il y a des
   fluctuations saisonnières très marquées de la population de vecteurs. On obtient
   les modèles les plus simples en supposant que la population de vecteurs est
   périodique avec une période égale à un an. Deuxièmement, il y a un retard de
   plusieurs mois entre l'infection, qui a lieu en été ou en automne lorsque la
   population de vecteurs est non nulle, et l'apparition de cas symptomatiques, qui
   est au plus haut en hiver et au printemps. Voir la figure 1.

       Les plus anciens modèles mathématiques pour des maladies à vecteurs remontent
   à Ronald Ross (1911), qui étudiait le paludisme. Notre modèle est en quelque
   sorte une extension de son second modèle (Lotka, 1923). La population de vecteurs
   est partagée entre vecteurs sains et vecteurs infectés. Les humains sont partagés
   entre sains, infectés et immunisés.

       De plus, on suppose que la population de vecteurs fluctue de manière
   périodique. (Anderson et May, 1991, p. 404) a étudié numériquement l'influence de
   la saisonnalité sur les maladies à vecteurs. (Heesterbeek et Roberts, 1995a et
   1995b) et (Diekmann et Heesterbeek, 2000, p. 148) donnent des résultats
   mathématiques en relation avec la théorie de Floquet pour les équations
   différentielles périodiques. Dans (Heesterbeek et Roberts, 1995b, §2.3), la
   définition du seuil épidémique censée remplacer la reproductivité, lorsque la
   population de vecteurs est périodique, est un peu étrange. Dans le cas
   particulier où la population de vecteurs est constante, la définition est le
   rayon spectral d'une matrice semblable (au sens de la théorie des matrices) mais
   non égale à la matrice de prochaine génération.

       Par ailleurs, ces travaux ne contiennent pas de retard entre l'infection et
   les symptômes chez les humains autre qu'un retard distribué exponentiellement. On
   voit sur la figure 1 qu'un retard fixe donnerait un mauvais ajustement aux
   données pour l'épidémie de leishmaniose cutanée à Imintanoute. La population de
   vecteurs est non nulle pendant six mois de l'année. Mais les cas humains se
   rencontrent tout au long de l'année. Un retard distribué est nécessaire. Les
   premiers modèles en épidémiologie avec un retard distribué remontent à Kermack et
   McKendrick (1927) et font intervenir des équations aux dérivées partielles. Peu
   de travaux combinent ces retards distribués avec une influence périodique dans le
   contexte de l'épidémiologie. C'est le cas de (Williams et Dye, 1997). Mais la
   discussion porte principalement sur les distributions exponentielles. Cependant
   plusieurs travaux discutent de distributions générales dans d'autres domaines de
   la dynamique des populations:
     * Coale (1972) utilise des séries de Fourier pour étudier les naissances
       périodiques dans les modèles démographiques linéaires en temps continu
     * Thieme (1984) étudie les équations intégrales de Volterra à noyau périodique
       dans un cadre abstrait avec une application à des populations de plantes
     * (Jagers et Nerman, 1985) étudie les processus de branchement dans un
       environnement périodique
     * (Anita et coll., 1998) étudie la récolte optimale d'une population structurée
       par l'âge avec une fertilité périodique.

   Thieme (1984) fournit la justification théorique pour l'étude de notre modèle
   linéarisé.

       En résumé, du point de vue général de la dynamique des populations, notre
   contribution est de rendre plus explicite la définition du seuil épidémique pour
   les maladies à vecteurs avec une population périodique de vecteurs. La définition
   semble nouvelle même dans le cas où la période d'incubation est distribuée
   exponentiellement de sorte que le modèle se réduit à un système d'équations
   différentielles ordinaires. De plus on donne un algorithme pour le calcul de la
   reproductivité dans le cas général. Du point de vue de l'épidémiologie, notre
   contribution est d'estimer certains paramètres dans la transmission de la
   leishmaniose cutanée lors d'une épidémie au Maroc. On estime le temps entre
   l'infection et les symptômes par une distribution Gamma avec une moyenne de 6
   mois et un écart type de 1,5 mois. On a  \(R_0\simeq \mbox{1,94}\). Le modèle
   suggère que l'épidémie s'arrêterait si la population de vecteurs était divisée
   par le carré de ce nombre :  \((R_0)^2\simeq \mbox{3,76}\).

       Le plan de l'article est le suivant. La section 2 présente le système
   d'équations différentielles utilisé pour modéliser l'épidémie. La section 3
   analyse le modèle, en particulier la stabilité de la situation sans infection. La
   section 4 présente une simulation avec des paramètres ajustés aux données
   épidémiques de la ville d'Imintanoute. On estime ensuite le seuil épidémique pour
   cette épidémie particulière. La section 5 introduit une définition générale de la
   reproductivité dans un environnement périodique et discute de son lien avec des
   travaux antérieurs.

2.   Le modèle

       On définit
     *  \(s(t)\) : nombre de phlébotomes sains au temps t ;
     *  \(i(t)\) : nombre de phlébotomes infectés;
     *  \(S(t)\) : nombre d'humains sains;
     *  \(I(t,\tau)\) : humains infectés au temps t structurés par le temps
       \(\tau\) depuis l'infection;
     *  \(R(t)\) : nombre d'humains immunisés.

   Pour simplifier le modèle, on ne tient pas compte de la période de temps durant
   laquelle les humains ou les vecteurs sont infectés mais pas encore infectieux. Le
   groupe d'humains « immunisés » contient à la fois
     * les gens dont les symptômes sont apparus récemment et ont été recouverts par
       un tissu ; ils ne peuvent plus transmettre la maladie,
     * les gens dont les cicatrices ont guéri et qui sont immunisés.

   Les cas rapportés sont les personnes qui entrent dans l'état R. On suppose que
   les cicatrices sont couvertes dès leur apparition; c'est évidemment une
   simplification de la situation réelle. Le nombre total d'humains infectés est
   \[I(t)=\int_0^\infty I(t,\tau)\, d \tau.\] Introduisons les notations
     *  \(P=S(t)+I(t)+R(t)\) : population humaine totale;
     *  \(p(t)=s(t)+i(t)\) : population totale des phlébotomes;
     *  \(\Lambda(t)\) : taux d'émergence des phlébotomes;
     *  \(\mu\) : mortalité des phlébotomes;
     *  \(\beta\) : fréquence des piqûres des phlébotomes;
     *  \(\alpha(\tau)\) : vitesse d'avancement de l'infection à l'immunité chez les
       humains;
     *  \(\gamma\) : vitesse de perte de l'immunité;
     *  \(\pi\) : probabilité de transmission de la leishmaniose cutanée d'un
       phlébotome à un humain lors d'une piqûre;
     *  \(\widehat{\pi}\) : probabilité de transmission de la leishmaniose cutanée
       d'un humain à un phlébotome lors d'une piqûre.

   Le modèle est constitué des équations suivantes: \begin{eqnarray}
   &&s'(t)=\Lambda(t) - \mu\, s(t) - \beta\, \widehat{\pi}\, s(t)\, \frac{I(t)}{P}\,
   ,\tag{1}\\ &&i'(t)=\beta\, \widehat{\pi}\, s(t)\, \frac{I(t)}{P} - \mu\, i(t)\,
   ,\\ &&S'(t)=-\beta\, \pi\, i(t)\, \frac{S(t)}{P} + \gamma\, R(t)\, ,\\
   &&I(t,0)=\beta\, \pi\, i(t)\, \frac{S(t)}{P}\, ,\quad \frac{\partial I}{\partial
   t}(t,\tau)+\frac{\partial I}{\partial \tau}(t,\tau)=-\alpha(\tau)\, I(t,\tau)\, ,
   \\ &&R'(t)=\int_0^\infty \alpha(\tau)\, I(t,\tau)\, d \tau - \gamma \, R(t)\,
   ,\tag{2} \end{eqnarray} avec des conditions
   initiales \(s(0)\), \(i(0)\), \(S(0)\), \(I(0,\tau)\) et \(R(0)\).
   \(p(t)=s(t)+i(t)\) est solution de \[p'(t)=\Lambda(t)-\mu\, p(t).\]
   \(P=S(t)+I(t)+R(t)\) est effectivement constant.  \(f(\tau)\) est la distribution
   de probabilité du temps écoulé de l'infection aux symptômes chez les humains.
   \(g(\tau)\) est la probabilité de ne pas avoir developpé les symptômes t unités
   de temps après l'infection. On a alors \begin{equation}\tag{3}
   g(\tau)=1-\int_0^\tau f(\sigma)\, d\sigma = \exp \Bigl (-\int_0^\tau
   \alpha(\sigma)\, d\sigma \Bigr ) \end{equation}
   et \(\alpha(\tau)=f(\tau)/[1-\int_0^\tau f(\sigma)\, d \sigma]\).

3.   Analyse

       On suppose que \(\Lambda(t)\) est une fonction périodique de période \(T\).
   Alors le système (1)-(2) a une solution périodique sans maladie donnée par
   \(s(t)=p(t)\), \(i(t)=0\), \(S(t)=P\) et  \(I(t)=R(t)=0\). \(p(t)\) est l'unique
   solution périodique de \(p'(t)=\Lambda(t)-\mu\, p(t)\). La stabilité s'étudie en
   linéarisant le système. On a \begin{eqnarray} &&\tilde{i}'(t) =\beta\,
   \widehat{\pi}\, p(t)\, \frac{\tilde{I}(t)}{P} -\mu\, \tilde{i}(t)\, ,\\
   &&\tilde{I}(t,0)=\beta\, \pi\, \tilde{i}(t)\, ,\quad \frac{\partial
   \tilde{I}}{\partial t}(t,\tau)+\frac{\partial \tilde{I}}{\partial
   \tau}(t,\tau)=-\alpha(\tau)\, \tilde{I}(t,\tau)\, , \end{eqnarray} avec la
   condition initiale  \(\tilde{i}(0,\tau)=\tilde{i}_0(\tau)\) et
   \(\tilde{I}(0,\tau)=\tilde{I}_0(\tau)\). Ce système comprend à la fois une
   équation différentielle ordinaire linéaire et une équation aux dérivées
   partielles linéaire. Pour que la discussion soit plus symétrique, on définit
     *  \(i(t,\tau)\), t est le temps écoulé depuis l'infection chez les
       phlébotomes,
     * le vecteur colonne  \(J(t,\tau)=(\tilde{i}(t,\tau)\, ,\,
       \tilde{I}(t,\tau))\).

   On a alors \begin{eqnarray*} \frac{\partial J}{\partial t}(t,\tau) +
   \frac{\partial J}{\partial \tau}(t,\tau)&=& \left (\begin{array}{cc} -\mu & 0 \\
   0 & -\alpha(\tau) \end{array}\right ) J(t,\tau)\\ J(t,0) &=& \left
   (\begin{array}{cc} 0 & \frac{\beta \widehat{\pi} p(t)}{P} \\ \beta \pi & 0
   \end{array}\right ) \int_0^\infty J(t,\tau)\, d \tau\, , \end{eqnarray*} avec
   \(J(0,\tau)=J_0(\tau)=(\tilde{i}_0(\tau)\, ,\, \tilde{I}_0(\tau))\). On a ainsi
   \begin{eqnarray*} J(t,0)&=&\int_0^t \left (\begin{array}{cc} 0 & \frac{\beta
   \widehat{\pi} p(t)}{P}\, e^{-\int_0^\tau \alpha(\sigma)\, d \sigma} \\ \beta \pi
   e^{-\mu \tau} & 0 \end{array}\right ) J(t-\tau,0)\, d \tau \\ && + \int_t^\infty
   \left (\begin{array}{cc} 0 & \frac{\beta \widehat{\pi} p(t)}{P}\,
   e^{-\int_{\tau-t}^\tau \alpha(\sigma)\, d \sigma} \\ \beta \pi e^{-\mu t} & 0
   \end{array}\right ) J_0(\tau-t)\, d \tau\, . \end{eqnarray*} Avec la
   notation \(u(t)=J(t,0)\), l'équation précédente est de la forme
   \begin{equation}\tag{4} u(t)=\int_0^t A(t,\tau)\, u(t-\tau)\, d \tau +
   \bar{u}(t). \end{equation}  \(A(t,\tau)\) est une fonction périodique de période
   T par rapport à t.  \(\bar{u}(t)\) est une fonction donnée. Le
   coefficient \(A_{i,j}(t,\tau)\) sur la ligne i et la colonne j de la
   matrice \(A(t,\tau)\) est l'espérance du nombre d'individus de type i (les
   vecteurs sont le type 1, les humains le type 2) qu'un individu infecté de type j
   infecte par unité de temps au temps t s'il a été infecté au temps \(t-\tau\).

       \(\mathcal{E}\) est l'ensemble des fonctions continues périodiques de période
   T à valeurs dans \(\mathbb{R}^2\). Muni de la norme du supremum, c'est un espace
   de Banach. Thieme (1984) a étudié le comportement asymptotique des équations
   telles que (4): \(u(t) \sim e^{\lambda^* t}\, v(t)\).  \( \,\lambda^* \) est un
   nombre réel et \(v \in \mathcal{E}\) est une fonction positive, non identiquement
   nulle et telle que \begin{equation}\tag{5} v(t)=\int_0^\infty e^{-\lambda^* \tau}
   A(t,\tau)\, v(t-\tau)\, d \tau.\end{equation} Plus précisément, il existe un
   unique nombre réel \(\lambda^*\) pour lequel on puisse trouver  \(v \in
   \mathcal{E}\) qui soit positif et non identiquement nul (Thieme, 1984 ; Jagers et
   Nerman, 1985).

       Définissons \(R_0\) comme le rayon spectral de l'opérateur linéaire qui à \(w
   \in \mathcal{E}\) associe la fonction \(t\mapsto \int_0^\infty A(t,\tau)\,
   w(t-\tau)\, d \tau\), aussi dans \(\mathcal{E}\). Cet opérateur linéaire est
   positif. \(R_0\) se caractérise par l'existence de \(w \in \mathcal{E}\) positif
   et non identiquement nul avec \begin{equation} \int_0^\infty A(t,\tau)\,
   w(t-\tau)\, d \tau = R_0 \, w(t).\tag{6} \end{equation}  \(R_0\) a les propriétés
   d'un seuil épidémique: \(\lambda^* > 0\) si \(R_0 > 1\), tandis que \(\lambda^* <
   0\) si \(R_0 < 1\).

       En effet, pour tout nombre réel  \(\lambda\), on définit \begin{eqnarray*}
   \mathcal{A}_\lambda : \mathcal{E} &\longrightarrow& \mathcal{E} \\ v
   &\longmapsto& \left (t \mapsto \int_0^\infty e^{-\lambda \tau} A(t,\tau)\,
   v(t-\tau)\, d \tau\right ). \end{eqnarray*} Le rayon spectral
   de \(\mathcal{A}_\lambda\) est noté \(R_\lambda\) . Noter que cette définition
   coïncide bien quand \(\lambda=0\) avec celle de \(R_0\). Pour tout l, l'opérateur
   linéaire  \(\mathcal{A}_\lambda\) est positif. De plus, \(\lambda_1 \leq
   \lambda_2\) implique que  \(\mathcal{A}_{\lambda_1}\geq
   \mathcal{A}_{\lambda_2}\). Les propriétés du rayon spectral impliquent que
   \(\lambda \mapsto R_\lambda\) de \(\mathbb{R}\to \mathbb{R}\) est une fonction
   décroissante. Mais  \(R_{\lambda^*}=1\) d'après l'équation (5). On a
   donc \(\lambda^* > 0\) si  \(R_0 > 1\), et \(\lambda^* < 0\) si \(R_0 < 1\).

       Si la fonction \(p(t)\) est une constante p, alors \(A(t,\tau)\) ne dépend
   pas de t. Dans ce cas, considérons la fonction constante \(w(t)\) égale à un
   vecteur propre positif de la matrice positive \(\int_0^\infty A(\tau)\, d\tau\).
    \(R_0\) est le rayon spectral de cette matrice, appelée matrice de prochaine
   génération (Diekmann et Heesterbeek, 2000, p. 74). Plus précisément, on obtient
   \begin{equation}\tag{7} R_0=\sqrt{\frac{\beta^2\, \pi\, \widehat{\pi}}{P} \times
   \frac{p}{\mu} \int_0^\infty g(\tau)\, d \tau}. \end{equation} On voit le produit
   du nombre moyen d'humains infectés par un phlébotome infecté  \(\frac{\beta
   \pi}{\mu}\) avec le nombre moyen de phlébotomes infectés par un humain infecté
   \(\frac{\beta \widehat{\pi} p}{P} \int_0^\infty g(\tau)\, d\tau\).

       Si la fonction \(p(t)\) n'est pas constante mais périodique,
   écrivons \(w=(w_1\, ,\, w_2)\). Alors (6) s'écrit \begin{eqnarray*} \frac{\beta\,
   \widehat{\pi}\, p(t)}{P} \int_0^\infty g(\tau)\, w_2(t-\tau)\, d \tau &=& R_0 \,
   w_1(t) \\ \beta\, \pi \int_0^\infty e^{-\mu \tau}\, w_1(t-\tau)\, d \tau &=& R_0
   \, w_2(t). \end{eqnarray*} Insérons la seconde équation dans la première. Si le
   nombre \(r_0\) et une fonction positive, périodique de période T, non
   identiquement nulle  \(w_1(t)\) sont solutions de \begin{equation}\tag{8} p(t)
   \int_0^\infty g(\tau) \int_0^\infty e^{-\mu \sigma} \, w_1(t-\tau-\sigma)\, d
   \sigma \, d \tau = r_0\, w_1(t), \end{equation} on a alors
   \begin{equation}\tag{9} R_0=\sqrt{\frac{\beta^2\, \pi\, \widehat{\pi}}{P}\times
   r_0}. \end{equation} La formule (9) géneralise la formule classique (7) pour les
   maladies à vecteurs avec une population de vecteurs saisonnière périodique. Noter
   que  \(r_0\) est une fonction compliquée de  \(p(t)\), \(g(x)\) et µ.
   Visiblement,  \(r_0\) est une fonction décroissante de µ. Si la
   fonction \(p(t)\) est remplacé par \(\varepsilon\, p(t)\), alors \(r_0\) est
   remplacé par  \(\varepsilon\, r_0\). Donc la conclusion classique selon laquelle
   une maladie à vecteurs peut être éradiquée si la population de vecteurs est
   divisée par le carré de la reproductivité, qui n'est valide a priori que pour une
   population constante de vecteurs, demeure vraie si la population de vecteurs est
   périodique.

       Certains auteurs utilisent la notation  \(R_0\) pour ce qui ici
   est \((R_0)^2\). (Heesterbeek et Roberts, 1995b, § 2.1) discute brièvement de ce
   point.

4.   Simulation et estimation de  \(R_0\)

       Estimons les paramètres du modèle. La population totale d'Imintanoute est
   d'environ 5000 habitants. Cependant certaines parties de la ville sont plus
   concernées que d'autres parce que les phlébotomes préfèrent les endroits où ils
   peuvent pondre leurs oeufs, par exemple près de dépôts d'ordures. Il n'y a qu'un
   groupe homogène dans notre modèle. Une manière de traiter ce problème est de
   considérer que la population P, qui est initialement saine, est inconnue mais
   avec la contrainte P 0\) si \(R_0 >
   1\) et \(\lambda^* < 0\) si \(R_0 < 1\). Cette définition de la reproductivité
   peut aussi être utilisée dans d'autres champs de la dynamique des populations,
   par exemple la démographie où le verbe « donner naissance » remplace le verbe «
   infecter ».

       Si on a  \(A(t,\tau)=A(\tau)\), alors on prend pour \(w(t)\) un vecteur
   propre de la matrice \(\int_0^\infty A(\tau)\, d \tau\).  \(R_0\) est donc le
   rayon spectral de cette matrice. Par ailleurs, \(\lambda^*\) est l'unique nombre
   réel pour lequel le rayon spectral de la matrice suivante est égal à 1
   \[\int_0^\infty e^{-\lambda^* \tau} A(\tau)\, d \tau.\] N'importe quel vecteur
   propre de cette matrice associé à la valeur propre 1 peut être choisi pour
   \(v(t)\), de sorte que celui-ci soit solution de (18).

       Il y a un autre cas particulier où la reproductivité se calcule facilement.
   C'est le cas où  \(n=1\) et \begin{equation}\tag{19} A(t,\tau)=p(t)\,
   e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d \sigma} \end{equation} avec des fonctions
   \(p(t)\) et \(\phi(t)\) qui sont périodique de période T. En effet, le problème
   de valeur propre sécrit \begin{equation}\tag{20} p(t) \int_0^\infty
   e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\tau) d \tau}\, w(t-\tau)\, d \tau = R_0\, w(t)\, .
   \end{equation} En dérivant cette équation et en intégrant par parties, on obtient
   \begin{align*} R_0\, w'(t) =& p'(t) \int_0^\infty e^{-\int_{t-\tau}^t
   \phi(\sigma) d \sigma}\, w(t-\tau)\, d \tau + p(t) \int_0^\infty
   e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d \sigma }\, w'(t-\tau)\, d \tau \\ & + p(t)
   \int_0^\infty e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d \sigma }\, \bigl [\phi(t-\tau) -
   \phi(t) \bigr ] \, w(t-\tau)\, d \tau \\ =&p'(t)\, \frac{R_0\, w(t)}{p(t)} - p(t)
   \int_0^\infty \phi(t-\tau)\, e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d \sigma }\,
   w(t-\tau)\, d \tau \\ &- p(t)\, \Bigl [ e^{- \int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d
   \sigma} \, w(t-\tau) \Bigr ]_0^\infty \\ &+ p(t) \int_0^\infty
   e^{-\int_{t-\tau}^t \phi(\sigma) d \sigma }\, \bigl [\phi(t-\tau) - \phi(t) \bigr
   ] \, w(t-\tau)\, d \tau \\ =&\frac{p'(t)}{p(t)}\, R_0\, w(t) - \phi(t)\, R_0\,
   w(t) + p(t)\, w(t) \end{align*} Cette équation s'écrit aussi \[\frac{w'(t)}{w(t)}
   = \frac{p'(t)}{p(t)} - \phi(t) + \frac{p(t)}{R_0}\, .\] On a donc
   \begin{equation}\tag{21} w(t)=K\, p(t)\, e^{-\int_0^t \phi(\tau) d \tau +
   \frac{1}{R_0} \int_0^t p(\tau)\, d \tau}\, . \end{equation} K est une constante
   positive.  \(w(t)\)  est une fonction périodique si \(w(t+T)=w(t)\) pour tout t.
   Mais les fonctions \(p(t)\) et \(\phi(t)\) sont périodiques. \(w(t+T)=w(t)\)  si
   et seulement si \begin{equation}\tag{22} R_0 = \frac{\int_0^T p(\tau)\, d
   \tau}{\int_0^T \phi(\tau)\, d \tau}\, . \end{equation} Inversement, (21) avec
   (22) est solution de l'équation (20). La formule (22) apparaît dans (Ma et Ma,
   2006, § 3.1) pour un modèle épidémique SIR avec un taux de contact et une
   mortalité périodiques. L'analyse de sa stabilité linéaire se met sous la forme
   (17) avec \(A(t,\tau)\) de la forme (19). Mais les auteurs hésitent à utiliser la
   notation \(R_0\) pour le côté droit de (22). Ils utilisent
   \(\bar{\mathcal{R}}\), parce qu'ils n'ont pas de définition générale de la
   reproductivité. Cette expression n'apparaît qu'à la fin de leur analyse.

       Le même calcul (dérivation, intégration par parties, etc.) en partant de (18)
   montre que \[v(t)= K \, p(t)\, e^{-\lambda^*\, t - \int_0^t \phi(\tau)\, d \tau +
   \int_0^t p(\tau)\, d \tau}\, .\] Cette fonction est périodique si et seulement si
   \begin{equation}\tag{23} \lambda^* = \frac{1}{T} \int_0^T p(\tau)\, d \tau -
   \frac{1}{T} \int_0^T \phi(\tau)\, d \tau \, . \end{equation} Le seuil épidémique
   (\(R_0 > 1\), ou encore \(\lambda^* > 0\)) dépend dans ce cas seulement des
   valeurs moyennes des coefficients. Dans le cas encore plus particulier
   où \(\phi(t)\) est constant, la formule (23) est le résultat « démontré » dans
   (Williams et Dye, 1997) en utilisant des séries de Fourier et des séries
   divergentes!

       Mentionnons aussi que la stabilité linéaire du modèle épidémique SEIR avec un
   taux de contact périodique (Ma et Ma, 2006, § 2) peut se mettre sous la forme
   (17) avec une matrice \(A(t,\tau)\) de taille 2 semblable à celle de la section
   3. Comme dans le présent article, on ne peut espérer de formule explicite pour la
   reproductivité mais des estimations numériques sont possibles.

       Du point de vue des applications, la définition de la reproductivité que nous
   proposons pourrait être utilisée pour estimer le risque que des maladies à
   vecteurs apparaissent dans des régions non infectées jusqu'à présent. Il faut
   suffisamment d'information sur la population de vecteurs et sur la maladie. C'est
   devenu un sujet très populaire en épidémiologie car de nombreuses personnes
   pensent que le climat se réchauffe et que les maladies tropicales du « Sud »
   pourraient apparaître ou réapparaître dans le « Nord ». On mentionne en
   particulier le projet EDEN, « Emerging Diseases in a changing European
   eNvironment » (www.eden-fp6project.net).

    Remerciements

       On remercie le Dr A. Laamrani Elidrissi (Département des maladies
   parasitaires, Ministère de la santé publique, Rabat, Maroc) pour les données
   concernant les cas rapportés de leishmaniose cutanée. Une partie de ce travail a
   été effectué pendant que le premier auteur visitait le Laboratoire des processus
   stochastiques et des systèmes dynamiques de l'Université Cadi Ayyad de Marrakech
   au Maroc. On remercie aussi un rapporteur anonyme pour avoir signalé les
   références (Williams et Dye, 1997 ; Ma et Ma, 2006), qui nous ont aidés pour la
   section 5.

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Usage: http://www.kk-software.de/kklynxview/get/URL
e.g. http://www.kk-software.de/kklynxview/get/http://www.kk-software.de
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