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              Sur la taille finale des épidémies avec de la saisonnalité

                       Bull. Math. Biol. 71 (2009) p. 1954-1966

                                    Nicolas Bacaër

                      Institut de recherche pour le développement
                     32 avenue Henri Varagnat, 93413 Bondy, France
                                 nicolas.bacaer@ird.fr
                                 M. Gabriela M. Gomes

                   Instituto Gulbenkian de Ciência, Oeiras, Portugal
   Centre de mathématiques et d'applications fondamentales, Université de Lisbonne,
                                       Portugal

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    Résumé

   On étudie d'abord un système SIR d'équations différentielles à coefficients
   périodiques qui décrit une épidémie dans un environnement saisonnier.
   Contrairement à un environnement constant, la taille finale de l'épidémie peut ne
   pas être une fonction croissante de la reproductivité \(\mathcal{R}_0\). De plus,
   de grandes épidémies peuvent se produire même si  \(\mathcal{R}_0 < 1\). Mais
   comme dans un environnement constant, la taille finale de l'épidémie converge
   vers 0 si \(\mathcal{R}_0 < 1\) et si la fraction initiale de personnes infectées
   converge vers 0. La taille finale de l'épidémie est supérieure à la fraction
   \(1-1/\mathcal{R}_0\) de la population initiale non immunisée si \(\mathcal{R}_0
   > 1\,\). En résumé, la reproductivité garde la propriété classique de seuil mais
   de nombreuses autres propriétés ne sont plus vraies dans un environnement
   saisonnier. On devrait conserver ces résultats théoriques à l'esprit lorsqu'on
   analyse des données pour des maladies émergentes à vecteurs (virus du Nil
   occidental, dengue, chikungunya) ou transmises par voie aérienne (SRAS, grippe
   pandémique). Toutes ces maladies sont influencées par la saisonnalité.

1.   Introduction

       Considérons le système SIR suivant, qui décrit une épidémie:
   \begin{equation}\tag{1} \frac{dS}{dt}=-\beta(t)\, S\, I\ ,\quad
   \frac{dI}{dt}=\beta(t)\, S\, I - \gamma(t)\, I\ ,\quad \frac{dR}{dt}=\gamma(t)\,
   I\, . \end{equation} Le taux de contact \(\beta(t)\) et le taux de
   guérison \(\gamma(t)\) sont des fonctions continues, positives et périodiques de
   période t. Ici
     * \(S(t)\) est la fraction de la population qui est saine
     * \(I(t)\) est la fraction qui est infectée
     * \(R(t)\) est la fraction qui a guéri de l'infection et qui est immunisée.

   On a donc \(S(t)+I(t)+R(t)=1\). Considérons la condition initiale
   \begin{equation}\tag{2} S(t_0)=1-i-r,\quad I(t_0)=i,\quad R(t_0)=r,
   \end{equation} avec \(i > 0\), \(r\geq 0\) et \(i+r < 1\). Noter que les cas
   triviaux \(i=0\) et \(i+r=1\) sont exclus et que le cas particulier où
   \(r=0\) correspond à une maladie émergente pour laquelle la population n'a pas
   d'immunité. On définit \[R^*=\lim_{t\to +\infty} R(t).\] \(R^*-r\) est la taille
   finale de l'épidémie. \(R^*\) dépend des
   fonctions \(\beta(t)\) et \(\gamma(t)\) et des paramètres \(t_0\), \(i\) et
   \(r\). Pour insister sur cette dépendance, on peut écrire
   \(R^*=R^*(\beta(\cdot),\gamma(\cdot),t_0,i,r)\). Le système (1) avec
   \(\beta(t)\)  périodique et g constant peut être utilisé pour les maladies
   virales telles que la grippe et le SRAS, qui sont transmises par voie aérienne et
   qui se propagent sur une échelle de temps rapide par rapport aux processus
   démographiques et à la période d'immunité.

       Si les coefficients \(\beta(t)\) et \(\gamma(t)\) sont constants, le système
   (1) est le système simplifié de Kermack et McKendrick (1927) (Thieme, 2003). Dans
   ce cas, il y a une formule implicite pour \(R^*\)  \begin{equation}\tag{3}
   (1-R^*)\, \exp \Bigl [\mathcal{R}_0\, \frac{R^*-r}{1-r}\Bigr ]=1-i-r.
   \end{equation}  \(\mathcal{R}_0=\beta/\gamma\) est la reproductivité. Il en
   résulte que \(R^*\) est une fonction croissante de  \(\mathcal{R}_0\),
   indépendante de \(t_0\,\), et une fonction croissante de \(i\). Toutes ces
   propriétés sont quelque peu intuitives. On a \(R^*\to r\)  si \(\mathcal{R}_0 <
   1\) et \(i\to 0\,\). On a \[R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\]
   si \(\mathcal{R}_0 > 1\), comme on le vérifie facilement en étudiant le côté
   gauche de (3). Voir aussi (Thieme, 2003, théorème 18.6). \(R^*\) converge si
   \(i\to 0\) vers une limite positive si \(\mathcal{R}_0 > 1\). Dans le cas d'une
   maladie émergente où r=0, cette limite peut être identifiée avec la
   séroprévalence après la fin de l'épidémie. Alors (3) donne une estimation
   de \(\mathcal{R}_0\,\). Ceci donne une estimation de la couverture vaccinale
   nécessaire pour prévenir une épidémie de la même maladie dans d'autres régions
   avec des caractéristiques similaires. (Bacaër et Guernaoui, 2006 ; Bacaër, 2007 ;
   Bacaer et Ouifki, 2007 ; Wang et Zhao, 2008 ; Bacaër, 2009) ont étudié le
   problème de la définition de la reproductivité pour les systèmes périodiques. En
   résumé, on a pour le système (1)
   \[\mathcal{R}_0=\frac{\bar{\beta}(1-r)}{\bar{\gamma}}\ , \quad
   \bar{\beta}=\frac{1}{\tau} \int_0^\tau \!\!\! \beta(t)\, dt\ , \quad
   \bar{\gamma}=\frac{1}{\tau} \int_0^\tau \!\!\! \gamma(t)\, dt\ . \] En effet, en
   linéarisant (1) près de l'équilibre sans maladie \((S=1-r,I=0,R=r)\,\), on voit
   que \[\frac{dI}{dt} \simeq \beta(t) (1-r) I - \gamma(t)\, I.\]
   \(\mathcal{R}_0=1\) est visiblement le seuil pour cette simple équation linéaire
   périodique. Mais on peut aussi montrer que  \(\mathcal{R}_0\) est le rayon
   spectral de l'opérateur intégral de prochaine génération sur l'espace des
   fonctions continues périodiques \[\phi(t) \longmapsto \int_0^\infty K(t,x)
   \phi(t-x)\, dx.\] \(K(t,x)=\beta(t) (1-r) \exp(-\int_{t-x}^t \gamma(s)\,
   ds)\) est le taux de production de cas secondaires au temps \(t\) par une
   personne infectée au temps \(t-x\)  (Bacaër et Guernaoui, 2006, §5). Ce point de
   vue est proche de la définition « usuelle » de la reproductivité dans un
   environnement constant comme nombre moyen de cas secondaires produits par un cas
   initial. Mais la saisonnalité introduit un niveau de complexité semblable à celui
   des modèles épidémiques structurés par âge, pour lesquels la reproductivité est
   le rayon spectral d'un opérateur intégral (Diekmann et Heesterbeek, 2000). On
   voit aussi facilement que la reproductivité est l'unique nombre réel positif pour
   lequel le système linéaire périodique suivant a un multiplicateur de Floquet
   dominant égal à 1 : \[\frac{dI}{dt} = \beta(t)\, (1-r)\, I/\mathcal{R}_0 -
   \gamma(t)\, I.\] Voir (Bacaër, 2007, §3.4) et (Wang et Zhao,
   2008). \(\mathcal{R}_0\) apparaît aussi dans l'analyse des processus de naissance
   et de mort périodiques (Bacaër, 2007, §5.2). Noter que l'on appelle
   reproductivité ce que certains auteurs l'appelleraient la reproductivité
   effective. Ils garderaient  \(\mathcal{R}_0\) pour le quotient
   \(\bar{\beta}/\bar{\gamma}\). Dans tous les cas, la reproductivité ne dépend pas
   de la condition initiale.

       Dans la section 2, on commence par étudier quelles propriétés du système
   simplifié de Kermack et McKendrick restent vraies dans le cas périodique. Il
   s'avère que \(R^*\) peut ne pas être une fonction croissante de la
   reproductivité, que c'est une fonction périodique de l'instant initial, et qu'il
   peut ne pas être une fonction croissante de i. La première et la troisième de ces
   observations sont quelque peu contre-intuitives. La première observation implique
   qu'il peut être impossible d'estimer la reproductivité à partir de données de
   séroprévalence. Des simulations montrent aussi que de grandes épidémies peuvent
   se produire même lorsque \(\mathcal{R}_0 < 1\). Ceci se produit si la maladie est
   introduite durant une période favorable, si la fraction initiale de personnes
   infectées n'est pas trop petite, si la saisonnalité est suffisamment marquée, et
   si la période moyenne d'infection est courte par comparaison avec une saison.
   L'épidémie de chikungunya en 2007 en Italie était peut-être un pareil cas (ECDC,
   2009). On ne doit pas conclure que la reproductivité est     > 1 simplement de
   l'observation d'un pic épidémique et l'on devrait faire attention à la manière
   dont la reproductivité est défini si la saisonnalité est importante. Des
   simulations montrent aussi que la taille finale de l'épidemie peut être très
   sensible à de petits changements de la reproductivité. Ceci explique peut-être
   pourquoi il est si difficile de prédire l'avenir d'une épidémie influencée par la
   saisonnalité. Cela a été remarqué lors de l'épidémie de chikungunya en 2005 et
   2006 à La Réunion.

       On montre dans la section 3 que, comme dans le système simplifié de Kermack
   et McKendrick, \(\mathcal{R}_0=1\) est un seuil pour le système non linéaire
   périodique (1). On montre plus précisément que
     * \(R^*-r\to 0\) si \(\mathcal{R}_0 < 1\) et \(i\to 0\,\).
     * \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\) si \(\mathcal{R}_0 > 1\) et \(0 < i <
       1-r\).

   Noter que dans le cas où \(\mathcal{R}_0 > 1\,\), on a \(1-R^*\leq
   (1-r)/\mathcal{R}_0\). Donc l'épidémie divise la population initiale non
   immunisée par un nombre plus grand que  \(\mathcal{R}_0\). En un certain sens,
   c'est comme la théorie classique de la vaccination pour les systèmes à
   coefficients constants (Anderson et May, 1991). Des théorèmes de seuil similaires
   ont été ou peuvent être démontrés pour diverses généralisations du système
   simplifié de Kermack et McKendrick (1927) (Thieme, 2003 ; Diekmann et
   Heesterbeek, 2000 ; Anderson et May, 1991 ; Ma et Earn, 2006 ; Arino et coll.,
   2007). Mais notre méthode de démonstration sera différente parce qu'on ne peut
   trouver d'équation pour la taille finale semblable à (3) lorsque le système a des
   coefficients périodiques. On montre également dans la section 3 que le théorème
   de seuil reste valide pour un système périodique SEIR et pour un système
   périodique qui décrit une maladie à vecteurs. La reproductivité est définie et
   calculée à chaque fois comme dans (Bacaër, 2007, §3.4). Voir aussi (Wang et Zhao,
   2008).

2.   Simulations numériques

       Pour rester simple et à cause de l'intérêt actuel pour la grippe pandémique,
   on utilise le système (1), quoique la discussion sera aussi étendue à une maladie
   à vecteurs, le chikungunya. On peut vérifier que des remarques qualitatives
   similaires restent valables pour le système du §3.3. Considérons donc (1) avec
   par exemple \(\beta(t)=\bar{\beta} (1+\varepsilon \sin 2\pi
   t/\tau)\). \(\tau=1\)  représente la saisonnalité et ne peut être modifié. On
   suppose dans cette section que \(r=0\,\), comme pour une maladie émergente, et
   l'on étudie comment \(R^*\) dépend des autres
   paramètres: \(\bar{\beta}\), \(\varepsilon\), \(\gamma\), \(t_0\) et \(i\).

       La figure 1a montre que la taille finale de l'épidémie \(R^*\) peut ne pas
   croître avec la reproductivité  \(\mathcal{R}_0=\bar{\beta}/\gamma\). Les valeurs
   des paramètres sont  \(\varepsilon=\mbox{0,5}\), \(1/\gamma=1\) semaine
   \(=1/52\) année, \(t_0/\tau=\mbox{0,5}\), \(i=10^{-3}\), et l'on a pris deux
   valeurs pour \(\bar{\beta}\) qui correspondent à
   \(\mathcal{R}_0=2\) et \(\mathcal{R}_0=\mbox{2,5}\). Avec la valeur de la
   reproductivité la plus grande, l'épidémie a lieu durant la saison défavorable
   \(\mbox{0,5} < t/\tau < 1\), lorsque \(\beta(t)\) est inférieur à sa moyenne.
   Quand la saison favorable arrive (\(1 < t/\tau < \mbox{1,5}\)), la réserve de
   personnes saines est déjà largement réduite de sorte qu'aucune nouvelle épidémie
   ne se produit. Pour la valeur de la reproductivité la plus petite, la réserve de
   personne saines n'a pas été suffisamment entamée, une seconde vague épidémique se
   produit et la taille finale de l'épidémie est plus grande. Cette dernière
   situation est précisément ce qui s'est produit en 2005 et 2006 à La Réunion, une
   petite île de l'océan Indien qui est un territoire français d'outre-mer. Un
   premier petit pic s'est produit en mai 2005, juste avant le début de l'hiver
   austral. L'épidémie a traversé l'hiver à un niveau faible. Un second pic
   épidémique beaucoup plus grand s'est produit au début de l'été suivant en janvier
   2006 et a infecté environ 250000 personnes, soit un tiers de la population de
   l'île. Noter enfin que si la taille finale de l'épidémie n'est pas une fonction
   monotone croissante de la reproductivité, alors il est impossible d'estimer la
   reproductivité à partir de données de séroprévalence. Cependant, on montrera dans
   la section 3 que \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\). On sait donc au moins
   que  \(\mathcal{R}_0 \leq (1-r)/(1-R^*)\), ce qui donne une borne supérieure pour
   la reproductivité.
   [2009BMBFig1a.png] [2009BMBFig1b.png] Figure 1. La taille finale de l'épidémie
   peut ne pas croître: a) avec la reproductivité  \(\mathcal{R}_0\) ; b) avec la
   fraction initiale \(i\) de personnes infectées.

       De même, la figure 1b montre que la taille finale de l'épidémie peut ne pas
   croître avec la fraction initiale i de personnes infectées. Les valeurs des
   paramètres sont  \(\varepsilon=\mbox{0,5}\), \(1/\gamma=1/52\) année,
   \(t_0/\tau=\mbox{0,5}\), \(\mathcal{R}_0=\mbox{2,5}\) (ce qui
   détermine \(\bar{\beta}\)). On a pris \(i=10^{-6}\) et \(i=10^{-3}\). À
   nouveau, \(i=10^{-6}\) réduit le nombre de personnes saines plus lentement durant
   la saison défavorable.

       La figure 2a montre que de grandes épidémies sont possibles même si
   \(\mathcal{R}_0 < 1\). Les valeurs des paramètres
   sont \(\mathcal{R}_0=\mbox{0,9}\), \(\varepsilon=\mbox{0,5}\),
   \(1/\gamma=1/52\) année, \(t_0/\tau=0\) et \(i=10^{-3}\). Le fait que
   \(\mathcal{R}_0(1+\varepsilon) > 1\) et  \(\mathcal{R}_0(1-\varepsilon) <
   1\) donne une indication de ce qui arrive. Plus généralement, (1) montre
   que \(dI/dt < 0\) si  \(\beta(t)/\gamma(t) < 1\). L'épidémie se produit pendant
   la saison favorable et s'arrête simplement quand la période défavorable arrive.
   Le fait que la fraction initiale de personnes infectées ne soit pas trop petite
   (\(i=10^{-3}\)) joue aussi un rôle. En effet, le théorème du seuil avec r=0
   montre que \(R^*\to 0\) si \(i\to 0\) et \(\mathcal{R}_0 < 1\). On déduit de ces
   remarques qu'on devrait faire attention avant d'affirmer que  \(\mathcal{R}_0 >
   1\) dès qu'on observe un pic épidémique.

       Durant l'été 2007, une petite épidémie de chikungunya s'est produite près de
   Ravenne en Italie. L'été est la meilleure saison pour les moustiques dans cette
   région et l'épidémie n'aurait probablement jamais pu traversé l'hiver. À notre
   avis, on devrait considérer avec prudence les estimations de la reproductivité,
   toutes largement supérieures à 1, presentées durant la réunion sur la
   modélisation du chikungunya au Centre européen de contrôle et prévention des
   maladies (ECDC, 2009). Le problème vient essentiellement de la définition de la
   reproductivité et des hypothèses du modèle. Un modèle qui suppose un
   environnement constant semblable aux conditions estivales ne peut expliquer
   pourquoi l'épidémie s'arrête à l'automne; il est sûrement inadapté lorsque
   l'épidémie dure deux ans comme à La Réunion.
   [2009BMBFig2a.png] [2009BMBFig2b.png] Figure 2. (a) De grandes épidémies peuvent
   se produire même si \(\mathcal{R}_0 < 1\). (b) \(R^*\) peut être très sensible à
   de petites variations de la reproductivité.

       La figure 2b montre que la taille finale de l'épidémie peut être très
   sensible à de petites variations de la reproductivité. Les valeurs des paramètres
   sont  \(\varepsilon=\mbox{0,5}\), \(1/\gamma=1/52\) année,
   \(t_0/\tau=\mbox{0,5}\), \(i=10^{-6}\,\), tandis que la reproductivité prend
   l'une des trois valeurs: 1,15 (ligne continue), 1,2 (tireté) et 1,25 (ligne en
   pointillé). On obtient \(R^*\simeq 54\%\) si  \(\mathcal{R}_0=\mbox{1,15}\),
   \(R^*\simeq 23\%\) si \(\mathcal{R}_0=\mbox{1,2}\) et \(R^*\simeq
   50\%\) si \(\mathcal{R}_0=\mbox{1,25}\). En pratique, il n'est pas possible de
   distinguer des valeurs de la reproductivité aussi proches. Or la taille finale de
   l'épidémie correspondante varie d'un facteur 2. Dans les systèmes à coefficients
   périodiques comme (1), la prévision de la taille finale de l'épidémie semble très
   difficile. C'est peut-être une réponse aux critiques dirigées contre les
   épidémiologistes qui ont suivi l'épidémie de chikungunya à La Réunion. Bien qu'un
   réseau de surveillance ait soigneusement suivi l'épidémie depuis ses débuts en
   avril 2005, les épidémiologistes n'ont pas été capables de prévoir le grand pic
   qui s'est produit en janvier et février 2006. La population a ainsi mis sous
   pression l'Institut de veille sanitaire, chargé du suivi des maladies en France
   et dans ses territoires d'outre-mer. Nos simulations suggèrent que cette pression
   était peut-être injustifiée. D'une certaine manière, les prévisions épidémiques
   au-delà de quelques semaines dans un environnement saisonnier sont peut-être
   aussi incertaines que les prévisions météorologiques au-delà de quelques jours.
   L'analyse des maladies endémiques dans un environnement saisonnier, en lien avec
   le chaos, est une difficulté différente de celle étudiée ici.

       Pour la figure 2b, on a choisi \(i=10^{-6}\). En pratique, il est difficile
   d'estimer la fraction initiale i de personnes infectées. Le problème est que le
   système SIR suppose des contacts homogènes. Si une épidémie démarre dans une
   ville à partir d'un seul cas initial, on peut penser que la fraction i est
   simplement égale à l'inverse de la population de la ville. Mais si la ville est
   grande, alors il n'est peut-être pas raisonnable de supposer les contacts
   homogènes et l'on peut penser utiliser la population du quartier de la ville où
   le cas initial a été introduit. Le problème est le même pour les épidémies dans
   une petite île comme La Réunion mais avec environ 800000 habitants concentrés le
   long de la côte.

       La figure 3a étudie la dépendance de la taille finale de l'épidémie par
   rapport à l'instant auquel l'épidémie commence. Bien sûr, la taille finale est
   toujours une fonction périodique de \(t_0\) puisque le système (1) est invariant
   par un décalage de t en temps. Les valeurs des paramètres dans la figure 3a
   sont \(\mathcal{R}_0\in \{1\, ; \, 1,5\}\), \(\varepsilon=\mbox{0,5}\),
   \(1/\gamma=1\) semaine ou 3 semaines et \(i=10^{-3}\). La dépendance par rapport
   à \(t_0\) est importante si la reproductivité est proche de 1 et si la période
   infectieuse est courte par rapport à la période t. Dans un cas pareil, l'épidémie
   ne peut se développer durant la saison défavorable.

       La figure 3b montre pour \(\mathcal{R}_0=1\) la « valeur reproductive »
   \(V(t_0)\) ( « valeur infectieuse » serait une expression plus appropriée ) d'un
   cas initial introduit au temps \(t_0\), calculée avec l'équation linéarisée près
   de l'équilibre sans maladie: \begin{equation}\tag{4} \frac{dI}{dt} = \beta(t)\,
   (1-r)\, I(t) -\gamma(t)\, I(t)\, . \end{equation} On considère ici le cas
   général, pas seulement le cas particulier avec \(r=0\) et
   \(\gamma(t)\) constant. Rappelons que le taux de croissance asymptotique de (4)
   est  \(\rho=\bar{\beta}(1-r)-\bar{\gamma}\) et que c'est l'unique nombre réel
   pour lequel l'équation suivante a une solution périodique non nulle \[
   \frac{dJ}{dt} + \rho\, J(t)= \beta(t)\, (1-r)\, J(t) -\gamma(t)\, J(t)\, \] comme
   on peut le voir avec \(I(t)=J(t) \exp(\rho t)\) dans (4). (Bacaër et Abdurahman,
   2008, §2) a montré que la valeur reproductive dans les modèles de population
   linéaires périodiques en temps tels que (4) ne dépend pas de « l'âge » (ici, le
   temps écoulé depuis l'infection) et il est donné par toute solution non nulle de
   l'équation adjointe \[-\frac{dV}{d{t_0}} + \rho\, V(t_0)= \beta(t_0)\, (1-r)\,
   V(t_0) - \gamma(t_0)\, V(t_0) \, .\] Ceci donne \[V(t_0)=\exp \Bigl [
   \int_0^{t_0} (\gamma(t)-\bar{\gamma})\, dt - (1-r) \int_0^{t_0}
   (\beta(t)-\bar{\beta})\, dt \Bigr ]\] à une constante multiplicative près. La
   figure 3b comparée à la figure 3a où \(\mathcal{R}_0=1\) montre que la valeur
   reproductive donne seulement une vague idée de la dépendance de la taille finale
   de l'épidémie par rapport à \(t_0\) : on s'attend juste à ce que le maximum de
   \(R^*\) soit atteint près de \(t_0=0\) et le minimum près de \(t_0=\mbox{0,5}\).
   Avec  \(\mathcal{R}_0=\mbox{1,5}\), l'allure de \(V(t_0)\) est similaire, avec un
   maximum en \(t_0=0\) et un minimum en \(t_0=\mbox{0,5}\) (non montré) mais la
   figure 3a montre que ceci est trompeur: les effets non linéaires deviennent
   importants. Avec une période d'infection plus longue (\(1/\gamma=3\) semaines),
   la différence entre une épidémie débutant à une saison défavorable et une autre
   débutant à une saison favorable est moins prononcée que lorsque la période
   d'infection est plus courte (\(1/\gamma=1\) semaine).
   [2009BMBFig3a.png] [2009BMBFig3b.png] Figure 3. (a) Si \(\mathcal{R}_0\) est
   proche de 1, la taille finale de l'épidémie dépend fortement de \(t_0\) si la
   période infectieuse est courte comparée à la durée de la saison. (b) La « valeur
   reproductive » normalisée \(V(t_0)\) donne une vague idée de la dépendance de la
   taille finale de l'épidémie par rapport à \(t_0\) (ici, \(\mathcal{R}_0=1\)).

       Voici enfin quelques remarques au sujet d'une méthode d'estimation de la
   reproductivité à partir des données sans utiliser la taille finale de l'épidémie.
   Au tout début d'une épidémie,  \(t\simeq t_0\), \(S\simeq 1\), \(I\simeq 0\) et
   \(R\simeq 0\). On a donc \(dI/dt\simeq (\beta(t_0)-\gamma) I\) et \(I(t)\) tend à
   croître exponentiellement au taux  \(\beta(t_0)-\gamma\). On peut estimer ce taux
   avec le début de la courbe épidémique. Connaissant la duré moyenne de
   l'infection, on peut en déduire \(\beta(t_0)\) et donc le quotient
   \(\beta(t_0)/\gamma\). Mais notre analyse montre que ce quotient n'est pas lié à
   des propriétés de seuil du système. Ce n'est donc pas un bon candidat pour être
   appelé « reproductivité ». Si cependant  \(\beta(t)=\bar{\beta}\, f(t)\), et si
   \(f(t)\) est connu et périodique de moyenne égale à 1, alors on peut
   calculer \(\mathcal{R}_0 = (\beta(t_0)/\gamma)/f(t_0)\). Noter que
   \(\beta(t_0)/\gamma\) surestime (ou sous-estime) \(\mathcal{R}_0\) si \(f(t_0) >
   1\) (ou \(f(t_0) < 1\)), c'est-à-dire si l'épidémie débute pendant une période
   favorable (ou défavorable) où  \(\beta(t)\) est au-dessus (ou au-dessous) de sa
   moyenne \(\bar{\beta}\). Pour les maladies transmises par voie aérienne, il est
   difficile de connaître la forme de  \(f(t)=\beta(t)/\bar{\beta}\) parce qu'il est
   difficile d'estimer quantitativement l'influence de la température et de
   l'humidité sur la transmissibilité. Pour les maladies à vecteurs, les variations
   saisonnières de la population de vecteurs peuvent se mesurer. On peut donc
   estimer la reproductivité. Voir par exemple (Bacaër et Guernaoui, 2006).

3.   Théorèmes de seuil

  3.1   Le système périodique \(\text{S-I-R}\)

       Remarques préliminaires. Il résulte de (Thieme, 2003, § A.1) que (1)-(2) a
   une unique solution définie pour tout t et que \(S(t) > 0\) et \(I(t) > 0\
   \forall t\geq t_0\). Par ailleurs, la fonction \(S(t)\) est décroissante,
   \(R(t)\) est croissante et \(S+I+R=1\). On a donc \(S(t)\to S^*\) et \(R(t)\to
   R^*\)  si \(t\to +\infty\). Parce que \(I=1-S-R\,\), on voit que \(I(t)\to I^*\).
   Mais \(R(t)-r=\int_{t_0}^t \gamma(u)\, I(u)\, du\). Donc cette intégrale converge
   si \(t\to +\infty\). On a \(\bar{\gamma} > 0\) et donc \(I^*=0\).

       Sous le seuil. Supposons  \(\mathcal{R}_0 < 1\). Avec \(S(t)=1-I(t)-R(t)\),
   \(I(t)\geq 0\) et \(R(t)\geq r\ \forall t\geq t_0\,\), on a
   \[\frac{dI}{dt}=\beta(t) (1-I-R) I - \gamma(t) I \leq [\beta(t)(1-r)-\gamma(t)]
   I(t).\] Avec \(I(t_0)=i\,\), on obtient \[I(t)\leq i \exp\Bigl (\int_{t_0}^t
   \bigl [\beta(u)(1-r)-\gamma(u)\bigr ]\, du\Bigr ).\] Mais \(dR/dt=\gamma(t)
   I\) et \(R(t_0)=r\). On a donc \begin{equation}\tag{5} r\leq R(t)\leq r+i
   \int_{t_0}^t \gamma(u) \exp\Bigl (\int_{t_0}^u \bigl [\beta(v)(1-r) -
   \gamma(v)\bigr ]\, dv\Bigr ) du. \end{equation} On a \[\int_{t_0}^u
   [\beta(v)(1-r) - \gamma(v)]\, dv \sim [\bar{\beta}(1-r)-\bar{\gamma}]\, u, \quad
   u\to +\infty\, .\] Mais  \(\bar{\beta}(1-r)-\bar{\gamma} < 0\) parce que
   \(\mathcal{R}_0 < 1\). Donc l'intégrale du côté droit de (5) converge si \(\ t\to
   +\infty\) et \[r\leq R^*\leq r+i \int_{t_0}^\infty \gamma(u) \exp\Bigl
   (\int_{t_0}^u \bigl [\beta(v)(1-r)-\gamma(v)\bigr ]\, dv\Bigr ) du.\] On a donc
   \(R^*(t_0,i,r)\to r\) si \(i\to 0\).

       Au-dessus du seuil. On suppose  \(\mathcal{R}_0 > 1\). La preuve se fait par
   l'absurde. On suppose \(R^*-r < (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\). On a alors \(1-R^* >
   (1-r)/\mathcal{R}_0=\bar{\gamma}/\bar{\beta}\). Parce que \(R(t)\) est une
   fonction croissante, on voit que \(R(t)\leq R^*\ \forall t\geq t_0\). On a alors
   \begin{equation}\tag{6} \frac{dI}{dt}=\beta(t) (1-I-R) I-\gamma(t) I \geq
   \alpha(t) I - \beta(t) I^2, \end{equation} avec \(\alpha(t)=\beta(t)(1-R^*)
   -\gamma(t)\). De plus, \[\bar{\alpha}=\frac{1}{\tau} \int_0^\tau \alpha(t)\, dt =
   \bar{\beta}(1-R^*) -\bar{\gamma} > 0.\] Choisissons \(\eta\) avec \(0 < \eta <
   \bar{\alpha}/\bar{\beta}\). Parce que \(I(t)\to 0\) si \(t\to +\infty\,\), on
   peut trouver \(t_1 > t_0\) avec \(0\leq I(t)\leq \eta\ \forall t\geq t_1\). Or
   l'équation (6) implique que \[\frac{dI}{dt} \geq (\alpha(t)-\beta(t)\, \eta)
   I\quad \forall t\geq t_1.\] On a donc \[I(t)\geq I(t_1) \exp(\int_{t_1}^t
   (\alpha(u)-\beta(u) \eta)\, du),\quad \forall t\geq t_1.\] À cause du choix de y,
   on obtient \(I(t)\to +\infty\) si \(t\to +\infty\), ce qui contredit \(I(t)\leq
   1\). On a ainsi \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\).

  3.2   Un système SEIR périodique

       Le modèle et la définition de  \(\mathcal{R}_0\). Considérons le système \[
   \frac{dS}{dt}=-\beta(t) S\, I,\quad \frac{dE}{dt}=\beta(t) S\, I - \delta(t)
   E,\quad \frac{dI}{dt}=\delta(t) E-\gamma(t) I,\quad \frac{dR}{dt}=\gamma(t) I ,\]
   avec \(S+E+I+R=1\) et où le taux  \(\delta(t)\) pour passer du compartiment
   latent au compartiment infectieux peut aussi être périodique avec \(\bar{\delta}
   > 0\). Considérons la condition initiale \[S(t_0)=1-e-i-r,\quad E(t_0)=e,\quad
   I(t_0)=i,\quad R(t_0)=r,\] avec \(e\geq 0\), \(i\geq 0\), \(r\geq 0\), \(e+i >
   0\) et \(e+i+r < 1\). Si l>0, on définit  \(\Phi(t,t_0;\lambda)\) l'opérateur
   d'évolution associé avec le système linéaire périodique de période t
   \begin{equation}\tag{7} \frac{d}{dt}\left (\begin{array}{c} \tilde{E}\\ \tilde{I}
   \end{array}\right ) = \left (\begin{array}{cc} - \delta(t) &
   \frac{\beta(t)(1-r)}{\lambda} \\ \delta(t) & -\gamma(t) \end{array} \right )
   \left (\begin{array}{c} \tilde{E}\\ \tilde{I} \end{array}\right ) .
   \end{equation} Le rayon spectral  \(\sigma(\lambda)\) de
   \(\Phi(t_0+\tau,t_0;\lambda)\) est le multiplicateur de Floquet dominant de (7)
   et ne dépend pas de \(t_0\). Les coefficients hors diagonale de (7) sont
   positifs. (Aronsson et Kellogg, 1978, lemme 2) implique
   que \(\Phi(t,t_0;\lambda)\) est une matrice positive  \( \forall t > t_0\). De
   plus, \(\sigma(\lambda)\) est une fonction décroissante de  \(\lambda\)  (Wang et
   Zhao, 2008). Dans (Bacaër, 2007, §3.4) (voir aussi (Wang et Zhao, 2008), la
   reproductivité  \(\mathcal{R}_0\) est définie comme l'unique l > 0 avec
   \(\sigma(\lambda)=1\).

       Quelques remarques. Il résulte de (Thieme, 2003, § A.1) que
     * le système SEIR périodique a une unique solution définie pour tout t
     * \(S(t) > 0\), \(E(t) > 0\) et \(I(t) > 0\ \forall t > t_0\).

   \(S(t)\) décroît et converge vers \(S^*\). \(R(t)\) croît et converge vers
   \(R^*\). Parce que  \(\frac{d}{dt}(I+R)=\delta(t) E\), la fonction \(I+R\) croît
   et converge. On a donc \(I(t)\to I^*\). De plus, \(R(t)-r=\int_{t_0}^t \gamma(u)
   I(u) du\) converge si \(t\to +\infty\). On a \(\bar{\gamma} > 0\) et donc
   \(I^*=0\). Mais \(E=1-S-I-R\). On a donc  \(E(t)\to E^*\). Parce que
   \(\frac{d}{dt}(S+E)=- \delta(t) E\), l'intégrale  \(\int_{t_0}^\infty \delta(u)\,
   E(u)\, du\) converge. Avec \(\bar{\delta} > 0\,\), on a \(E^*=0\). Montrons \(S^*
   > 0\). Imaginons que \(S^*=0\). Avec \[\log S(t) - \log S(t_0) = - \int_{t_0}^t
   \beta(u)\, I(u)\, du,\] on a  \(\int_{t_0}^{\infty} \beta(u)\, I(u)\, du
   =+\infty\). Avec les inégalités \begin{align*} \int_{t_0}^t \beta(u)\, I(u)\, du
   &\leq \Bigl [\max_{0\leq u\leq \tau} \frac{\beta(u)}{\gamma(u)} \Bigr ]
   \int_{t_0}^t \gamma(u)\, I(u)\, du\, ,\\ \int_{t_0}^t \gamma(u)\, I(u)\, du &=
   R(t)-r\leq 1-r \end{align*} on a \[\int_{t_0}^{\infty} \beta(u)\, I(u)\, du <
   +\infty.\] On a ainsi \(S^* > 0\) et \(R^*=1-S^* < 1\).

       Sous le seuil. Avec \(S=1-E-I-R\,\), on a \[ \frac{d}{dt}\left
   (\begin{array}{c} E\\ I \end{array}\right )\leq \left (\begin{array}{cc} -
   \delta(t) & \beta(t)(1-r)\\ \delta(t) & -\gamma(t) \end{array} \right ) \left
   (\begin{array}{c} E\\ I \end{array}\right )\ , \] où l'inégalité entre vecteurs
   signifie l'inégalité composante par composante. On a donc \((E(t),I(t))'\leq
   \Phi(t,t_0;1) (e,i)'\), où le signe \('\) désigne la transposition. Dans le cas
   \(\mathcal{R}_0 < 1\,\), on a \(\sigma(1) < 1\) et \[\|\Phi(t,t_0;1)\| \leq K
   \exp(-\xi (t-t_0))\] avec \(K > 0\) et \(\xi > 0\) (Hale, 1980, théorème 7.2). On
   a donc \(R^*-r=\int_0^\infty \gamma(t) I(t) dt\) converge vers 0 si e et
   i convergent vers 0.

       Au-dessus du seuil.  \(\mathcal{R}_0 > 1\). Imaginons que l'inégalité
   suivante soit fausse : \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\). On a \[1-R^* >
   (1-r)/\mathcal{R}_0\,\] \[\sigma( (1-r)/(1-R^*) ) > \sigma(\mathcal{R}_0)=1.\]
   Par continuité du rayon spectral et parce que \(R^* < 1\), \[\exists \eta \in
   ]0,1-R^*[,\quad \sigma(\lambda) > 1,\] avec \(\lambda=(1-r)/(1-R^*-\eta)\). On a
   \(S(t)\to 1-R^*\) si \(t \to +\infty\). On a donc \[\exists t_1 > t_0,\quad
   \forall t\geq t_1,\quad S(t)\geq 1-R^*-\eta.\] Par conséquent, \begin{equation}
   \frac{d}{dt}\left (\begin{array}{c} E\\ I \end{array}\right )\geq \left
   (\begin{array}{cc} - \delta(t) & \beta(t)(1-R^*-\eta)\\ \delta(t) & -\gamma(t)
   \end{array} \right ) \left (\begin{array}{c} E\\ I \end{array}\right )
   \end{equation} et \((E(t),I(t))' \geq \Phi(t,t_1;\lambda)\, (E(t_1),I(t_1))'\
   \forall t\geq t_1\). En particulier, \[\left (\begin{array}{c}
   E(t_1+n\tau)\\I(t_1+n\tau) \end{array}\right )\geq \Phi(t_1+n\tau,t_1;\lambda)
   \left (\begin{array}{c} E(t_1)\\I(t_1) \end{array}\right
   )=\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda)^n \left (\begin{array}{c} E(t_1)\\I(t_1)
   \end{array}\right )\] pour tout entier n>=1. Les valeurs propres de la matrice
   positive  \(\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda)\) sont \(\mu_1\) et  \(\mu_2\).
   \(\mu_1=\sigma(\lambda)\) est la valeur propre dominante, selon le théorème de
   Perron et Frobenius (Berman et Plemmons, 1979). D'après la formule de Liouville
   \[\mathrm{det} [\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda)]=\mu_1 \mu_2=\exp\Bigl (-\int_0^\tau
   [\delta(t) + \gamma(t)] dt\Bigr )=\exp\bigl
   (-(\bar{\delta}+\bar{\gamma})\tau\bigr ) < 1.\] Parce que \(\mu_1=\sigma(\lambda)
   > 1\,\), on a \(\mu_2\in \mathbb{R}\)  et \(0 < \mu_2 < 1\). D'après le théorème
   de Perron et Frobenius, on peut trouver un vecteur propre
   positif \((p_{1,1},p_{2,1})'\)  avec \[\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda) \,
   (p_{1,1},p_{2,1})' = \mu_1 \, (p_{1,1},p_{2,1})'.\] On choisit
   \((p_{1,2},p_{2,2})'\in \mathbb{R}^2 \setminus 0\) avec
   \[\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda) \, (p_{1,2},p_{2,2})' = \mu_2 \,
   (p_{1,2},p_{2,2})'.\] Les vecteurs propres positifs ne peuvent être associés qu'à
   la valeur propre dominante (Berman et Plemmons, 1979, théorème 2.1.4). On a donc
    \(p_{1,2}\, p_{2,2} < 0\). On peut donc supposer que \(p_{2,2} > 0\) et
   \(p_{1,2} < 0\). On définit \[P=\left (\begin{array}{cc} p_{1,1} & p_{1,2}\\
   p_{2,1} & p_{2,2} \end{array} \right ).\] On a alors
   \(\Phi(t_1+\tau,t_1;\lambda)^n= P\, \mathrm{diag}(\mu_1^n,\mu_2^n)\,
   P^{-1}\) pour tout entier n>=1. \(\Delta=p_{1,1} p_{2,2} - p_{1,2} p_{2,1} >
   0\) est le déterminant de P. On a alors \begin{align*} & \left (\begin{array}{c}
   E(t_1+n\tau)\\I(t_1+n\tau) \end{array}\right ) \geq \frac{1}{\Delta} \left
   (\begin{array}{cc} p_{1,1} & p_{1,2}\\ p_{2,1} & p_{2,2} \end{array} \right )
   \left (\begin{array}{cc} \mu_1^n & 0\\ 0 & \mu_2^n \end{array} \right ) \left
   (\begin{array}{cc} p_{2,2} & -p_{1,2}\\ -p_{2,1} & p_{1,1} \end{array} \right
   )\left (\begin{array}{c} E(t_1)\\I(t_1) \end{array}\right )\\ &\quad =
   \frac{1}{\Delta} \left (\begin{array}{c} \mu_1^n\, p_{1,1} \, [p_{2,2}\, E(t_1) -
   p_{1,2}\, I(t_1) ] + \mu_2^n\, p_{1,2} \, [-p_{2,1}\, E(t_1) + p_{1,1}\, I(t_1)
   ]\\ \mu_1^n\, p_{2,1} \, [p_{2,2}\, E(t_1) - p_{1,2}\, I(t_1) ] + \mu_2^n\,
   p_{2,2} \, [-p_{2,1}\, E(t_1) + p_{1,1}\, I(t_1) ] \end{array}\right ).
   \end{align*} Parce que \(\mu_1 > 1\), \(0 < \mu_2 < 1\), \(\Delta > 0\),
   \(p_{1,1} > 0\), \(p_{2,1} > 0\) et \(p_{2,2}\, E(t_1) - p_{1,2}\, I(t_1) >
   0\,\), on a \[E(t_1+n\tau) \mathop{\longrightarrow}_{n\to +\infty} +\infty,\quad
   I(t_1+n\tau) \mathop{\longrightarrow}_{n\to +\infty} +\infty.\] Mais ceci
   contredit le fait que \((E(t),I(t))\to (0,0)\) si \(t\to +\infty\). On a donc
   \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\).

  3.3   Un système périodique pour une maladie à vecteurs

       Considérons le système pour une maladie à vecteurs \[\frac{dS}{dt}=-
   \frac{\beta S J}{H},\quad \frac{dI}{dt}= \frac{\beta S J}{H} -\gamma\, I,\quad
   \frac{dR}{dt}=\gamma\, I ,\quad \frac{dJ}{dt}= \beta'(V(t)-J)I- \delta\, J,\]
   avec
     * \(V(t)\) : une population périodique de vecteurs
     * \(H\)  : la population humaine totale, \(S+I+R=H\),
     * \(J\) : le nombre de vecteurs infectés,
     *  \(\delta\) : la mortalité des vecteurs,
     *  \(\beta\) (respectivement \(\beta'\)) : le taux auquel piquent les vecteurs
       multiplié par la probabilité de transmission du vecteur à l'humain
       (respectivement de l'humain au vecteur).

   C'est un modèle raisonnable d'épidémie pour un arbovirus: dengue, fièvre du Nil
   occidental, fièvre jaune, chikungunya, etc. La condition initiale est
   \[S(t_0)=1-i-r, \quad I(t_0)=i, \quad R(t_0)=r, \quad J(t_0)=j,\] avec \(i > 0\),
   \(r\geq 0\), \(i+r < 1\) et \(0\leq j\leq V(t_0)\). La reproductivité
   \(\mathcal{R}_0\) est telle que le système suivant ait un multiplicateur de
   Floquet dominant égal à 1 \[ \frac{d}{dt} \left (\begin{array}{c} \tilde{I} \\
   \tilde{J} \end{array} \right ) = \left ( \begin{array}{cc} -\gamma & \frac{\beta
   (1-r)}{\mathcal{R}_0\, H} \\ \beta' \, V(t) &- \delta \end{array}\right ) \left
   (\begin{array}{c} \tilde{I} \\ \tilde{J} \end{array} \right ) \] (Bacaër, 2007).
   Certains auteurs préfèrent utiliser  \(\mathcal{R}'_0=\sqrt{\mathcal{R}_0}\). On
   peut montrer comme dans §3.2 que:
     * \(R^*-r \to 0\) si \(\mathcal{R}_0 < 1\), \(i\to 0\) et \(j\to 0\),
     * \(R^*-r\geq (1-r)(1-1/\mathcal{R}_0)\) si \(\mathcal{R}_0 > 1\).

   Esquissons brièvement la preuve. Dans le cas \(\mathcal{R}_0 < 1\,\), cela
   résulte de \[ \frac{d}{dt} \left (\begin{array}{c} I \\ J \end{array} \right )
   \leq \left ( \begin{array}{cc} -\gamma & \frac{\beta (1-r)}{ H} \\ \beta' \, V(t)
   &- \delta \end{array}\right ) \left (\begin{array}{c} I \\ J \end{array} \right
   ). \] Dans le cas \(\mathcal{R}_0 > 1\,\), on a \[R(t)\to R^*, \quad S(t)\to
   1-R^*, \quad I(t)\to 0, \quad J(t)\to 0,\quad t\to +\infty.\] Supposons \(1-R^* >
   (1-r)/\mathcal{R}_0\). On a alors \[\exists \eta > 0,\quad \exists t_1 >
   t_0,\quad \forall t\geq t_1,\quad \frac{d}{dt} \left (\begin{array}{c} I \\ J
   \end{array} \right ) \geq \left ( \begin{array}{cc} -\gamma & \frac{\beta
   (1-R^*-\eta)}{ H} \\ \beta' \, (V(t)-\eta) &- \delta \end{array}\right ) \left
   (\begin{array}{c} I \\ J \end{array} \right ). \] Le multiplicateur de Floquet
   dominant du côté droit étant strictement supérieur à 1. Ceci conduit comme dans
   §3.2 à une contradiction avec  \(I(t)\leq 1\). On a
   donc \(1-R^*\leq(1-r)/\mathcal{R}_0\).

4.   Conclusion

       Notre analyse montre que le théorème de seuil pour les systèmes à
   coefficients constants (avec les deux cas classiques, \(\mathcal{R}_0 <
   1\) et \(\mathcal{R}_0 > 1\)) se généralise aux systèmes avec des coefficients
   périodiques qui représentent la saisonnalité, pourvu que la reproductivité
   \(\mathcal{R}_0\) soit définie comme dans nos travaux antérieurs (Bacaër et
   Guernaoui, 2006 ; Bacaër, 2007 ; Bacaer et Ouifki, 2007). Cependant, de manière
   quelque peu inattendue, les systèmes périodiques peuvent donner lieu à des
   épidémies assez grandes même lorsque  \(\mathcal{R}_0 < 1\). La taille finale de
   l'épidémie peut de pas croître avec  \(\mathcal{R}_0\) ou avec la fraction
   initiale \(i\) de personnes infectées.

       Ces observations basées sur des systèmes simples devraient servir
   d'avertissement pour l'interprétation des épidémies influencées par la
   saisonnalité. Les épidémies émergentes de maladies à vecteurs, auxquelles la
   théorie du changement climatique accorde une attention particulière, devraient
   être analysées avec précaution comme on l'a vu avec le cas du chikungunya à La
   Réunion et en Italie.

       Un autre cas intéressant de nos jours est celui de la grippe pandémique chez
   les humains, suivant celle chez les oiseaux. La pandémie de 1918-1919 s'est
   produite en plusieurs vagues influencées par la saisonnalité. Des tentatives
   d'estimation de la reproductivité pour cette pandémie ont supposé des
   coefficients constants et ont utilisé le début de la courbe épidémique ou la
   taille finale d'épidémies à une seule vague. Voir par exemple (Vynnycky et coll.,
   2007).

       Notre travail suggère que ces analyses doivent peut-être être révisées. La
   relation entre  \(\mathcal{R}_0\) et le comportement des épidémies influencées
   par la saisonnalité n'est pas une généralisation évidente de ce qui est connu
   dans le cas d'un environnement constant.

    Remerciements

       Ce travail a débuté alors que N.B. visitait l'Institut Gulbenkian des
   sciences, avec un financement du Conseil Portugais pour la Recherche (FCT) et de
   la Commission européenne (MEXT-CT-2004-14338). N.B. remercie également le Centre
   européen de contrôle et prévention des maladies pour son invitation à une réunion
   sur la modélisation du chikungunya.

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