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    Modélisation de l'épidémie de VIH/SIDA parmi les consommateurs de drogue et les
                       travailleuses du sexe à Kunming en Chine

                          Bull. Math. Biol. 68 (2006) 525-550

                                    Nicolas Bacaër

                      Institut de recherche pour le développement
                                     Bondy, France
                                 nicolas.bacaer@ird.fr

                                  Xamxinur Abdurahman

                 Département de mathématiques et sciences des systèmes
                         Université du Xinjiang, Urumqi, Chine

                                       Jianli Ye

         Centre pour la surveillance de la santé publique, CCDC, Pékin, Chine

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    R&eacutesumé

   Cet article présente un modèle mathématique de l'épidémie de VIH/SIDA à Kunming,
   la capitale provinciale du Yunnan, en Chine. La population est divisée en
   plusieurs groupes, avec des individus qui peuvent changer de groupe. On considère
   deux modes de transmission du VIH: le partage des seringues entre utilisateurs de
   drogue et la transmission sexuelle entre les travailleuses du sexe et leurs
   clients. Le modèle inclut des utilisateurs de drogue qui sont aussi des clients
   et des utilisatrices de drogue qui sont des travailleuses du sexe. Les groupes
   sont scindés en deux sous-groupes, à risque ou protégé, suivant l'utilisation de
   préservatifs et le partage de seringues. On formule un système d'équations aux
   dérivées partielles pour décrire la propagation de la maladie. Pour les
   simulations, on ajuste les paramètres autant que possible aux données disponibles
   sur Kunming. On présente certaines propriétés mathématiques du modèle, en
   particulier le seuil épidémique \(R_0\,\) qui détermine l'objectif des
   interventions de santé publique. Quoique le modèle combine deux modes de
   transmission du VIH, l'approximation suivante semble assez bonne : \(\,R_0\simeq
   \max \{R_0^{\mathrm{drogue}},R_0^{\mathrm{sexe}}\}\,\), avec des formules
   explicites pour \(R_0^{\mathrm{drogue}}\) et \(R_0^{\mathrm{sexe}}\). Les niveaux
   critiques d'utilisation des seringues propres et des préservatifs, nécessaires
   pour arrêter à la fois la transmission parmi les utilisateurs de drogue et la
   transmission sexuelle, peuvent donc être déterminés indépendamment l'un de
   l'autre.

1.   Introduction

       L'épidémie de VIH/SIDA s'est développée assez vite au cours des dernières
   années en Chine. À la fin de l'année 2003, on estimait que le nombre cumulé de
   personnes infectées par le VIH était d'environ 840000 [44]. À l'échelle
   nationale, l'utilisation de drogue, la collecte de sang non sécurisée et la
   transmission sexuelle étaient par ordre décroissant les principales voies de
   transmission. Mais il y a des différences entre les provinces. Pour la
   transmission du VIH entre utilisateurs de drogue, c'est la province du Yunnan qui
   semble la plus touchée. Le Yunnan est proche du Myanmar, un pays producteur
   d'héroïne. Certaines estimations suggèrent que 100000 personnes sont actuellement
   infectées dans cette province [1]. L'épidémie parmi les utilisateurs de drogue se
   propage vers d'autres groupes à risque tels que les travailleuses du sexe et
   leurs clients, puisque certains utilisateurs de drogue sont aussi des clients ou
   des travailleuses du sexe. Dans le présent article, on essaye de reproduire la
   dynamique de l'épidémie à Kunming, la capitale provinciale du Yunnan. On
   développe un modèle épidémique couplant la transmission du VIH par le partage de
   seringues et par les rapports sexuels commerciaux.

       La première étape a consisté à rassembler les données disponibles relatives à
   l'épidémie de VIH/SIDA à Kunming. Voici ce que l'on a trouvé de plus utile:
     * Pendant le second semestre de l'année 2001, des enquêtes comportementales ont
       été menées dans plusieurs villes du Yunnan: Kunming, Qujing, Yuxi, Baoshan,
       Dali et Chuxiong. Pour l'enquête sur les hommes adultes [21], on a posé des
       questions à 388 hommes âgés entre 18 et 50 ans. Pendant les douze mois
       précédents, 21,4% d'entre eux avaient été clients de travailleuses du sexe
       [21, tableau 149]. Ces clients ont été en contact avec des travailleuses du
       sexe en moyenne 2,4 fois par mois [tableau 174]; 46% n'ont pas toujours
       utilisé des préservatifs [Table 181]; 0,9% de tous ces hommes ont déclaré
       s'être injecté des stupéfiants [tableau 136]. Pour l'enquête sur les
       travailleuses du sexe [22], on a posé des questions à 403 travailleuses du
       sexe: chacune avait eu en moyenne 3 clients par semaine [tableau 78] et avait
       travaillé ainsi en moyenne depuis 2,5 années [tableau 63]. 35% n'avaient pas
       toujours utilisé des préservatifs pendant le mois précédent [tableau 84].
       Aucune travailleuse du sexe n'a déclaré s'être injecté de la drogue [tableau
       46]. Les travailleuses du sexe travaillant dans la rue ne représentaient que
       6,6% du total, la plupart travaillant par ordre décroissant d'importance dans
       les salons de beauté, les boîtes de nuit et les hôtels, les bars et les
       karaokés, les saunas et les bains publics [tableau 178].
     * Une autre étude [36] rapporte que parmi 505 travailleuses du sexe arrêtées
       par la police à Kunming au début de l'année 2000, les 52 qui étaient
       séropositives faisaient partie des 292 qui utilisaient de la drogue. De plus,
       86% de ces travailleuses du sexe avaient au moins une infection sexuellement
       transmissible.
     * Le tableau 1 résume les données sur le VIH/SIDA à Kunming à partir de
       différentes sources: nombre de nouveaux cas de VIH, nombre cumulé de cas
       rapportés, prévalence du VIH parmi les utilisateurs de drogue, les
       travailleuses du sexe et les clients. Des nombres différents pour la même
       année et le même groupe correspondent à des échantillons différents. Pour
       avoir une présentation homogène, tous les nombres ont été arrondis à 0,1%
       près. [45] rapportent 13 cas de SIDA en 1999. [46] rapportent 17 décès liés
       au SIDA jusqu'en 2002.

   CAPTION: Tableau 1. Données sur le VIH à Kunming. Sources: \(^a\) [37], \(^b\)
   [47], \(^c\) [29], \(^d\) [52], \(^e\) [51], \(^f\) [45], \(^g\) [46], \(^h\)
   [50], \(^i\) [12].

   année nouveaux cas total des cas prévalence chez les drogués (%) prévalence chez
   les travailleuses du sexe (%) prévalence chez les clients (%)
   1990 4\(^g\) 4\(^g\) 0,6\(^g\) 0\(^g\) 0\(^g\)
   1991 5\(^g\) 9\(^g\) 0,1\(^g\) 0,1\(^g\) 0,1\(^g\)
   1992 5\(^g\) 14\(^g\) 0\(^h\); 0,1\(^g\) 0,1\(^g\) 0,1\(^g\)
   1993 6\(^g\) 20\(^g\) 0\(^h\); 0,2\(^g\) 0,1\(^g\) 0,1\(^g\)
   1994 4\(^g\) 24\(^g\) 0\(^{a-g-h}\) 0\(^c\); 0,3\(^g\) 0,1\(^g\)
   1995 24\(^g\) 48\(^g\) 0,7\(^{a-i}\); 0,8\(^h\); 1,4\(^g\) 0,3\(^g\);
   0,5\(^{a-c}\); 0,7\(^i\) 0\(^c\); 0,2\(^i\)
   1996 189\(^g\) 237\(^g\) 9,3\(^{a-h}\); 14,0\(^g\) 0,8\(^{a-g}\); 1,5\(^c\)
   0\(^c\); 0,1\(^g\)
   1997 26,7\(^g\); 27,5\(^h\) 1,5\(^c\); 1,9\(^g\) 0\(^c\); 1,6\(^g\)
   1998 23,4\(^{b-h}\) 2,4\(^c\) 0,3\(^c\)
   1999 384\(^f\) 1251\(^f\) 24,4\(^b\); 24,7\(^f\) 2,2\(^{b-c}\); 2,9\(^f\)
   1,1\(^c\); 1,3\(^f\)
   2000 2,9\(^c\)
   2001 165\(^e\) 30,0\(^e\) 2,0\(^{c-e}\) 1,8\(^{c-e}\)
   2002 1433\(^g\) 1,3\(^c\) 0,3\(^c\)
   2003 226\(^d\) 18,6\(^d\) 2,5\(^{c-d}\) 0,8\(^{c-d}\)
     * Des experts de l'Institut des drogues du Yunnan ont estimé en 2002 qu'il y
       avait 7000 utilisateurs de drogue injectable à Kunming. Le nombre
       d'utilisateurs enregistrés au Yunnan a baissé de 67000 en 1990 à 44245 en
       2001, alors que dans l'ensemble de la Chine, ce nombre est passé de 70000 à
       860000 [39].
     * Le pourcentage des drogués qui partagent des seringues à Kunming a été estimé
       à 20,4% en 1994 [49]. En 2003, 32% d'un échantillon de 150 drogués à Kunming
       avaient réutilisé des seringues [27].
     * La population de Kunming a augmenté constamment au cours de la dernière
       décennie, comme indiqué dans le tableau 2 [35]. Les estimations jusqu'en 1998
       sont basées sur le recensement de 1990. L'estimation pour 1999 est basée sur
       le recensement de l'année 2000.

   CAPTION: Tableau 2. Population de Kunming.

       année                 1993  1995  1998  1999  2000  2002
       population (millions) 1,608 1,645 1,731 2,063 2,108 2,200

       La seconde étape a consisté à développer un modèle mathématique de la
   structure de la population et de la transmission du VIH à Kunming, avec deux
   objectifs contradictoires :
     * assez complexe pour pouvoir faire par simulation une reconstruction réaliste
       de l'épidémie jusqu'au présent;
     * assez simple pour pouvoir estimer la plupart des paramètres avec les données
       et pouvoir étudier mathématiquement le seuil épidémique, qui permet de
       comprendre l'objectif que doit se fixer la prévention.

       Parmi les études similaires qui se sont focalisées sur les simulations,
   quatre sont d'un intérêt particulier. Les deux premières [48, 7] ont essayé de
   prédire le futur de l'épidémie au Yunnan. La troisième [32] a essayé la même
   chose mais pour l'ensemble de la Chine. La quatrième [8] a utilisé un modèle avec
   des données de différentes villes du sud-est asiatique telles que Jakarta. La
   première étude utilise un modèle linéaire très simple, qui ne peut prédire que la
   croissance exponentielle. La seconde utilise le logiciel EPP développé par
   ONUSIDA pour simuler les épidémies à transmission sexuelle généralisée. Noter
   cependant que l'épidémie dans le Yunnan est encore concentrée dans les groupes à
   risque tels que les utilisateurs de drogue. La troisième étude utilise un modèle
   plus sophistiqué, mais toujours sans partage des seringues, et l'applique avec
   des données moyennes nationales.

       Pour ces trois premières études, les niveaux géographiques auxquels ils
   opèrent cachent de nombreuses hétérogénéités, soit entre les provinces de Chine
   [44], soit même d'une ville à l'autre à l'intérieur de la même province. Au
   Yunnan, la distance à la frontière du Myanmar et aux routes où passe le trafic de
   drogue est un élément clé. C'est ce qui nous a conduit à ne considérer que la
   ville de Kunming et non une zone plus large.

       Notre étude est en plusieurs points plus proche de la quatrième étude [8],
   bien que l'on considère moins de voies de transmission du VIH. En particulier, on
   a gardé l'idée que dans les modèles de population avec plusieurs groupes, les
   individus doivent pouvoir changer de groupe. Par exemple, les travailleuses du
   sexe travaillent souvent pour une période de temps bien plus courte que la
   période moyenne d'incubation du SIDA. Il faut d'ailleurs mentionner le débat
   autour de toutes ces simulations, notamment au sujet de leur capacité prédictive
   [43, 14, 16, 34]. Un autre inconvénient de ces simulations est qu'elles donnent
   souvent peu d'indication sur le seuil épidémique et sur le comportement à long
   terme du modèle, le type d'information nécessaire pour fixer des objectifs de
   santé publique.

       Parmi les études mathématiques, on a restreint notre attention à celles avec
   les caractéritiques suivantes, proches de [28] :
     * Les individus peuvent traverser trois états: S (sain), I (séropositif mais
       sans SIDA) et R (SIDA). Plus exactement, on suppose que ceux dans l'état R
       n'ont pas de contact infectieux avec les autres.
     * L'état I est structuré par le temps écoulé depuis l'infection par le VIH; la
       période d'incubation du VIH au SIDA est donnée par une loi de probabilité.
     * La structure par âge n'apparaît pas explicitement dans le modèle. Les
       personnes saines sont recrutées à un certain taux. Les individus quittent la
       population par mort « naturelle », par la mortalité due au SIDA ou par un
       flux constant de « vieillissement ».
     * La transmission du VIH se produit par des contacts au hasard. On ne tient pas
       compte de la formation de couples.

   Avec ces restrictions, les modèles mathématiques peuvent être classés suivant le
   nombre de groupes homogènes dans la population: un [4, 10, 40, 41], deux [25, 26]
   ou n [20, 11, 24, 38]. Le modèle de notre article présente n groupes avec n=18
   pour l'application à Kunming. Comparé aux travaux que l'on vient de citer, il y a
   deux raffinements: l'inclusion de deux voies de transmission du VIH (le partage
   des seringues entre utilisateurs de drogue et la transmission sexuelle entre
   travailleuses du sexe et clients) et la possibilité pour les individus de changer
   de groupe comme dans les simulations de [8]. Il y a d'ailleurs une certaine
   analogie formelle entre une population dans une ville divisée en plusieurs
   groupes différents, avec certaines personnes qui changent de groupe au cours de
   leur vie, et une population distribuée sur plusieurs villes avec des migrations
   entre les villes. Pour les contacts, on a utilisé le « mélange proportionnel »
   pour le partage des seringues et une variante hétérosexuelle du mélange
   proportionnel pour les relations entre travailleuses du sexe et clients. On
   suppose que la demande des clients détermine le niveau d'activité des
   travailleuses du sexe.

       Dans notre article, on n'étudie pas les propriétés mathématiques du modèle
   aussi précisément que dans certains travaux cités ci-dessus; on limite notre
   attention à la reproductivité et à quelques autres propriétés élémentaires. On
   accorde cependant plus d'attention à l'estimation des paramètres à partir des
   données. En résumé, comparé à l'un des modèles les plus utilisés pour les
   épidemies de VIH/SIDA concentrées dans les groupes à risque en Asie, le modèle de
   [8], notre modèle présente l'avantage de conduire à une expression pour la
   reproductivité tout en gardant un certain réalisme.

       Dans le § 2, on introduit le modèle mathématique pour un nombre arbitraire de
   groupes et avec des paramètres qui peuvent dépendre du temps. Le § 3 discute de
   certaines propriétés mathématiques du modèle lorsque les paramètres ne dépendent
   pas du temps, ou de manière plus réaliste lorsque les paramètres se stabilisent
   après un certain temps (c'est bien sûr une abstraction mathématique puisqu'on ne
   ne peut guère dire que la société chinoise est à l'équilibre de nos jours, même
   dans une province périphérique telle que le Yunnan). On montre que la
   reproductivité, qui détermine les objectifs des interventions de santé publique,
   est telle que \(\,R_0\geq \max \{R_0^{\mathrm{drogue}},\,
   R_0^{\mathrm{sexe}}\}\). \(\,R_0^{\mathrm{drogue}}\) et \(R_0^{\mathrm{sexe}}\,\)
   sont les reproductivités facilement calculables associées au partage des
   seringues et à la transmission sexuelle. Ces reproductivités sont données par le
   rayon spectral de matrices de rang 1 ou 2. Le § 4 spécialise le modèle au cas de
   dix-huit groupes et discute des matrices de contact et de changement de groupe.
   Le § 5 calcule les reproductivités \(\,R_0^{\mathrm{drogue}}\) et
   \(R_0^{\mathrm{sexe}}\,\) pour ce modèle particulier. Enfin le § 6 estime les
   paramètres avec les données disponibles pour Kunming et montre une simulation de
   l'année 1994 jusqu'à la fin de 2004. La conclusion analyse numériquement la
   dépendance de la reproductivité par rapport au pourcentage d'utilisation de
   préservatifs et au taux de partage des seringues pour les utilisateurs de drogue.
   L'approximation suivante semble assez bonne \[R_0\simeq \max
   \{R_0^{\mathrm{drogue}},\, R_0^{\mathrm{sexe}}\}.\] Les niveaux critiques
   d'utilisation des seringues propres et des préservatifs, nécessaires pour arrêter
   à la fois la transmission parmi les utilisateurs de drogue et la transmission
   sexuelle, peuvent ainsi être déterminés indépendamment.

2.   Le modèle

       On définit
     * n : nombre de groupes dans la population.
     * \(S_i(t)\) : nombre de personnes saines dans le groupe i au temps t.
     * \(I_i(t,x)\) : densité de personnes dans le groupe i au temps t, qui ont été
       infectées depuis x années par le VIH, mais sans SIDA. \[I_i(t)=\int_0^\infty
       I_i(t,x)\, dx\,\] est le nombre de ces personnes dans le groupe i au temps t.
     * \(R_i(t)\) : nombre de personnes avec le SIDA au temps t dans le groupe
       \(\,i\,\) juste avant de développer les symptômes cliniques du SIDA.
     * \(N_i(t)=S_i(t)+I_i(t)\) : population active dans le groupe i au temps t.
     * \(\Lambda_i(t)\) : flux entrant de nouvelles personnes saines dans le groupe
       i au temps t.
     * \(\mathbb{A}(t)\) : matrice carrée de taille n, qui dépend du temps,
       \[\mathbb{A}_{i,j}(t)=\left \{\begin{array}{lll} -\alpha_{i\gets j}(t) &
       &\forall i\neq j\,,\\ \alpha_i+\sum_{k\neq i} \alpha_{k\gets i}(t) &&i=j\,.
       \end{array}\right.\] \(\alpha_{k} > 0\,\) est le taux auquel les individus du
       groupe k meurent pour des raisons autres que le SIDA ou quittent la
       population à cause du vieillissement. \(\,\alpha_{i\gets j}(t)\geq 0\,\)
       représente le taux auquel les individus du groupe j passent dans le groupe i
       (i!=j).
     * \(\mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}(t,N)\) : matrice carrée de taille n avec
       \begin{eqnarray} \mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}_{ij}(t,N_1,\ldots,N_n)\, N_j &=&
       A_i(t)\,\frac{a_j(t)\, N_j}{\sum_k a_k(t)\, N_k}\, [1-c_{ij}(t)] \, \pi_2(t)
       \nonumber\\ &&+ a_i(t)\, \frac{A_j(t)\, N_j}{\sum_k a_k(t)\, N_k} \,
       [1-c_{ji}(t)]\, \pi_1(t) \tag{1} \end{eqnarray}
          + \(A_k(t)\) est le taux auquel les individus du groupe k payent pour des
            contacts sexuels. \(\,A_k=0\) pour tous les groupes féminins.
          + \(a_k(t)\,\) est le taux auquel les individus du groupe k vendent un
            contact sexuel. \(\,a_k=0\) pour tous les groupes masculins.
          + \(c_{ij}(t)\,\) est la probabilité qu'un préservatif soit utilisé
            pendant un rapport sexuel entre un individu du groupe i et un individu
            du groupe j.
          + \(\pi_1(t)\) et \(\pi_2(t)\) sont les probabilités de transmission du
            VIH de l'homme à la femme et de la femme à l'homme, respectivement, par
            contact sexuel si aucun préservatif n'est utilisé;
     * \(\mathbb{B}^{\mathrm{drogue}}(t,N)\) : matrice carrée de taille n avec
       \begin{equation} \mathbb{B}^{\mathrm{drogue}}_{ij}(t,N_1,\ldots,N_n)\, N_j
       =B_i(t)\, \frac{B_j(t)\, N_j}{\sum_k B_k(t)\, N_k}\, \pi(t)\, .
       \end{equation} \(B_k(t)\,\) est de taux de partage des seringues (par mois)
       des individus du groupe k, et \(\,\pi(t)\) est la probabilité de transmission
       du VIH à chaque partage de seringue.
     * \(\mathbb{B}(t,N)=\mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}(t,N)+\mathbb{B}^{\mathrm{drogue}
       }(t,N)\).
     * \(\gamma(t,x)\) : taux auquel les personnes infectées par le VIH depuis x
       années développent le SIDA;
     * \(\delta(t)\) : mortalité des personnes atteintes du SIDA.

   Le modèle est \begin{eqnarray} && \frac{dS}{dt} = \Lambda(t) - \mathbb{A}(t)\,
   S(t) - S(t) \odot \bigl [\mathbb{B}(t,N(t))\, I(t)\bigr ]\,,\tag{2}\\ &&
   \frac{\partial I}{\partial t}+\frac{\partial I}{\partial x} = -\mathbb{A}(t)\,
   I(t,x) - \gamma(t,x)\, I(t,x)\,,\tag{3}\\ &&I(t,0)=S(t) \odot \bigl
   [\mathbb{B}(t,N(t))\, I(t)\bigr ] .\tag{4} \end{eqnarray} Dans ces équations,
   \(\odot\) désigne le produit des vecteurs colonnes: \((u_i) \odot (v_i) = (u_i
   v_i)\). Par ailleurs, \[ \frac{d R}{d t} = \int_0^\infty \gamma(t,x)\, I(t,x)\,
   dx - \delta(t)\, R(t)\,. \] Voici quelques remarques sur la forme de
   \(\mathbb{B}(t,N)\). Le terme représentant le partage de seringues suit le «
   mélange proportionnel » standard. Ceci ignore la formation de lieux de
   consommation ou de groupes d'amitiés où les seringues seraient partagées. Des
   modèles théoriques avec ce niveau de détail ont déjà été développés [19,9].
   Cependant, aucune donnée n'est disponible concernant de tels lieux à Kunming ou
   dans d'autres villes du Yunnan. On trouve seulement des estimations du nombre
   total de drogués, du pourcentage de ces drogués qui partagent des seringues et de
   la prévalence du VIH chez les drogués. Donc le mélange proportionnel avec une
   hypothèse d'homogénéité (voir le § 4) évite d'introduire trop de paramètres
   inconnus dans le modèle.

       Pour les termes qui représentent la transmission hétérosexuelle, considérons
   un homme sain du groupe i. Supposons que le mélange soit proportionnel. La
   probabilité de rencontrer une travailleuse du sexe du groupe j est \(\,a_j\, N_j
   / \sum_k a_k\, N_k\). Dans ce cas, la probabilité de ne pas utiliser de
   préservatif est \(1-c_{ij}\). La probabilité que la femme soit déjà infectée est
   \(\,I_j/N_j\). La probabilité que la transmission du VIH ait lieu de la femme
   vers l'homme est \(\,\pi_2\). Donc la probabilité d'infection sexuelle par unité
   de temps d'un homme sain du groupe i est le produit de tous ces facteurs, comme
   dans (1) et (2).

       Considérons maintenant une femme saine du groupe i. Cela peut être une
   travailleuse du sexe ou une femme droguée se prostituant à l'occasion pour
   s'acheter de la drogue. Avec un mélange proportionnel, le nombre de clients
   qu'elle aura par jour est le quotient de la demande des hommes et de l'offre des
   travailleuses du sexe \[\frac{\sum_k A_k\, N_k}{\sum_k a_k\, N_k}\, .\] La
   probabilité qu'un client appartienne au groupe j est \(\,A_j\, N_j / \sum_k A_k\,
   N_k\). Dans ce cas, la probabilité de ne pas utiliser de préservatif est
   \(\,1-c_{ji}\). La probabilité que le client soit déjà infecté est \(\,I_j/N_j\).
   La probabilité pour que la transmission du HIV se fasse de l'homme vers la femme
   est \(\pi_1\). Donc la probabilité d'infection sexuelle par unité de temps d'une
   femme saine du groupe i est le produit de tous ces facteurs, comme dans (1) et
   (2).

       On a supposé que tous les parameters dépendent a priori du temps pour
   refléter de possibles changements de comportements ou un accès accru aux
   médicaments antirétroviraux. \(\pi_1\) et \(\pi_2\,\) peuvent aussi dépendre du
   temps si l'on veut prendre en compte l'augmentation d'autres infections
   sexuellement transmissibles, qui favorisent la transmission du VIH. La dépendance
   temporelle de p peut refléter par exemple un accroissement de l'usage de
   seringues propres parmi les utilisateurs de drogue.

3.   Propriétés mathématiques du modèle

       Considérons le modèle de la section 2, mais avec des paramètres indépendants
   du temps. Introduisons du vocabulaire qui simplifiera les énoncés. Considérons
   les n groupes comme les nooeuds d'un graphe mathématique avec deux types
   d'arêtes:
     * les groupes i et j sont liés par une « arête d'infection » (\(i\Leftarrow
       j\)) si \(\mathbb{B}_{ij}(N_1,\ldots,N_n) > 0\) quand tous les \(N_k\,\) sont
       >0, autrement dit, si les individus du groupe i peuvent être infectés par les
       individus du groupe j (i=j est possible). Dans la suite, on suppose toujours
       que \(\,i\Leftarrow j\) si et seulement si \(j\Leftarrow i\).
     * les groupes i et j (i!=j) sont liés par une « arête de migration » (\(i\gets
       j\)) si \(\alpha_{i\gets j} > 0\,\), autrement dit, si les individus du
       groupe j peuvent migrer vers le groupe i.

   On dit que le groupe i est un groupe essentiel s'il appartient à au moins une
   arête d'infection. Cette définition est adaptée au modèle présent et ne coïncide
   pas avec d'autres définitions que l'on trouve dans la littérature scientifique
   (comme [17, p.165] le mentionne, il n'y a pas de définition standard de groupe
   essentiel, donc on se sent libre de l'utiliser dans notre contexte). On dit que
   le groupe i est une source, respectivement un puits, si ce n'est pas un groupe
   essentiel et s'il existe un groupe essentiel j et un chemin d'arêtes de migration
   dans le graphe mathématique de i vers j, respectivement de j vers i. On dit que
   l'ensemble des groupes essentiels est connexe s'il est non vide et si pour tous
   les groupes essentiels i et j, il existe un chemin d'arêtes (d'infection et/ou de
   migration) de i vers j. On suppose désormais que

     \((H_1)\,\) \(\, \forall i=1\ldots n\), \(\Lambda_i > 0\) ou il existe un
     chemin d'arêtes de migration \((j_0,\ldots,j_{p})\) avec \(\Lambda_{j_0} > 0\)
     et \(j_p=i\).

   Techniquement, la seconde partie peut s'écrire: \[\exists \, p\geq 1, \quad
   \exists (j_0,\ldots,j_{p}), \quad \forall q=1\ldots p, \,\alpha_{j_q\gets
   j_{q-1}} > 0, \quad \Lambda_{j_0} > 0,\quad j_p=i.\] L'hypothèse (\(H_1\))
   signifie simplement que les individus du groupe i « viennent de quelque part »:
   soit ils sont entrés dans la population directement dans le groupe i, ou ils sont
   entrés dans un groupe \(\,j_0\) et sont passés par les groupes
   \(j_1,\ldots,j_{p-1}\) avant d'atteindre le groupe \(j_p=i\).

       Proposition 1 L'équilibre sans maladie est donné par \(S^0=\mathbb{A}^{-1}
   \Lambda\) et \(I^0=0\). De plus, on a \(\,S^0_i > 0\,\forall i=1\ldots n\).

       Preuve. Noter tout d'abord que la matrice \(\,\mathbb{A}\,\) est à diagonale
   strictement dominante avec des éléments hors diagonale positifs ou nuls. Donc
   elle est inversible et son inverse est une matrice à coefficients >=0 [6]. Avec
   \(\,\Lambda\geq 0\) (c'est-à-dire \(\Lambda_i\geq 0\,\forall i\)), on a
   \(\,S^0=\mathbb{A}^{-1} \Lambda\geq 0\). On choisit i et \((j_0,\ldots,j_{p-1})\)
   comme dans l'hypothèse (\(H_1\)). L'équation (2) avec \(\,I=0\) conduit à
   \[0=\Lambda_k - \Bigl (\alpha_k+\sum_{j\neq k} \alpha_{j\gets k} \Bigr )\, S^0_k
   + \sum_{j\neq k} \alpha_{k\gets j}\, S^0_j, \quad \forall \, k=1\ldots n .\] On
   suppose par l'absurde \(\,S_i^0=0\). Avec l'équation ci-dessus où k=i, on obtient
   \(\Lambda_i=0\) et \(S^0_{j_{p-1}}=0\). Par itération, on prend
   \(k=j_{p-1},\ldots ,k=j_0\), on arrive finalement à \(\Lambda_{j_0}=0\) et
   \(S^0_{j_0}=0\). Ceci contredit \(\,\Lambda_{j_0} > 0\).

       Avant de présenter la conjecture principale concernant les états d'équilibre,
   étudions la stabilité de l'équilibre sans maladie. On définit \(\,S=S^0 + s\) et
   \(I=i\). Linéarisons les équations (3)-(4). On obtient \[ \frac{\partial
   i}{\partial t}+\frac{\partial i}{\partial x} = -\mathbb{A}\, i(t,x) -\gamma(x)\,
   i(t,x)\, ,\quad i(t,0)\simeq \mathrm{diag}(S^0)\, \mathbb{B}(S^0) \int_0^\infty
   i(t,x)\, dx. \] \(\mathrm{diag}(S^0)\) est la matrice diagonale construite avec
   les éléments du vecteur \(S^0\). Pour un tel système (voir par exemple [5]), on
   sait que la stabilité dépend du rayon spectral \(R_0\) de la matrice
   \begin{equation} \Omega=\mathrm{diag}(S^0)\,\mathbb{B}(S^0) \int_0^\infty
   e^{-\mathbb{A} t}\, e^{- \int_0^t \gamma(x)\, dx}\, dt \tag{5} \end{equation}
   selon que \(R_0 < 1\) ou \(R_0 > 1\). Cela s'interprète de la façon suivante.
   \(P_{ij}(t)\,\) est la probabilité pour un individu d'être dans le groupe i au
   temps t sachant qu'il a été infecté au temps t=0 et qu'il appartenait alors au
   groupe j. La matrice \(\,P(t)\) est la solution de \begin{equation}\tag{6}
   \frac{dP}{dt} = -\mathbb{A}\, P(t) - \gamma(t)\, P(t)\, ,\quad P(0)=\mathbf{1}\,
   . \end{equation} \(\mathbf{1}\,\) est la matrice identité de taille n. Noter que
   \[P(t)=e^{-\mathbb{A}t} \, e^{-\int_0^t \gamma(x)\, dx}.\] On définit
   \(\,T_{ij}\,\) l'espérance du temps qu'un porteur du VIH passera dans le groupe i
   sachant qu'il appartenait au groupe j au moment de l'infection. On a alors
   \[T=\int_0^\infty P(t)\, dt.\] On voit donc que \[\Omega_{ij}=S_i^0 \sum_{k=1}^n
   \mathbb{B}_{ik}(S^0)\, T_{kj}.\] Mais \(\,S_i^0\, \mathbb{B}_{ik}(S^0)\,\) est le
   nombre d'individus dans le groupe i infectés par unité de temps par un individu
   infecté dans le groupe k juste après son introduction dans la population sans
   maladie à l'équilibre. \(\,\Omega_{ij}\,\) est donc l'espérance du nombre
   d'individus dans le groupe i au moment de l'infection qu'un individu qui
   appartenait au groupe j au moment de l'infection infectera au cours de sa vie, en
   supposant que la population reste proche de son état d'équilibre sans maladie.
   Autrement dit, W* est la « matrice de prochaine génération » de [17, p.74].

       Présentons maintenant une conjecture inspirée du travail de [38] pour le cas
   particulier d'une matrice diagonale \(\mathbb{A}\). La preuve présentée dans
   cette référence peut sans doute être généralisée au cadre présent, mais un
   travail supplémentaire est nécessaire pour le vérifier. Dans tout ce qui suit, on
   suppose que l'ensemble des groupes essentiels est connexe.

       Conjecture. Si le rayon spectral de la matrice W* est tel que \(R_0 < 1\),
   alors l'état d'équilibre sans maladie \((S^0,I^0)\,\) est le seul état
   d'équilibre et c'est un attracteur global. Il y a deux états d'équilibre si
   \(\,R_0 > 1\,\): l'état d'équilibre sans maladie et un équilibre endémique
   \((S^*,I^*)\) avec \(I^*\neq 0\). Dans ce deuxième cas, l'état d'équilibre
   endémique est un attracteur global pour toute condition initiale avec \(\,I_k\neq
   0\,\) pour au moins un groupe k qui est une source ou un groupe essentiel. L'état
   d'équilibre sans maladie reste un attracteur pour toutes les autres conditions
   initiales.

       Les propositions suivantes donnent quelques informations sur l'état
   d'équilibre endémique:

       Proposition 2. Pour l'état d'équilibre endémique \(\,(S^*,I^*)\), on a
   \[I^*(x)=e^{-\mathbb{A} x}\,e^{- \int_0^x \gamma(t)\, dt}\, I^*(0).\] Les
   vecteurs \(S^*\) et \(I^*(0)\) sont des solutions \(\geq 0\) et \(\neq 0\) du
   système \begin{eqnarray} S^*&=&\mathbb{A}^{-1}(\Lambda-I^*(0))\, ,\tag{7}\\
   I^*(0)&=&S^* \odot \Biggl [\mathbb{B}(N^*) \int_0^\infty e^{-\mathbb{A} t}\, e^{-
   \int_0^t \gamma(x)\, dx}\, dt \,I^*(0)\Biggr ]\, ,\tag{8} \end{eqnarray} avec
   \(N^*=S^*+\int_0^\infty I^*(x)\, dx\).

       Ces équations s'obtiennent par simple intégration et substitution dans le
   système (2)-(3)-(4). Démontrer l'existence et l'unicité de l'état d'équilibre
   endémique dans cette conjecture équivaut à démontrer l'existence et l'unicité
   d'une solution \(\,(S^*,I^*(0))\) >=0 et !=0 du système (7)-(8).

       Proposition 3. \(\forall \, i=1,\ldots,n,\quad S_i^* > 0\).

       Preuve. On choisit i et \(\,(j_0,\ldots,j_{p-1})\) comme dans l'hypothèse
   (\(H_1\)). On a \(\, \forall\, k=1,\ldots,n\), \begin{eqnarray} &&0=\Lambda_k -
   \Bigl (\alpha_k+\sum_{j\neq k} \alpha_{j\gets k} \Bigr )\, S_k^* + \sum_{j\neq k}
   \alpha_{k\gets j}\, S_j^* - I_k^*(0)\, ,\tag{9}\\ &&I_k^*(0)=S_k^* \sum_j
   \mathbb{B}_{kj}(N^*) \int_0^\infty I_j^*(x)\, dx\, .\tag{10} \end{eqnarray} On
   suppose par l'absurde \(\,S_i^*=0\). Avec (10) où k=i, on a \(I_i^*(0)=0\). Avec
   (9) où k=i, on obtient \(\Lambda_i=0\) et \(S^*_{j_{p-1}}=0\). Par itération, en
   prenant successivement \(k=j_{p-1},\ldots, k=j_0\), on arrive finalement à
   \(\Lambda_{j_0}=0\) et \(S_{j_0}=0\). Ceci contredit \(\Lambda_{j_0} > 0\).

       Proposition 4 Si le groupe i est un groupe essentiel, alors \(\,I^*_i(x) >
   0\,\) pour tout x. Si le groupe i est un groupe puits, alors \(\,I^*_i\neq 0\)
   mais \(I^*_i(0)=0\). Si le groupe i est ni un groupe essentiel ni un puits, alors
   \(I^*_i(x)= 0\,\) pour tout x.

       Preuve. Si le groupe i n'est pas un groupe essentiel, alors
   \(B_{ij}(N^*)=0\,\) pour tout j. On a donc \(\,I^*_i(0)=0\,\) à cause de (10)
   avec \(k=i\). On a \[I^*(x)=e^{-\mathbb{A}\, x}\, e^{-\int_0^x \gamma(t)\, dt}\,
   I^*(0)\] et \(I^*\neq 0\). Donc il existe un groupe essentiel j avec \(\,I^*_j(0)
   > 0\). Pour un autre groupe essentiel i, considérons différentes situations:
     * dans le cas \(i \Leftarrow j\), on a \(B_{ij}(N^*) > 0\). Il résulte de (10)
       avec k=i que \(\,I^*_i(0) > 0\).
     * dans le cas \(i \gets j\), on a \(\alpha_{i\gets j} > 0\). Par conséquent,
       \[I^*_i(x)=\sum_k [e^{-\mathbb{A}\, x}\, e^{-\int_0^x \gamma(t)\, dt}]_{ik}\,
       I^*_k(0) \geq [e^{-\mathbb{A}\, x}\, e^{-\int_0^x \gamma(t)\, dt}]_{ij}\,
       I^*_j(0) > 0\quad \forall x > 0\] parce que \( [e^{-\mathbb{A}\, x}\,
       e^{-\int_0^x \gamma(t)\, dt}]_{ij}\,\) est la probabilité pour un individu
       d'être infecté et dans le groupe i au temps x, sachant qu'il était dans le
       groupe j au moment de l'infection. Mais le groupe i est un groupe essentiel.
       Donc il existe h avec \(\,h\Leftarrow i\). On utilise (10) avec h au lieu de
       k et i au lieu de j : on a \(\,I^*_h(0) > 0\). Finalement, on a aussi
       \(\,i\Leftarrow h\), donc \(I^*_i(0) > 0\,\) résulte de (10). Autrement dit,
       certaines personnes dans le groupe j passent dans le groupe i, des personnes
       dans le groupe i infectent des personnes dans le groupe het finalement des
       personnes dans le groupe hinfectent des personnes dans le groupe i.
     * En général, puisque les groupes essentiels sont reliés, il existe un chemin
       d'arêtes (d'infection ou de migration) \(i_1,\ldots,i_p\) avec \(i_1=i\) et
       \(i_p=j\). Avec les deux cas précédents, on obtient \(\,I_i^*(0) > 0\).

   On définit \[\varepsilon_i(x)=\alpha_i+\sum_{j\neq i} \alpha_{j\gets
   i}+\gamma(x).\] Alors (3) devient \[\frac{dI_i^*}{dx} = -\varepsilon_i(x)\,
   I_i^*(x) + \sum_{j\neq i} \alpha_{i\gets j}\, I_j^*(x).\] Avec \(I^*_i(0) > 0\),
   on a \begin{equation} I^*_i(x)=e^{-\int_0^x \varepsilon_i(t)\, dt}\, I_i^*(0) +
   \sum_{j\neq i} \alpha_{i\gets j} \int_0^x e^{-\int_\xi^x \varepsilon_i(t)\, dt}\,
   I_j^*(\xi)\, d\xi\, > 0\, .\tag{11} \end{equation} On a ainsi \(I^*_i(x) > 0\,\)
   pour tout x pour tout groupe essentiel i.

       Considérons un groupe i qui est un puits. Il y a un groupe essentiel j et un
   chemin d'arêtes de migration \(i_1,\ldots,i_p\) avec \(i_1=i\) et \(i_p=j\). On
   utilise (11) avec i remplacé successivement par \(i_{p-1},\ldots,i_1\) et
   \(I^*_j(x) > 0\,\) pour tout x. On obtient \(\,I_i^*\neq 0\).

       On suppose maintenant que les numéros des groupes sont ordonnés
     * les groupes \(1,\ldots,N_c\) sont les groupes essentiels,
     * les groupes \(N_c+1,\ldots,N_c+N_s\) sont les puits,
     * les groupes \(N_c+N_s+1,\ldots,n\,\) sont les autres groupes.

   \(\mathbb{A}\,\) est alors une matrice triangulaire supérieure avec un bloc de
   zéros de la ligne \(N_c+N_s+1\,\) jusqu'à la ligne n et de la colonne 1 jusqu'à
   la colonne \(\,N_c+N_s\). La matrice \(e^{-\mathbb{A}\, x}\,\) a la même forme
   triangulaire supérieure. On a \[I^*(x)=e^{-\mathbb{A}\, x}\, e^{-\int_0^x
   \gamma(t)\, dt}\, I^*(0).\] On obtient \(I^*_i(x)=0\) pour tout \(i >
   N_c+N_s\,\), c'est-à-dire pour tous les groupes qui ne sont ni des groupes
   essentiels ni des puits.

       Proposition 5 On définit
   \[\Omega^{\mathrm{drogue}}=\mathrm{diag}(S^0)\,\mathbb{B}^{\mathrm{drogue}}(S^0)
   \int_0^\infty e^{-\mathbb{A} t}\, e^{- \int_0^t \gamma(x)\, dx}\, dt\] et
   \[\Omega^{\mathrm{sexe}}=\mathrm{diag}(S^0)\,\mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}(S^0)
   \int_0^\infty e^{-\mathbb{A} t}\, e^{- \int_0^t \gamma(x)\, dx}\, dt.\]
   \(R_0^{\mathrm{drogue}}\) est le rayon spectral de la matrice
   \(\Omega^{\mathrm{drogue}}\). \(R_0^{\mathrm{sexe}}\) est le rayon spectral de la
   matrice \(\Omega^{\mathrm{sexe}}\). On a alors \[R_0\geq \max
   \{R_0^{\mathrm{drogue}}, R_0^{\mathrm{sexe}}\}.\]

       Preuve. Rappelons que si deux matrices \(\,M\) et \(M'\) à coefficients >=0
   sont telles que \(M\leq M'\), c'est-à-dire \(M_{ij}\leq M_{ij}'\,\) pour tout i
   et j, alors les rayons spectraux sont tels que \(\,R_0(M)\leq R_0(M')\) [23, §
   8.1.18]. \(\,e^{-\mathbb{A} x}\,\) est une matrice à coefficients >=0.
   \(\Omega^{\mathrm{drogue}}\) et \(\Omega^{\mathrm{sexe}}\,\) sont donc aussi des
   matrices à coefficients >=0. Avec
   \(\,\Omega=\Omega^{\mathrm{sexe}}+\Omega^{\mathrm{drogue}}\), on a \(\Omega \geq
   \Omega^{\mathrm{sexe}}\) et \(\Omega \geq \Omega^{\mathrm{drogue}}\,\), d'où la
   conclusion.

4.   Un exemple spécifique avec 18 groupes

       Retournons au modèle avec des paramètres qui peuvent dépendre du temps. On a
   déjà en tête la situation de Kunming et le type de données disponibles pour faire
   quelques simplifications. La population considérée comprend des hommes et des
   femmes entre 18 et 50 ans. On appelle \(1/32\) année\(^{-1}\) le taux de
   vieillissement de la population (\(32=50-18\)). Supposons que cette population
   soit divisée en dix-huit groupes, avec neuf groupes d'hommes (figure 1) et neuf
   groupes de femmes (figure 2). Les travailleuses du sexe et les clients sont à
   risque s'ils n'utilisent pas toujours des préservatifs, et en sécurié s'ils
   utilisent toujours des préservatifs. De même, les drogués sont à risque s'ils
   réutilisent parfois des seringues, et en sécurité s'ils ne font jamais cela.
   [2006BMBFig1.png] Figure 1. Compartiments du modèle pour la population masculine.

       Considérons le diagrammes pour les hommes (figure 1). On définit
     * \(\lambda\) : flux d'entrée de jeunes hommes dans la population.
     * \(\alpha\) : somme de la mortalité et du taux de vieillissement des hommes
       qui ne sont pas drogués.
     * \(\tau\) : taux auquel les hommes deviennent clients.
     * q : probabilité qu'un nouveau client soit à risque; \(\,q'=1-q\).
     * \(\sigma\) : taux auquel les hommes deviennent drogués.
     * p : probabilité pour que les nouveaux drogués soient à risque; \(\,p'=1-p\).
     * \(\overline{\alpha}\) : somme de la mortalité et du taux de vieillissement
       pour les hommes drogués.

   Tous ces paramètres peuvent dépendre du temps t. On suppose que les hommes qui
   sont devenus clients continuent à visiter des travailleuses du sexe jusqu'à ce
   qu'ils quittent la population en consideration à cause du vieillissement. D'après
   le tableau 173 du rapport de [21],
     * 25,6% des hommes âgés de 18 à 30 ans avaient eu un contact sexuel avec une
       travailleuse du sexe pendant les 12 derniers mois,
     * 25,2% des hommes âgés de 30 à 34 ans,
     * 20,2% des hommes âgés de 35 à 39 ans,
     * 19,1% des hommes âgés de 40 à 44 ans,
     * 8,8% des hommes âgés de 45 à 50 ans.

   Contrairement à certains pays d'Asie du sud-est, il n'y a pas de pic de relations
   sexuelles commerciales dans le groupe le plus jeune. Il semblerait que le fait
   d'être un client soit plus une question de revenu. Un modèle plus réaliste
   pourrait permettre aux clients de cesser leurs visites aux travailleuses du sexe,
   mais les données dont on dispose pour le Yunnan ne sont pas réellement
   suffisantes pour comprendre l'alternance des périodes d'activité et d'inactivité
   relatives aux relations sexuelles commerciales. Le modèle suppose en plus que les
   clients restent à risque ou sûrs, autrement dit la promotion des préservatifs
   n'affecte que les nouveaux clients.

       On suppose aussi que les drogués continuent à s'injecter de la drogue toute
   leur vie et qu'ils restent à risque ou sûrs. Cette simplification néglige
   l'impact des centres de désintoxication volontaires, des centres de
   réhabilitation obligatoires, des centres de rééducation par le travail et des
   programmes pilotes de réduction des risques pour la période de temps où l'on
   utilise le modèle dans le paragraphe 6, c'est-à-dire de 1994 à 2004. En effet, un
   tel centre de réhabilitation a été créé à Kunming en 1989, mais une enquête a
   montré que 80% des drogués qui y sont passés récidivaient avant deux années [31].
   Avec des résultats légèrement meilleurs, un centre pilote de désintoxication
   volontaire, qui a sept cliniques dans Kunming [39], a offert un traitement à base
   de méthadone depuis 1996 pour les drogués qui pouvaient se le payer mais avec un
   taux de récidive de 70% [15]. Ces taux élevés, qui justifient d'une certaine
   manière notre modèle simplifié, sont peut-être dûs à la proximité des zones de
   production de l'héroïne, notamment le Myanmar qui amène de l'héroïne
   particulièrement pure à Kunming. Ceci cause une addiction plus forte et plus
   durable [31].

       Considérons maintenant le diagramme pour les femmes (figure 2). On définit
     * \(\lambda\) : flux en entrée de jeunes femmes (égal au flux en entrée de
       jeunes hommes).
     * \(\varepsilon\) : probabilité pour qu'une jeune femme devienne travailleuse
       du sexe; \(\varepsilon'=1-\varepsilon\).
     * r : probabilité pour qu'une nouvelle travailleuse du sexe soit à risque;
       \(r'=1-r\).
     * \(\mu\) : taux auquel les travailleuses du sexe qui ne sont pas droguées
       arrêtent leur travail.
     * \(\kappa\) : taux auquel les femmes droguées deviennent des travailleuses du
       sexe.
     * \(\widehat{\sigma}\) : taux auquel les femmes deviennent droguées.
     * \(\alpha\) : somme de la mortalité et du taux de vieillissement des femmes
       qui ne sont pas droguées (identique aux hommes).
     * \(\overline{\alpha}\) : somme de la mortalité et du taux de vieillissement
       des femmes droguées (identique aux hommes drogués).

   La division de la population féminine reflète quelque peu sa structure par âge:
   les jeunes femmes peuvent entrer directement dans le groupe des travailleuses du
   sexe. [22, Tableau 1] rapporte un âge moyen de 22,3 années pour les travailleuses
   du sexe. Il y a aussi une légère différence dans la direction des flèches comparé
   à la figure 1 : les travailleuses du sexe qui ne sont pas droguées peuvent
   arrêter ce travail. On suppose cependant que les travailleuses du sexe qui sont
   droguées n'arrêtent pas leur travail car elles doivent payer pour leur addiction.

   [2006BMBFig2.png] Figure 2. Compartiments du modèle pour la population féminine.

       Ce modèle ne tient pas compte de la transmission du VIH par la collecte non
   sécurisée de sang, par les relations sexuelles non commerciales, par la mère à
   l'enfant et par les homosexuels. Il est centré autour du point où le VIH commence
   à se propager des utilisateurs de drogue aux travailleuses du sexe et à leurs
   clients à cause de l'existence des groupes 5 et 6 : drogués à risque qui sont
   aussi des clients à risque, travailleuses du sexe qui sont à risque. Les
   composantes du vecteur \(\,\Lambda(t)\) et de la matrice \(\mathbb{A}(t)\) qui
   sont non nulles se déduisent des figures 1 et 2. Par exemple,
   \(\Lambda_2=\varepsilon\, \lambda\, r\), \(\mathbb{A}_{1,1}=\alpha+\sigma\) et
   \(\mathbb{A}_{1,11}=-\tau\, q\).

       Tournons-nous vers la forme des contacts:
     * On suppose que la fréquence des visites aux travailleuses du sexe parmi les
       différents groupes de clients (groupes 1, 5, 7, 9, 13, 17) est la même, de
       sorte que \(A_i=A\) pour ces groupes et \(A_i=0\,\) pour tous les autres
       groupes. Ceci revient à remplacer la loi de probabilité rapportée dans [21,
       tableau 175] pour la fréquence des visites par une dichotomie
       client/non-client avec une fréquence moyenne pour les clients. De plus, il
       n'y a pour le Yunnan aucune donnée reliant la consommation de drogue avec la
       fréquence des visites aux travailleuses du sexe.
     * On suppose que la fréquence à laquelle les travailleuses du sexe (groupes 2,
       6, 8, 10, 14, 18) vendent leurs services est la même, de sorte que \(a_i=a\)
       pour ces groupes et \(a_i=0\,\) pour tous les autres groupes. Avec toutes ces
       hypothèses, le paramètre \(\,a\) disparaît du modèle à cause de la forme de
       \(\mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}_{ij}\,\) dans (1). À nouveau, il n'y a pas de
       donnée reliant la consommation de drogue avec la fréquence de vente de
       services sexuels au Yunnan.
     * On suppose que le préservatif est utilisé si l'un ou l'autre des partenaires
       sexuels est « sûr ». Ainsi le coefficient \(\,c_{ij}\), que l'on n'a besoin
       de définir que lorsque i est un groupe de clients et j un groupe de
       travailleuses du sexe, est égal à 0 pour \(\,i=1,5,7\) et \(j=2, 6, 8\,\), et
       égal à 1 sinon.
     * On suppose que le taux de réutilisation des seringues soit le même parmi les
       différents groupes à risque de drogués (groupes 3, 4, 5, 6, 9, 10), de sorte
       que \(B_i=B\) pour ces groupes et \(B_i=0\,\) pour tous les autres groupes.
       Aucune donnée n'est disponible sur ce taux au Yunnan, donc B devra être
       choisi pour ajuster les données de prévalence du VIH.

       Enfin, dans le cas où \(\gamma(t,x)\,\) ne dépend pas de t (c'est-à-dire
   avant l'introduction des traitements antirétroviraux), alors il y a une loi de
   probabilité fixe \(\,T_I\,\) pour la période d'incubation du SIDA.
   \(\exp(-\int_0^x \gamma(t)\, dt)\,\) est la probabilité qu'une personne infectée
   par le VIH n'ait pas le SIDA après x années d'infection. On a \[1-\int_0^x
   T_I(t)\, dt= \exp \left (-\int_0^x \gamma(t)\, dt \right ).\] Ainsi, avec une
   formule pour \(\,T_I(x)\), \(\,\gamma(x)\,\) se calcule avec la formule
   \[\gamma(x)=T_I(x)/\left (1-\int_0^x T_I(t)\, dt \right ).\]

5.   Le seuil épidémique

       Dans cette section, on discute du seuil épidémique pour le modèle avec 18
   groupes et des paramètres indépendants du temps et l'on calcule la matrice de
   prochaine génération W* donnée par (5). Noter que les groupes 1 à 10 sont des
   groupes essentiels, qu'ils sont reliés, que les groupes 12 et 16 sont à la fois
   des sources et des puits, que les groupes 11, 13, 14 et 15 sont des sources et
   que le groupe 18 est un puits. Le groupe 17 n'est ni un groupe essentiel, ni une
   source, ni un puits. On voit tout d'abord que l'état d'équilibre sans maladie
   pour la population masculine est donné par \begin{eqnarray*}
   S_{11}^0&=&\frac{\lambda}{\alpha+\sigma+\tau}\, , \quad S_1^0=\frac{\tau\,
   q}{\alpha+\sigma}\, S_{11}^0\, ,\quad S_{13}^0= \frac{\tau\, q'}{\alpha+\sigma}\,
   S_{11}^0\, ,\\ S_3^0&=&\frac{\sigma\, p}{\overline{\alpha}+\tau}\, S_{11}^0\,
   ,\quad S_{15}^0=\frac{\sigma\, p'}{\overline{\alpha}+\tau}\, S_{11}^0\, ,\\
   S_5^0&=&\frac{\sigma\, p\, \tau\, q}{\overline{\alpha}} \Bigl
   (\frac{1}{\alpha+\sigma} + \frac{1}{\overline{\alpha}+\tau}\Bigr ) S_{11}^0\,
   ,\quad S_7^0=\frac{\sigma\, p'\, \tau\, q}{\overline{\alpha}} \Bigl
   (\frac{1}{\alpha+\sigma} + \frac{1}{\overline{\alpha}+\tau}\Bigr ) S_{11}^0\, ,\\
   S_9^0&=&\frac{\sigma\, p\, \tau\, q'}{\overline{\alpha}} \Bigl
   (\frac{1}{\alpha+\sigma} + \frac{1}{\overline{\alpha}+\tau}\Bigr ) S_{11}^0\,
   ,\quad S_{17}^0=\frac{\sigma\, p'\, \tau\, q'}{\overline{\alpha}} \Bigl
   (\frac{1}{\alpha+\sigma} + \frac{1}{\overline{\alpha}+\tau}\Bigr ) S_{11}^0\, .
   \end{eqnarray*} Pour la population féminine, l'état d'équilibre sans maladie est
   donné par \begin{eqnarray*} S_2^0&=&\frac{\varepsilon\, \lambda\,
   r}{\alpha+\widehat{\sigma}+\mu}\, ,\quad S_{14}^0=\frac{\varepsilon\, \lambda\,
   r'}{\alpha+\widehat{\sigma}+\mu}\, ,\quad S_{12}^0=\frac{\varepsilon'\, \lambda +
   \mu (S_2^0 + S_{14}^0)}{\alpha+\widehat{\sigma}}\\
   S_4^0&=&\frac{\widehat{\sigma}\, p\, S_{12}^0}{\overline{\alpha}+\kappa}\, ,\quad
   S_{16}^0=\frac{\widehat{\sigma}\, p'\, S_{12}^0}{\overline{\alpha}+\kappa}\, ,\\
   S_6^0&=&\frac{\widehat{\sigma}\, p\, S_2^0+\kappa\, r\,
   S_4^0}{\overline{\alpha}}\, ,\quad S_8^0=\frac{\widehat{\sigma}\, p'\, S_2^0
   +\kappa\, r\, S_{16}^0}{\overline{\alpha}}\, ,\\
   S_{10}^0&=&\frac{\widehat{\sigma}\, p\, S_{14}^0 + \kappa\, r'\,
   S_4^0}{\overline{\alpha}}\, ,\quad S_{18}^0=\frac{\widehat{\sigma}\, p'\,
   S_{14}^0+\kappa\, r'\, S_{16}^0}{\overline{\alpha}}\, . \end{eqnarray*} Les seuls
   coefficients non nuls de la matrice \(\mathbb{B}^{\mathrm{drogue}}(N)\) sont \[
   \mathbb{B}^{\mathrm{drogue}}_{i,j}(N)= \frac{B\,
   \pi}{N_{\mathrm{drogu\acute{e}s\,\grave{a}\,risque}}} \quad i,j=3,4,5,6,9,10, \]
   avec
   \(N_{\mathrm{drogu\acute{e}s\,\grave{a}\,risque}}=N_3+N_4+N_5+N_6+N_9+N_{10}\).
   On définit \[\beta_0=\int_0^\infty e^{-\alpha\, t - \int_0^t \gamma(x)\, dx}\,
   dt\, ,\] avec des expressions similaires pour \(\beta_\sigma\),
   \(\beta_{\hat{\sigma}}\), \(\beta_{\sigma+\tau}\) et
   \(\beta_{\hat{\sigma}+\mu}\). On remplace a par a+s,
   \(\,\alpha+\widehat{\sigma}\), a+s+t et \(\alpha+\widehat{\sigma}+\mu\). On
   définit de même \(\overline{\beta}_0\), \(\overline{\beta}_\tau\) et
   \(\overline{\beta}_\kappa\,\), avec \(\overline{\alpha}\) qui remplace
   \(\alpha\). On obient pour la matrice de la proposition 5 :
   \begin{equation}\tag{12} \frac{\Omega^{\mathrm{drogue}}_{i,j}\,
   S^0_{\mathrm{drogu\acute{e}\, \grave{a}\,risque}}}{B\, \pi\, S_i^0}=
   \sum_{k=3,5,9} T_{k,j} + \sum_{k=4,6,10} T_{k,j} \end{equation} avec
   \(i=3,4,5,6,9,10\) et \(j=1\ldots 18\,\), alors que
   \(\Omega^{\mathrm{drogue}}_{i,j}=0\,\) pour les autres indices. Rappelons que la
   définition de \(\,T_{i,j}\,\) se trouve juste après (6). Noter que le côté droit
   de (12) est l'espérance du temps qu'une personne séropositive passera infectée
   dans un groupe de drogués à risque, si elle appartenait au groupe j lors de son
   infection. En utilisant (6), on arrive à \[ \sum_{k=3,5,9} T_{k,j} +
   \sum_{k=4,6,10} T_{k,j}= \left\{\begin{array}{ll} \overline{\beta}_0
   &j=3,4,5,6,9,10,\\ p\,\sigma\,
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_\sigma}{\alpha+\sigma-\overline{\alpha}} \,
   &j=1,11,13,\\ p\,\widehat{\sigma}\,
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_{\hat{\sigma}}}{\alpha+\hat{\sigma}-\overline{\alp
   ha}} \, & j=2,12,14,\\ \end{array} \right. \] et 0 pour \(j=7,8,15,16,17,18\).
   \(\Omega^{\mathrm{drogue}}\,\) a un rayon spectral \[R_0^{\mathrm{drogue}}= B\,
   \pi\, \overline{\beta}_0.\] En effet, écrivons l'équation caractéristique pour
   les valeurs propres de \(\,\Omega^{\mathrm{drogue}}\,\) comme un déterminant et
   développons le déterminant selon les lignes pleines de zéros. Le problème se
   réduit à trouver les valeurs propres d'une matrice de rang 1 de la forme
   \[(S_3\,S_4\,S_5\,S_6\,S_9\,S_{10})^T\,(1\,1\,1\,1\,1\,1)\,B\,
   \pi\,\overline{\beta}_0 / S^0_{\mathrm{drogu\acute{e}s\,\grave{a}\,risque}}.\]
   \(^T\,\) désigne la transposition des vecteurs. Mais le rayon spectral des
   matrices de la forme \[(y_1\,\ldots\,y_k)^T (z_1\,\ldots\,z_k)\] est donné par
   \[\sum_{i=1}^k y_i\, z_i,\] comme on le vérifie facilement, sinon voir [17, p.
   80].

       Les seuls coefficients non nuls de la matrice
   \(\mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}(N)\) sont \[
   \mathbb{B}^{\mathrm{sexe}}_{i,j}(N)=\left \{\begin{array}{lll} \frac{A\,
   \pi_2}{N_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}} &\quad &i=1,5,7;\,j=2,6,8,\\ \frac{A\,
   \pi_1}{N_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}}&\quad & i=2,6,8;\,j=1,5,7, \end{array}
   \right.\] avec
   \(\,N_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}=N_2+N_6+N_8+N_{10}+N_{14}+N_{18}\). On
   obtient pour la matrice \(\,\Omega^{\mathrm{sexe}}\) \[
   \frac{\Omega^{\mathrm{sexe}}_{i,j} \, S^0_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}}{A\,
   S_i^0} = \left\{\begin{array}{lll} \pi_2 \sum_{k=2,6,8} T_{k,j},&
   &i=1,5,7,\,j=2j'\, ,\\ \pi_1 \sum_{k=1,5,7} T_{k,j},& &i=2,6,8,\,j=2j'+1\, ,\\
   \end{array} \right. \] et \(\Omega^{\mathrm{sexe}}_{i,j}=0\,\) sinon. Noter que
   \(\,\sum_{k=2,6,8} T_{k,j}\) (resp. \(\sum_{k=1,5,7} T_{k,j}\)) est l'espérance
   du temps qu'une personne séropositive passera infectée dans un groupe de
   travailleuses du sexe à risque (resp. de clients à risque), si elle appartenait
   au groupe j lors de son infection. En utilisant (6), on arrive à
   \begin{eqnarray*} \sum_{i=2,6,8} T_{i,12} &=&\frac{\kappa\, r\,
   \widehat{\sigma}}{\alpha+\widehat{\sigma}-\overline{\alpha}-\kappa} \Biggl
   [\frac{\overline{\beta}_0-\overline{\beta}_\kappa}{\kappa} -
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_{\hat{\sigma}}}{\alpha+\widehat{\sigma}-\overline{
   \alpha}} \Biggr ]\\ \sum_{i=2,6,8} T_{i,14} &=& \sum_{i=2,6,8} T_{i,12} -
   \frac{\kappa\, r\,
   \widehat{\sigma}}{\alpha+\widehat{\sigma}+\mu-\overline{\alpha}-\kappa} \Biggl
   [\frac{\overline{\beta}_0-\overline{\beta}_\kappa}{\kappa} -
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_{\hat{\sigma}+\mu}}{\alpha+\widehat{\sigma}+\mu-\o
   verline{\alpha}} \Biggr ]\\ \sum_{i=2,6,8} T_{i,2} &=& \sum_{i=2,6,8} T_{i,14} +
   \beta_{\hat{\sigma}+\mu}+\widehat{\sigma}\,
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_{\hat{\sigma}+\mu}}{\alpha+\hat{\sigma}+\mu-\overl
   ine{\alpha}}\, ,\\ \sum_{i=2,6,8} T_{i,4} &=& \sum_{i=2,6,8} T_{i,16} =r
   (\overline{\beta}_0 - \overline{\beta}_\kappa)\, , \\ \sum_{i=2,6,8} T_{i,6}
   &=&\sum_{i=2,6,8} T_{i,8} = \sum_{i=1,5,7} T_{i,5} = \sum_{i=1,5,7} T_{i,7}
   =\overline{\beta}_0\, ,\\ \sum_{i=1,5,7} T_{i,1}&=&\beta_\sigma + \sigma\,
   \frac{\overline{\beta}_0-\beta_\sigma}{\alpha+\sigma-\overline{\alpha}}\, ,\\
   \sum_{i=1,5,7} T_{i,3}&=& \sum_{i=1,5,7} T_{i,15} = q
   (\overline{\beta}_0-\overline{\beta}_\tau)\, ,\\ \sum_{i=1,5,7} T_{i,11}&=&
   \sigma\, q \Biggl [ \frac{\overline{\beta}_0 - \beta_\sigma
   }{\alpha+\sigma-\overline{\alpha}} - \frac{\overline{\beta}_0 -
   \beta_{\sigma+\tau} }{\alpha+\sigma+\tau-\overline{\alpha}} \Biggr ] \\ &&\quad +
   \frac{\tau\, q\, \sigma}{\alpha+\sigma-\overline{\alpha}} \Biggl [
   \frac{\overline{\beta}_0 - \overline{\beta}_\tau}{\tau} -
   \frac{\overline{\beta}_0 - \beta_{\sigma+\tau}
   }{\alpha+\sigma+\tau-\overline{\alpha}} \Biggr ]\, ,\\ \sum_{i=1,5,7} T_{i,9}&=&
   \sum_{i=1,5,7} T_{i,13} = \sum_{i=1,5,7} T_{i,17} = \sum_{i=2,6,8} T_{i,10} =
   \sum_{i=2,6,8} T_{i,18} = 0\, . \end{eqnarray*}

       \(\Omega^{\mathrm{sexe}}\,\) a un rayon spectral \begin{equation}
   R_0^{\mathrm{sexe}}=\frac{A}{S^0_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}} \Biggl \{\pi_1\,
   \pi_2 \Biggl [ \sum_{j=1,5,7} \Biggl (\sum_{i=1,5,7} T_{i,j} \Biggr ) S_j^0
   \Biggr ]\\ \Biggl [\sum_{j=2,6,8} \Biggl (\sum_{i=2,6,8} T_{i,j} \Biggr ) S_j^0
   \Biggr ] \Biggr \}^{1/2}. \end{equation} En effet, on écrit comme un déterminant
   l'équation caractéristique pour les valeurs propres de
   \(\Omega^{\mathrm{sexe}}\). On développe le déterminant le long des lignes
   pleines de zéros. On prend les lignes dans l'ordre 1-5-7-2-6-8. Le problème
   revient à trouver les valeurs propres d'une matrice de rang 2 de la forme \[
   M=\left(\begin{array}{c|c}0 & M_2\\ \hline M_1 & 0\end{array}\right ) . \]
   \(M_1\) et \(M_2\) sont des matrices \(3\times 3\) données par \begin{eqnarray*}
   M_1&=& \pi_1\,\mathrm{colonne}(S_i)_{i=2,6,8}\,\mathrm{ligne}\Biggl
   (\sum_{i=1,5,7} T_{i,j}\Biggr )_{j=1,5,7},\\ M_2&=&
   \pi_2\,\mathrm{colonne}(S_i)_{i=1,5,7}\,\mathrm{ligne}\Biggl (\sum_{i=2,6,8}
   T_{i,j}\Biggr )_{j=2,6,8}. \end{eqnarray*} c est une valeur propre non nulle de M
   si et seulement si \(\,\xi^2\) est une valeur propre non nulle de la matrice
   \(M_1\, M_2\). Le rayon spectral se calcule comme ci-dessus puisque c'est une
   matrice de rang un. Voir par exemple [42, p. 415].

       Considérons le cas où la loi de probabilité de l'incubation du SIDA est une
   loi Gamma \[T_I(x)=\omega^\nu x^{\nu-1}\, e^{-\omega\, x} / \Gamma(\nu).\] w et n
   sont liés à la moyenne \(M_I\) et à la variance \(V_I\) de \(T_I\) par les
   relations \(\omega=M_I/V_I\) et \(\nu=(M_I)^2/V_I\). En intégrant par parties, on
   obtient \[\beta_0=\int_0^\infty e^{-\alpha x}\, \Bigl (1-\int_0^x T_I(t)\,
   dt\Bigr )\, dx =\frac{1}{\alpha} \Bigl (1-\int_0^\infty e^{-\alpha x}\, T_I(x)\,
   dx \Bigr ) =\frac{1- (1+\alpha/\omega)^{-\nu}}{\alpha}\] et des expressions
   similaires pour \(\beta_\sigma\), \(\beta_{\hat{\sigma}}\),
   \(\beta_{\hat{\sigma}+\mu}\), \(\beta_{\sigma+\tau}\), \(\overline{\beta}_0\),
   \(\overline{\beta}_\tau\) et \(\overline{\beta}_\kappa\).

       Il semble difficile de calculer explicitement le rayon spectral de la matrice
   complète W*. On peut bien sûr calculer ce rayon spectral numériquement pour
   toutes valeurs des paramètres avec les formules précédentes. On rappelle que
   \(R_0 \geq \max \{R_0^{\mathrm{sexe}},\, R_0^{\mathrm{drogue}}\}\). Cette section
   donne des formules explicites pour \(\,R_0^{\mathrm{sexe}}\) et
   \(R_0^{\mathrm{drogue}}\).

6.   Estimation et simulation pour Kunming

       Pour la simulation, on a pris les valeurs des paramètres du tableau 3.

   CAPTION: Tableau 3. Paramètres et valeurs numériques choisies pour la simulation.

   période 1994-2004
   \(\alpha\) taux de vieillissement 1/32 an\(^{-1}\)
   \(\overline{\alpha}\) taux de sortie des drogués 1/18 an\(^{-1}\)
   \(1/\delta\) espérance de vie avec le SIDA 1 an
   \(M_I\) durée moyenne de l'incubation 12,6 ans
   \(\sqrt{V_I}\) écart type de la période d'incubation 9,4 ans
   \(\lambda\) flux d'entrée 27 000 an\(^{-1}\)
   \(\sigma\) taux masculin de démarrage de la drogue \(9\times 10^{-4}\)
   an\(^{-1}\)
   \(\widehat{\sigma}\) taux féminin de démarrage de la drogue \(3\times 10^{-4}\)
   an\(^{-1}\)
   \(\tau\) taux pour devenir client \(\mbox{1,2}\times 10^{-2}\) an\(^{-1}\)
   \(A\) visites des clients 2,4 mois\(^{-1}\)
   \(1/\mu\) durée du travail 2,5 ans
   \(\varepsilon\) jeunes femmes devenant travailleuses du sexe 30%
   p nouveaux drogués à risque 25% \(\nearrow\) 50%
   q nouveaux clients à risque 70% \(\searrow\) 10%
   r nouvelles travailleuses du sexe à risque 70% \(\searrow\) 10%
   \(\pi_1\) probabilité de transmission de l'homme à la femme 0,7%
   \(\pi_2\) probabilité de transmission de la femme à l'homme 1,4%
   \(B\, \pi\) taux d'échange de seringues \(\times\) probabilité de transmission 4
   an\(^{-1}\)
   \(\kappa\) femmes droguées se prostituant 0,1 an\(^{-1}\)

       Quelques commentaires sont nécessaires:
     * On choisit la date t=0 au milieu de l'année 1994. Bien que quelques cas de
       VIH aient déjà été rapportés avant cette date à Kunming, ce choix pour le
       point de départ permet un meilleur ajustement à la croissance rapide de
       l'infection parmi les utilisateurs de drogue en 1995-1996.
     * Puisque l'âge de la population étudiée est entre 18 et 50 ans et puisque la
       mortalité est faible dans ce groupe d'âge pour les personnes non droguées, on
       n'a gardé pour a que le taux de vieillissement.
     * Dans le tableau 2, la population pour l'année 1999 est probablement le
       chiffre le plus fiable puisqu'il vient d'un recensement. Les estimations pour
       les années suivantes (2000 et 2002) indiquent que la population croît
       d'environ 45000 par an pendant cette période. On obtient ainsi à rebours
       l'estimation 1,838 million pour la population totale en 1994 et
       approximativement 0,92 million pour les 18-50 ans si l'on suppose qu'ils
       représentent environ 50% de la population totale.
     * On a pris comme condition initiale
       \[S(t=0)=(63784,\,11662,\,711,\,118,\,215,\,157,\\,645,\,472,\,92,\,67,\,3616
       35,\,440899,\,27336,\,4998,\,2133,\,354,\,276,\,202)\] plus un individu
       nouvellement infecté dans le groupe 5, celui des utilisateurs de drogue à
       risque qui sont aussi clients. Il y a une part d'arbitraire dans ces choix
       (on ne détaille pas comment l'on a choisi ces nombres), mais ils donnent des
       estimations raisonnables :
          + une population âgée de 18 à 50 ans de 0,92 million,
          + environ 20% des hommes sont clients,
          + 70% des clients sont à risque,
          + les travailleuses du sexe ont environ 3 clients par semaine,
          + 70% des travailleuses du sexe sont à risque,
          + les hommes drogués représentent 0,9% de la population masculine
          + 25% des drogués sont à risque.
     * Pour le paramètre \(\overline{\alpha}\,\), on a ajouté au taux de
       vieillissement la mortalité des utilisateurs de drogue estimée par [18]: à la
       fin d'une étude de quatre ans portant sur 192 drogués séronégatifs, 18
       étaient morts. On définit \(\,\delta^{\mathrm{drogue}}\,\), la mortalité
       annuelle des drogués. On a alors \(\,1-\exp(-4\,
       \delta^{\mathrm{drogue}})=18/192\), donc \(\delta^{\mathrm{drogue}} \simeq
       \mbox{0,0246}\,\) par an. Enfin
       \(\overline{\alpha}=\alpha+\delta^{\mathrm{drogue}}\).
     * L'espérance de vie des personnes avec le SIDA vient d'une étude dans une
       autre partie du Yunnan [53]. Cette même étude donne les probabilités de
       survie des drogués séropositifs en fonction du temps écoulé depuis
       l'infection. Pour estimer la moyenne et la variance de la loi Gamma
       représentant la période d'incubation du SIDA, on définit
          + \(Z_I(t)\,\) la probabilité qu'un drogué séropositif soit en vie et sans
            SIDA au temps t si l'infection s'est produite au temps t=0.
          + \(Z_R(t)\,\) la probabilité qu'un drogué séropositif soit en vie et avec
            le SIDA au temps t si l'infection s'est produite au temps t=0.
       \(Z_I(t)\) et \(Z_R(t)\,\) sont solutions du système d'équations
       différentielles \[\frac{dZ_I}{dt} = -(\delta^{\mathrm{drogue}} + \gamma(t))\,
       Z_I(t),\quad \frac{dZ_R}{dt} = \gamma(t)\, Z_I(t) - \delta\, Z_R(t)\] avec
       les conditions initiales \(Z_I(0)=1\) et \(Z_R(0)=0\). On résoud ce système
       et l'on utilise la relation entre \(\,\gamma(t)\) et \(T_I(t)\). On obtient
       \[Z_I(t)=e^{-\delta^{\mathrm{drogue}}\, t} \left (1-\int_0^t T_I(x)\, dx
       \right ),\quad Z_R(t)=\int_0^t T_I(x)\, e^{-\delta^{\mathrm{drogue}}\, x}\,
       e^{-\delta (t-x)}\, dx.\] Il est donc relativement facile de calculer
       numériquement la probabilité de survie des drogués \(Z_I(t)+Z_R(t)\,\) en
       fonction du temps écoulé depuis l'infection dans le cadre de ce modèle. Le
       meilleur ajustement au sens des moindres carrés aux données de [53] donne
       \(\,M_I=\mbox{12,6}\) ans et \(\sqrt{V_I}=\mbox{9,4}\,\) ans (figure 3). Avec
       la méthode de [33, p. 113], une région de confiance à 95% pour
       \(\,(M_I,\sqrt{V_I})\,\) est une étroite zone à l'intérieur du rectangle [9,9
       18,7]×[5,8 17,9]. Ces estimations ne prennent pas en compte les intervalles
       de confiance dans les données de [53], qui utilisent la méthode de Kaplan et
       Meier pour la courbe de survie. Rappelons que les traitements antirétroviraux
       n'étaient pas facilement disponible au Yunnan pendant la période de la
       simulation.

       [2006BMBFig3a.png] [2006BMBFig3b.png]
       Figure 3. À gauche: probabilité de survie des drogués séropositifs en
       fonction du temps écoulé depuis l'infection (ligne continue:
       \(Z_I(t)+Z_R(t)\) avec le choix optimal pour \(M_I\) et \(V_I\). Cercles:
       données de [53]). À droite: loi de probabilité de la durée d'incubation du
       SIDA \(\,T_I\).
     * Les études comportementales faites par Horizon Market Research et Futures
       Group Europe incluent des hommes et des travailleuses du sexe de plusieurs
       grandes villes du Yunnan. On suppose qu'il n'y a pas de différence
       comportementale significative entre les populations de ces villes, de sorte
       que des moyennes peuvent représenter la situation à Kunming.
     * On a choisi le paramètre l pour avoir un accroissement de la population âgée
       de 18 à 50 ans de 45000 par an. L'accroissement de la population totale est
       sans doute dû à l'arrivée de migrants âgés de 18 à 50 ans de la campagne
       (l'accroissement naturel dû aux naissances est faible à cause de la politique
       de l'enfant unique). On a choisi le paramètre s de sorte que
       \(N_{\mathrm{hommes\, drogu\acute{e}s}}/N_{\mathrm{hommes}}\simeq
       \mbox{0,9}\%\,\) à la fin de l'année 2001, comme l'indique [21, tableau 136].
       On a choisi le paramètre \(\,\widehat{\sigma}\,\) pour avoir un rapport 3:1
       entre les hommes drogués et les femmes droguées. Le nombre total de drogués
       qui en résulte est proche de l'estimation de [39], à savoir 7000 personnes
       qui s'injectent de la drogue à Kunming en 2002. On a choisi le paramètre t de
       sorte que \(N_{\mathrm{clients}} / N_{\mathrm{hommes}} \simeq \mbox{21,4}\%\)
       à la fin de l'année 2001, comme l'indique le tableau 149 du rapport sur les
       hommes adultes.
     * On a pris les paramètres \(A\) et \(1/\mu\) directement des rapports [21, 22,
       Tableaux 63 et 174]. On a choisi le paramètre e de sorte que le nombre moyen
       de clients par travailleuse du sexe \(\,A\, S_{\mathrm{clients}} /
       S_{\mathrm{prostitu\acute{e}es}}\,\) en 2001 coïncide avec l'estimation du
       tableau 78 du rapport sur les travailleuses du sexe. En conséquence,
       l'estimation pour le nombre de travailleuses du sexe dans la simulation,
       environ 20000 à la fin 2001, semble raisonnable quand on la compare aux
       vagues estimations données pour d'autres villes en Chine [54].
     * On prend pour \(\,p(t)\), \(q(t)\) et \(r(t)\,\) des fonctions affines de t
       pour la durée de la simulation. Par exemple, \(p(t)=p(0)(1-t/T)+p(T)\, t/T\).
       T est le temps à la fin de la simulation, c'est-à-dire à la fin de 2004. On a
       choisi les valeurs initiales et finales pour ajuster les données: 20,4% de
       seringues partagées en 1994 [49], 32% en 2003 [27], 46% de clients à risque
       en 2001 [22, tableau 181], 35% de travailleuses du sexe à risque en 2001
       [21,tableau 84]. \(\,p(t)\), \(q(t)\) et \(r(t)\) représentent des
       pourcentages parmi les nouveaux drogués, les nouveaux clients et les
       nouvelles travailleuses du sexe. Il y a donc un délai entre leurs valeurs et
       les pourcentages actuels parmi les drogués, les clients et les travailleuses
       du sexe. Le changement est le plus rapide parmi les travailleuses du sexe
       puisqu'elles ne travaillent que quelques années avant d'être remplacées. Pour
       les drogués, cela prend plus de temps et pour les clients encore plus.
     * D'après [30], qui a étudié la transmission du VIH dans un contexte similaire
       à savoir entre des travailleuses du sexe et leurs clients en Thaïlande, la
       probabilité de transmission de la femme à l'homme pendant un contact sexuel
       peut atteindre 6% à cause de la prévalence élevée d'autres infections
       sexuellement transmissibles chez les travailleuses du sexe. Quoique beaucoup
       de travailleuses du sexe à Kunming aient aussi de telles infections, nos
       simulations numériques tendent à montrer que cette probabilité de
       transmission est trop élevée. \(\,\pi_1\) et \(\pi_2\) ont donc été choisis
       pour ajuster la prévalence du VIH chez les clients et les travailleuses du
       sexe, en supposant que la transmission de la femme à l'homme soit deux fois
       moindre que de l'homme à la femme.
     * On a choisi le produit Bp pour ajuster la prévalence du VIH chez les drogués.
       On a choisi le paramètre k pour avoir environ la moitié des femmes droguées
       qui se prostituent.

       La figure 4 est le résultat de la simulation du modèle avec les valeurs des
   paramètres comme ci-dessus; elle montre le nombre total de personnes
   séropositives et le nombre total de personnes vivant avec le SIDA. De nombreux
   cas ne sont pas identifiés car les personnes craignent les discriminations en cas
   de test du VIH positif; il est donc difficile d'avoir des estimations du nombre
   total de cas à Kunming. On sait qu'en septembre 2003, 13948 cas de VIH et 841 cas
   de SIDA avaient été rapportés au Yunnan [1] et qu'en septembre 2004, ces nombres
   avaient atteint 17390 et 1118 [2]. Les estimations pour le nombre total de cas de
   VIH en 2004 tournent autour de 100000 pour toute la province [1]. La présente
   simulation donne environ 4200 personnes avec le VIH ou le SIDA à la fin 2004 dans
   la ville de Kunming parmi les personnes âgées de 18 à 50 ans, ce qui inclut la
   grande majorité des infections. Étant donné que la population du Yunnan est
   d'environ 43 millions en 2004 (42,88 millions au recensement de l'an 2000), la
   prévalence calculée pour toute la population de Kunming (\(4\,200/2\,290\,000
   \simeq \mbox{0,18}\%\)) est proche de celle estimée pour tout le Yunnan
   (\(100\,000/43\,000\,000 \simeq \mbox{0,23}\%\)). Les zones proches de la
   frontière du Myanmar ont plus d'infections, tandis que les zones rurales isolées
   en ont moins.
   [2006BMBFig4.png] Figure 4. Nombre total de personnes avec le VIH ou le SIDA
   (ligne continue) et avec le SIDA (ligne en pointillé) d'après la simulation. Cas
   rapportés du tableau 1 (cercles). La figure 5 montre la prévalence du VIH parmi
   les drogués, les travailleuses du sexe et les clients selon la simulation et
   montre aussi les données correspondantes du tableau 1. [2006BMBFig5.png] Figure
   5. Prévalence du VIH parmi les drogués [ligne en pointillé pour la simulation et
   triangles qui pointent vers le haut pour les données du tableau 1], travailleuses
   du sexe [ligne continue et triangles qui pointent vers le bas] et clients [ligne
   mixte et cercles].

       Comme la plupart des modèles épidémiques, les courbes sont assez sensibles
   aux variations des paramètres. Ce serait sûrement un problème si l'on voulait
   faire des prévisions pour le futur de l'épidémie, mais c'est plus un avantage
   lors de l'ajustement aux données. Une analyse de sensibilité des paramètres
   estimés est cependant difficile du fait que 19 paramètres interviennent dans le
   modèle (tableau 3).

       Une autre raison de ne pas continuer la simulation pour faire des prédictions
   est que plusieurs mesures importantes ont été récemment adoptées à Kunming et au
   Yunnan, qui peuvent profondément changer la transmission:
     * le gouvernement de la province du Yunnan a décidé de promouvoir activement
       les préservatifs [1]. À la fin 2004, 620 machines vendant des préservatifs
       avaient été installées, en particulier dans tous les hôtels de la ville [2].
     * un nouveau programme de réduction de risque a commencé ( China AIDS Info,
       2004), qui pourrait s'avérer plus efficace d'un point de vue épidémiologique
       que les projets pilotes à petite échelle et que les centres de
       réhabilitation;
     * en mars 2005, le bureau de contrôle du SIDA de Kunming a émis un règlement
       exigeant un test du VIH par an pour toute personne travaillant dans un hôtel,
       un bain public, un salon de beauté, une boîte de nuit et autres lieux de
       divertissement à Kunming [3]. Les travailleuses du sexe séropositives ne
       seront plus autorisées à travailler, de sorte qu'elles perdront leur travail
       ou devront changer de poste au sein du même établissement mais sans contact
       sexuel avec les clients.

   Il est impossible de prévoir quantitativement comment ces mesures vont influencer
   les paramètres du modèle. Noter aussi que contrairement à la Thaïlande, aucun
   essai n'a été fait jusqu'à présent pour dissuader les clients de visiter les
   travailleuses du sexe.

7.   Conclusion

       Les nombres \(R_0\), \(R_0^{\mathrm{drogue}}\) et \(R_0^{\mathrm{sexe}}\,\)
   n'ont été définis que quand les paramètres du modèle sont constants. Mais p, q et
   r varient dans la simulation de la section précédente. Néanmoins, en utilisant
   les paramètres du tableau 3, on obtient que \(\,R_0^{\mathrm{drogue}}= B\, \pi\,
   \overline{\beta}_0 \simeq 32\). Ainsi le produit du taux d'échange des seringues
   B et de la probabilité de transmission par seringue p devrait être divisé par au
   moins 32 pour arrêter l'épidémie chez les utilisateurs de drogue. Des programmes
   d'échange des seringues peuvent réduire B, tandis qu'une campagne expliquant
   comment nettoyer les seringues peut réduire p. Ces mesures devraient atteindre
   \(1-1/32\simeq 97\%\,\) des utilisateurs de drogue. Un des buts fixés par le plan
   d'action pour l'arrêt, la prévention et le contrôle du VIH/SIDA (2001-2005) pour
   la fin 2005 était déjà que

     « 95% de la population dans les centres de désintoxication, les centres de
     rééducation et les prisons aient une connaissance de base de la prévention du
     VIH ».

   Même si ce but était atteint dans ces institutions, certains utilisateurs de
   drogue ne passent pas par ces institutions. Donc atteindre 97% des personnes à
   risque semble assez difficile.

       Avec les paramètres du tableau 3, on obtient aussi que
   \(R_0^{\mathrm{sexe}}\simeq \mbox{4,25} \sqrt{q\, r}\). On a ainsi
   \(\,R_0^{\mathrm{sexe}} < 1\) dès que la moyenne géométrique des comportements à
   risque chez les clients et les travailleuses du sexe est telle que \(\sqrt{q\, r}
   < 23\%\). Rappelons qu'en 2001, 46% des clients et 35% des travailleuses du sexe
   étaient à risque, donc \(\,\sqrt{\mbox{0,46}\times \mbox{0,35}}\simeq40\%\).
   Ainsi, il suffirait de diviser les comportements à risque par deux pour arrêter
   l'épidémie sexuelle.

       Le raisonnement ci-dessus considère les deux voies de transmission
   séparément. On peut se demander si c'est correct puisque le modèle couple les
   deux voies. Choisissons par exemple q=r et faisons varier B. On obtient la figure
   6, qui montre les lignes de niveau de \(\,R_0\,\) calculées avec les formules de
   la Section 5. Au lieu de mettre q=r et B sur les axes, on a mis
   \(R_0^{\mathrm{sexe}}\) et \(R_0^{\mathrm{drogue}}\) qui leur sont
   proportionnels.

   [2006BMBFig6.png] Figure 6. Lignes de niveau de \(R_0\) dans le diagramme avec
   \(R_0^{\mathrm{sexe}}\) en abscisse et \(R_0^{\mathrm{drogue}}\) en ordonnée.

       Ce qui est remarquable, c'est que l'approximation \(R_0 \simeq \max \bigl
   \{R_0^{\mathrm{sexe}},R_0^{\mathrm{drogue}} \bigr \}\) semble assez bonne, au
   moins près du seuil \(R_0=1\). Ceci justifie d'une certaine manière le fait de
   considérer les deux voies de transmission séparément dans la discussion du seuil
   épidémique.

       On a \(\,R_0 ^{\mathrm{sexe}}\ll R_0^{\mathrm{drogue}}\). Parmi les mesures
   nouvelles adoptées à Kunming et au Yunnan, celles visant les utilisateurs de
   drogue sont plus urgentes que celles visant la transmission sexuelle. Cependant
   le groupe impliqué dans la transmission sexuelle (les travailleuses du sexe et
   leurs clients) est bien plus grand que le groupe impliqué dans la transmission
   par injection de drogue. De plus le modèle ne prend pas en compte la transmission
   sexuelle non commerciale, qui peut impliquer un groupe encore plus grand mais qui
   peut être réduite si par exemple les clients et les (anciennes) travailleuses du
   sexe utilisent aussi des préservatifs pour leurs relations non commerciales. Une
   discussion précise de l'efficacité des différentes formes de prévention requiert
   plus d'information sur les coûts. Cela sort du cadre du présent article, mais on
   espère pouvoir y travailler à l'avenir.

    Remerciements

       Des parties de cet article ont été rédigées pendant que N. Bacaër visitait le
   Laboratoire d'Informatique, Automatique et Mathématiques Appliquées (LIAMA) à
   Pékin, et pendant que X. Abdurahman visitait l'Institut de Recherche pour le
   Développement à Bondy en France.

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