Ergebnis für URL: http://www.ummisco.ird.fr/perso/bacaer/2012JMB.htmlSur l'interprétation biologique d'une définition du paramètre \(R_0\) pour les modèles
de population périodiques
J. Math. Biol. 65 (2012) p. 601-621
Nicolas Bacaër
Institut de recherche pour le développement, Bondy, France
nicolas.bacaer@ird.fr
El Hadi Ait Dads
Université Cadi Ayyad, Département de Mathématiques, Marrakech, Maroc
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Résumé
Une adaptation de la définition de la reproductivité aux modèles à coefficients
périodiques a été suggérée il y a quelques années. Mais son interprétation
biologique n'a pas été éclaircie. On montre dans cet article qu'en démographie,
la reproductivité est le quotient asymptotique entre les naissances dans deux
générations successives de l'arbre familial. En épidémiologie, c'est le quotient
asymptotique entre les nouvelles infections dans deux générations successives de
l'arbre d'infection. On compare ce résultat avec d'autres travaux récents.
1. Introduction
La saisonnalité est un aspect important de la démographie animale ou végétale
et de certaines parties de l'épidémiologie, par exemple l'étude des maladies à
vecteurs et des maladies à transmission aérienne. À la suite de la tentative de
(Heesterbeek et Roberts, 1995), on a proposé il y a quelques années une
adaptation de la définition de la reproductivité aux modèles en temps continu qui
sont périodiques (Bacaër et Guernaoui, 2006). L'idée était de se focaliser sur
l'équation de renouvellement satisfaite par le nombre de naissances par unité de
temps (ou par l'incidence de la maladie en épidémiologie):
\begin{equation}\tag{1} \beta(t)=\int_0^{\infty} K(t,x)\, \beta(t-x)\, dx \, .
\end{equation} \(K(t,x)\), qui peut être une matrice, est une fonction périodique
de période T par rapport à t pour les modèles avec saisonnalité. La
reproductivité \(R_0\) était définie comme le rayon spectral de l'opérateur
\begin{equation}\tag{2} L:u(t) \longmapsto \int_0^\infty K(t,x)\, u(t-x)\, dx
\end{equation} sur l'espace des fonctions continues qui sont périodiques de
période T. En conséquence, \(R_0\,\) coïncide avec la définition habituelle
comme rayon spectral de la matrice de prochaine génération pour les modèles sans
saisonnalité (Diekmann et coll., 1990) . La position de \(\,R_0\,\) par rapport à
1 détermine si la population sera ultimement croissante ou décroissante. Pour le
modèle saisonnier le plus simple \[\frac{dp}{dt} = a(t) p(t) - b(t) p(t),\] où la
fécondité \(a(t)\) et la mortalité \(b(t)\,\) sont des fonctions périodiques de
période T, \(\,\beta(t)=a(t) p(t)\) est solution de (1) avec le noyau
\[K(t,x)=a(t)\, \exp\left (-\int_{t-x}^t b(s)\, ds\right ).\] Le rayon spectral
de (2) est \[R_0=\frac{\int_0^T a(t)\, dt}{\int_0^T b(t)\, dt}.\]
Bacaër et Guernaoui (2006) ont appliqué ces idées à un système couplé
d'équations différentielles ordinaires et d'équations aux dérivées partielles.
Après celà, des travaux se sont intéressés à la reproductivité pour diverses
classes de modèles de population périodiques:
* des équations différentielles ordinaires (Bacaër, 2007 ; Wang et Zhao, 2008 ;
Bacaër et Gomes, 2009),
* des applications particulières se trouvant également chez (Gedeon et coll.,
2010), (Parham et Michael, 2010) et (Wesley et coll., 2010)
* des équations différentielles à retard (Bacaer et Ouifki, 2007 ; Bacaër et
Abdurahman, 2008)
* d'autres modèles de dimension infinie (Thieme, 2009)
* des modèles impulsifs (van den Berg et coll., 2011).
De nombreux travaux étudient aussi la persistance : voir (Rebelo et coll., 2012)
et les références citées. Mais aucune de ces références ne dit quoi que ce soit
sur la signification biologique de la reproductivité dans un cadre périodique.
Bacaër (2009) a étudié le cas des modèles en temps discret périodiques de la
forme \[p(t+1)=(A(t)+B(t))\,p(t)\] en utilisant le même type d'équation de
renouvellement. \(A(t)p(t)\,\) représente les naissances. T est un nombre
entier. La reproductivité était définie comme le rayon spectral de l'opérateur
linéaire \[u(t) \longmapsto \sum_{x=1}^\infty K(t,x)\, u(t-x)\] sur l'espace des
fonctions continues périodiques de période T, avec
\[K(t,x)=A(t)B(t-1)B(t-2)\cdots B(t-x+1).\] \(R_0\) est aussi le rayon spectral
de la matrice \[\Omega=\mathcal{A}\, \mathcal{B}^{-1},\] avec \[\mathcal{A}=\left
(\begin{array}{cccc} A(0) & 0 &\cdots & 0\\ 0 & A(1) & \ddots & \vdots\\ \vdots &
\ddots & \ddots & 0\\ 0 & \cdots & 0 & A(T-1)\end{array} \right)\!\!,\] \[
\mathcal{B}=\left (\begin{array}{ccccc} -B(0) & I & 0 & \cdots & 0\\ 0 & -B(1) &
I & \ddots & \vdots\\ \vdots & \ddots & \ddots & \ddots & 0\\ 0 & &\ddots &\ddots
& I\\ I & 0 & \cdots & 0 & -B(T-1)\end{array} \right)\!\!.\] \(I\,\) est la
matrice identité. Bacaër (2009, § 3.4) a suggéré sans donner plus de détails que
la matrice W* était une sorte de matrice de prochaine génération, à condition que
la saison de naissance soit comprise dans l'espace d'état.
La question du calcul de la reproductivité pour des modèles avec saisonnalité
a connu un regain d'intérêt lors de la « pandémie » de grippe H1N1 en 2009.
D'après la théorie standard en épidémiologie mathématique (dans un environnement
constant), il aurait suffi que les gouvernements commandent un nombre de doses de
vaccin pour une fraction de la population f, avec \[f=1-1/R_0.\] Une
surestimation de la reproductivité conduit à des millions de doses de vaccin
inutilisées, tandis qu'une sous-estimation peut faire échouer le contrôle de
l'épidémie. Cependant les estimations publiées au début de l'épidémie, à la fin
du printemps et au début de l'été 2009, ne tenaient pas compte de la
saisonnalité. Ces estimations devaient aider
* à prévoir si l'épidémie continuerait durant l'été (lorsque les écoles sont
fermées)
* aux prédictions d'une possible seconde vague à l'automne ou en hiver.
Bizarrement de nombreux gouvernements, comme ceux du Royaume Uni, de la France et
des Pays-Bas, n'ont finalement pas basé la taille de leurs commandes de vaccins
sur des estimations de la reproductivité : ils ont commandé bien plus de doses de
vaccin qu'avec la règle du \(1-1/R_0\,\), et bien plus qu'il n'était finalement
nécessaire (\(\mathrm{Assemblée\ Nationale}\), 2010).
Néanmoins, pour faciliter de possibles applications de la théorie périodique
ci-dessus à des problèmes réels de santé publique, Bacaër et Ait Dads (2011) ont
essayé d'éclaircir l'interprétation biologique de la reproductivité pour des
modèles saisonniers. Retournons au vocabulaire de la démographie.
\(\beta(n,t)\,\) est le nombre de naissances par unité de temps dues à la
génération n au temps t. Il est solution de l'équation de renouvellement
\begin{equation}\tag{3} \beta(n+1,t)=\int_0^{t-t_0} K(t,x)\, \beta(n,t-x)\, dx\;
,\quad (t\geq t_0). \end{equation} \(t_0\,\) est le temps initial. Si la
fonction \(\,K(t,x)\,\) est une fonction scalaire, le nombre total de naissances
dues à la génération n, c'est-à-dire la taille de la génération n+1, est donné
par \[g(n)=\int_{t_0}^\infty \beta(n,t)\, dt.\] Noter cependant que les
fonctions \(t\mapsto \beta(n,t)\) dans (3) ne sont pas périodiques. Donc le lien
entre \(\,g(n)\,\) défini par (3) et la définition de la reproductivité comme
rayon spectral de l'opérateur (2) n'est pas évidente. Bacaër et Ait Dads (2011)
ont montré que \[\limsup \sqrt[n]{g(n)} = R_0,\] ce qui suggère que la
reproductivité peut être interprété comme un taux asymptotique de croissance par
génération mais dans un sens faible. Le résultat plus fort \[\lim \sqrt[n]{g(n)}
= R_0\] n'a été obtenu que pour le modèle périodique le plus simple, où \(dp/dt =
a(t) p(t) - b(t) p(t)\), \(a(t) p(t)\) étant le nombre de naissances par unité de
temps.
Une définition différente de la reproductivité a été proposée récemment dans
le cas périodique, avec une interprétation différente et des propriétés
différentes. Cette approche se trouve déjà chez (Hunter et Caswell, 2005,
appendice), (Caswell, 2009, p. 1772-1773) et (Ackleh et Chiquet, 2009, §2.2).
Elle a été généralisée par (Cushing et Ackleh, 2011). Voir aussi (Ackleh et
coll., 2011) et (Caswell, 2011). Enfin la définition habituelle de la
reproductivité pour les modèles autonomes a aussi été récemment critiquée (Li et
coll., 2011).
Pour renforcer l'interprétation de notre définition de la reproductivité et
pour aider le lecteur à juger des avantages et des désavantages des différentes
approches, on améliore tout d'abord les résultats de (Bacaër, 2009) et (Bacaër et
Ait Dads, 2011). On montre dans le présent article que \[g(n+1)/g(n)
\mathop{\longrightarrow}_{n\to +\infty} R_0, \] dans des conditions assez
générales. Ainsi la reproductivité est le quotient asymptotique des naissances
dans deux générations successives. On suit ainsi la même terminologie que dans
l'article original qui a introduit la notation \(\,R_0\,\) (Dublin et Lotka,
1925). En épidémiologie, les naissances doivent être remplacées par les nouvelles
infections. Ceci est démontré pour des modèles en temps discret dans la section 2
et pour des modèles en temps continu dans la section 3, les détails figurant dans
les appendices A et B. Un article récent compare la preuve de l'appendice B et
une autre preuve essentiellement équivalente (Inaba, 2012). La section 4 se
focalise sur une autre interprétation de la reproductivité, comme le minimum par
lequel il faut diviser les « coefficients de reproduction » pour conduire la
population à l'extinction, ceci dans le cadre en temps discret. Une remarque
porte sur le cas des modèles périodiques en temps continu avec diffusion
spatiale.
L'interpretation de la section 4 est particulièrement utile pour les
applications en épidémiologie. Elle montre que notre approche donne le seuil
critique pour la couverture vaccinale. L'estimation de cette couverture vaccinale
minimale est l'une des principales applications concrètes de la notion de
reproductivité. On compare dans la section 5 notre approche avec celle adoptée
par (Cushing et Ackleh, 2011).
2. \(R_0\) et la matrice de prochaine génération en temps discret
\(\rho(\cdot)\,\) est le rayon spectral d'une matrice. Pour un vecteur w,
\(||w||=\sum_i |w_i|\). La période est un nombre entier T >= 1, par exemple T=12
pour un modèle saisonnier avec un pas de temps d'un mois.
\(A(t)\) et \(B(t)\,\) sont des matrices carrées à coefficients positifs ou nuls
périodique de période T par rapport à t. La matrice \(\,A(t)\) représente la
reproduction, \(B(t)\,\) la survie. On définit \[M(t)=A(t)+B(t).\] On suppose
que le vecteur de population au temps t est solution de l'équation
\[p(t+1)=M(t)p(t)\quad \quad \forall t\geq t_0\] avec la condition
initiale \(p(t_0)\,\), qui est un vecteur colonne à coefficients positifs ou
nuls. Sans perte de généralité, on peut supposer que \(\,0\leq t_0\leq T-1\). On
définit \(\,\tau_0=t_0-1\) si \(t_0\neq 0\) et \(\tau_0=T-1\) si \(t_0=0\).
\(\tau_0\) est la saison précédant l'instant \(t_0\). Appelons « compartiments »
les différentes composantes du vecteur de population \(p(t)\).
On suppose que \[\rho(B(T-1)\cdots B(1)B(0)) < 1.\] La population disparaît
s'il n'y a pas de reproduction. Pour que la matrice de survie ait un sens
biologique, on devrait aussi supposer que \[\max_j \sum_i B_{i,j}(t)\leq 1,\quad
\forall t.\] Mais cette hypothèse ne sera pas utilisée dans la suite.
Supposons que la population initiale au temps \(t_0\) appartienne à la
génération 0. \(\pi(n,t)\,\) est la population appartenant à la génération n au
temps t. On a pour \(\,t\geq t_0\) et \(n\geq 0\), \begin{align}
&\pi(0,t_0)=p(t_0),\quad \pi(0,t+1)=B(t)\, \pi(0,t),\tag{4}\\ &\pi(n+1,t_0)=0,
\quad \pi(n+1,t+1)=A(t)\, \pi(n,t)+B(t)\, \pi(n+1,t).\tag{5} \end{align} Ainsi
\[\sum_{n\geq 0} \pi(n,t)=p(t)\quad \forall t\geq t_0.\] \(\beta(n,t)\,\) est le
vecteur des naissances dues à la génération n entre les temps t et t+1
\begin{align} \beta(n,t)=A(t)\, \pi(n,t), \quad \forall t\geq t_0 \quad \forall
n\geq 0. \end{align} Disons qu'un nouveau-né est né dans la saison t s'il est né
entre les temps t et le temps t+1 modulo T. On définit le vecteur des naissances
dues à la génération n dans la saison t \begin{equation}\tag{6}
G(n,\tau)=\sum_{q\geq q_\tau} \beta(n,\tau+qT)\quad ,\quad q_\tau=\left
\{\begin{array}{lll} 0, & & t_0\leq \tau\leq T-1\\ 1,& & 0 \leq \tau\leq t_0-1
\end{array}\right. . \end{equation} On définit les « grands » vecteurs colonnes
\(\widehat{G}(n)\) et \(\widehat{p}\) à partir des « petits » vecteurs
colonnes \(G(n,\tau)\) et \(p(t_0)\) par \[ \widehat{G}(n)=\left
(\begin{array}{c} G(n,0)\\ G(n,1)\\ \vdots\\ G(n,T-1) \end{array} \right ) ,\quad
\widehat{p}=\left (\begin{array}{c} 0\\ \vdots\\ 0\\ p(t_0)\\ 0\\ \vdots\\ 0
\end{array} \right ). \] \(p(t_0)\) est dans la « ligne » \(\tau_0\). 0 est le
vecteur nuls. Les « lignes » des différents blocs sont numérotés de 0 à
T-1. \(\,\widehat{G}(n)\,\) est le vecteur des naissances dues à la génération n
structuré par les saisons pendant lesquelles ont lieu les naissances. On définit
le nombre des naissances dues à la génération n, c'est-à-dire la taille de la
génération n+1 \[g(n)=||\widehat{G}(n)||=\sum_{t\geq t_0} \|\beta(n,t)\|. \]
La section 1 définit les matrices \(\mathcal{A}\), \(\mathcal{B}\) et
\(\Omega=\mathcal{A}\, \mathcal{B}^{-1}\). \(R_0=\rho(\Omega)\,\) comme chez
(Bacaër, 2009). Étant données toutes ces notations et remarques préliminaires, on
arrive à:
Proposition 1. \[\widehat{G}(n)=\Omega^{n+1} \, \widehat{p},\quad \forall n\geq
0.\]
La matrice W* peut ainsi être interprétée comme une matrice de prochaine
génération, la saison de naissance servant comme type structurant additionnel.
Preuve. Voir l'appendice A.
\(\langle\cdot,\cdot\rangle\) désigne le produit scalaire usuel de vecteurs
réels.
Corollaire 1. On suppose
* la matrice W* est primitive,
* \(\Omega U= R_0 U\), \(U \neq 0\)
* \(V \Omega = R_0 V\), \(V \neq 0\)
* \(p(t_0)\neq 0\).
On a \[\widehat{G}(n) \mathop{\sim}_{n\to +\infty} (R_0)^{n+1} \frac{\langle
V,\widehat{p}\, \rangle}{\langle V,U\rangle}\, U\quad \quad \quad \quad
\frac{g(n+1)}{g(n)} \mathop{\longrightarrow}_{n\to +\infty} R_0\, .\]
La reproductivité peut donc être interprétée comme la quotient asymptotique
des naissances dans deux générations successives. Cette reproductivité est
indépendante de la condition initiale et de l'instant initial.
Remarques.
* Pour une suite de nombres réels strictement positifs \((u_n)\), \(u_{n+1} /
u_n \to R\) implique que \(\sqrt[n]{u_n} \to R\,\) (Hardy, 2007, chapitre
IX). Donc le corollaire 1 implique que \(\sqrt[n]{g(n)} \to R_0\). La
réciproque n'est pas vraie: prendre par exemple la suite \(u_n = 2^n
(2+(-1)^n)\), pour laquelle \(\sqrt[n]{u_n}\to 2\) tandis que \(u_{n+1} /
u_n\,\) oscille entre deux valeurs et n'a donc pas de limite. Si la matrice
W* dans la proposition 1 est irréductible mais pas primitive, le
quotient \(\,g(n+1)/g(n)\,\) peut osciller.
* (Bacaër, 2009) a déjà montré que la matrice \(\mathcal{B}\) est inversible et
que \(\mathcal{B}^{-1}\) et W* sont des matrices à coefficients positifs ou
nuls. Plus précisément, pour tout t et s, on définit
+ \(Y(\tau,\sigma)=I\) si \(\tau < \sigma\)
+ \(Y(\tau,\sigma)= B(\tau) B(\tau-1)\cdots B(\sigma)\) si \(\tau\geq
\sigma\)
+ \(Z(\sigma)=Y(\sigma,\sigma-T+1)\).
D'après (Bacaër, 2009), W* est une matrice par
blocs \((\Omega(\tau,\sigma))_{0\leq \tau,\sigma\leq T-1}\) avec \[
\Omega(\tau,\sigma)=\left \{ \begin{array}{ll} A(\tau) \,
(I-Z(\tau-1))^{-1}\, Y(\tau-1,\sigma+1),\, & \quad 0\leq \sigma \leq
\tau-1,\\ A(\tau)\, (I-Z(\tau-1))^{-1}\, Y(\tau-1,\sigma-T+1), & \quad \tau
\leq \sigma \leq T-1. \end{array}\right. \] D'après la proposition 1,
\(\Omega_{i,j}(\tau,\sigma)\) est le nombre moyen d'enfants nés à la saison t
dans le compartiment \(i\,\) d'un individu né à la saison s dans le
compartiment j, comme suggéré par (Bacaër, 2009, § 3.4).
* La proposition 1 peut être généralisée au cas où les \(M(t)\) sont des
opérateurs linéaires dans des espaces de Banach ordonnés (Thieme, 2009).
* Si les matrices ne dépendent pas du temps t (appelons les A et B), alors le
rayon spectral de la matrice W* est égal au rayon spectral de
\(A(I-B)^{-1}\), comme dans la théorie pour le cas autonome (Caswell, 2001).
Pour une preuve, voir le dernier paragraphe de l'appendice A.
Exemple. Dans l'exemple le plus simple, le vecteur de
population \(\,p(t)\) et les matrices \(A(t)\) et \(B(t)\) sont des scalaires et
\(T=2\). Alors \begin{equation}\tag{7} \Omega=\left (\begin{array}{cc} A(0) &
0\\ 0 & A(1) \end{array}\right ) \left (\begin{array}{cc} -B(0) & 1\\ 1 & -B(1)
\end{array}\right )^{-1}= \left (\begin{array}{cc} \frac{A(0) B(1)}{1-B(0)B(1)} &
\frac{A(0)}{1-B(0)B(1)}\\ \frac{A(1)}{1-B(0)B(1)} & \frac{A(1) B(0)}{1-B(0)B(1)}
\end{array}\right ). \end{equation} Un individu né pendant la saison notée 0 a en
moyenne
* \(A(1)\) enfants pendant le premier pas de temps,
* \(A(0)B(1)\) enfants pendant le pas de temps suivant parce que \(B(1)\) est
la probabilité de survivre
* \(A(1)B(0)B(1)\) enfants, puis \(A(0)B(1)B(0)B(1)\) enfants, etc.
Donc cet individu a \[A(0)B(1)+A(0)B(1)B(0)B(1)+\cdots = \frac{A(0)
B(1)}{1-B(0)B(1)}\] enfants qui sont nés pendant la saison notée 0, et \[A(1)+
A(1)B(0)B(1)+\cdots = \frac{A(1)}{1-B(0)B(1)}\] enfants nés pendant la saison
notée 1. C'est ce qu'indique la première colonne de W*. De même, on peut vérifier
qu'un individu né à la saison notée 1 a
* \(\frac{A(0)}{1-B(0)B(1)}\) enfants nés à la saison notée 0
* \(\frac{A(1)B(0)}{1-B(0)B(1)}\) enfants nés à la saison notée 1
comme indiqué dans la seconde colonne de W*.
La matrice \(\Omega^2\,\) donne le nombre moyen de petits-enfants nés pendant
les deux saisons (première et seconde ligne) d'un individu né dans une des deux
saisons (première et seconde colonne). La matrice \(\Omega^3\,\) indique le
nombre d'arrière-petits-enfants de la même manière.
Pour l'interprétation de \(R_0\,\), imaginons par exemple que l'on démarre
avec un individu, l'ancêtre, né à la saison notée 0. On a
donc \(t_0=1\) et \(p(t_0)=1\). Le nombre de ses enfants \(g(0)\) est la somme
de la première colonne de W*, c'est-à-dire \[g(0)= \frac{A(0)
B(1)+A(1)}{1-B(0)B(1)}.\] Le nombre de petits-enfants \(g(1)\) est la somme de la
première colonne de \(\Omega^2\). Le nombre
d'arrière-petits-enfants \(\,g(2)\) est la somme de la première colonne
de \(\Omega^3\). La proposition 1 montre que \(\,g(n+1)/g(n)\,\) converge vers le
rayon spectral de W*. L'arbre familial croît asymptotiquement
comme \(\,(R_0)^n\). Si l'ancêtre était né pendant l'autre
saison, \(\,g(n+1)/g(n)\) aurait convergé vers la même limite.
3. \(R_0\) et l'opérateur de prochaine génération pour les modèles en temps continu
En dynamique des populations, les systèmes linéaires d'équations
différentielles (avec ou sans retard) et les systèmes linéaires d'équations aux
dérivées partielles structurées par âge peuvent en général être formulés comme
des équations intégrales de renouvellement pour le taux de naissances.
Dans cette section, la période T est un nombre réel positif. Supposons que le
nombre de naissances par unité de temps dues à la génération n au temps t est
solution de l'équation de renouvellement \begin{equation}\tag{8}
\beta(n+1,t)=\int_0^{t-t_0} \!\! K(t,x)\, \beta(n,t-x)\, dx, \quad n\geq 0, \quad
t\geq t_0. \end{equation} \(K(t,x)\,\) est une matrice carrée à coefficients
positifs ou nuls, continue, périodique de période T par rapport à t. On suppose
\[\exists\, c > 0,\quad \exists\, \gamma > 0,\quad \forall i,j,t,x,\quad
K_{i,j}(t,x)\leq c\, e^{-\gamma x}.\] On définit le nombre de naissances par
unité de temps dues à la génération n au temps t modulo T, c'est-à-dire à la
saison t \begin{equation}\tag{9} G(n,\tau)=\sum_{q\geq q_\tau}
\beta(n,\tau+qT),\quad \quad q_\tau=\left \{\begin{array}{lll} 0, & & t_0\leq
\tau < T,\\ 1, & & 0 \leq \tau < t_0. \end{array}\right. \end{equation} Étendons
la fonction \(G(n,\tau+T)=G(n,\tau)\). Le nombre total de naissances dues à la
génération n est \begin{equation} g(n)=\int_0^T \|G(n,\tau)\|\, d\tau =
\int_{t_0}^\infty \|\beta(n,t)\|\, dt\ . \end{equation} La proposition suivante
est analogue à la proposition 1 et au corollaire 1.
Proposition 2. \[\forall\, n\geq 0,\quad \forall\, \tau, \quad
G(n+1,\tau)=\int_0^\infty K(\tau,x)\, G(n,\tau-x)\, dx\; .\] Si l'opérateur
intégral L donné par (2) est fortement positif, si \(\,R_0\) est son rayon
spectral et si \(\beta(0,t)\) n'est pas identiquement nul, \[
\frac{g(n+1)}{g(n)} \mathop{\longrightarrow}_{n\to +\infty} R_0\, .\]
Donc la reproductivité peut une nouvelle fois être interprétée comme le
quotient asymptotique des naissances dans deux générations successives.
Preuve. Voir l'appendice B.
Remarques.
* Un opérateur linéaire est fortement positif s'il associe à toute fonction
positive ou nulle non triviale une fonction strictement positive. Pour
l'espace des fonctions continues périodiques de période T, on utilise
\(\,||f||_\infty = \max _i \max \{|f_i(\tau)|;\ 0\leq \tau\leq T\}\).
* Si on a \(K(t,x)=K(x)\,\), alors la reproductivité est aussi le rayon
spectral de la matrice de prochaine génération \(\int_0^\infty K(x)\,
dx\,\) (Bacaër et Guernaoui, 2006). Si cette matrice est primitive, alors la
reproductivité est le quotient asymptotique des naissances dans deux
générations successives. Le fait de considérer le quotient asymptotique n'est
pas spécifique des modèles périodiques : c'est déjà le cas pour les modèles
autonomes structurés (une remarque similaire aurait pu être faite dans le cas
du temps discret). Si la fonction \(\,K(x)\,\) est un scalaire,
\[R_0=\int_0^\infty K(x)\, dx,\quad g(n+1)=R_0\, g(n).\] Dans ce cas, la
reproductivité n'est pas simplement le quotient asymptotique mais aussi le
quotient exact entre les naissances de deux générations successives. C'est la
définition habituelle en épidémiologie comme nombre moyen de cas secondaires
infectés par un premier cas.
* La proposition 2 se généralise au cas des noyaux qui sont des opérateurs
linéaires dans des espaces de Banach ordonnés, comme dans le cas des modèles
épidémiques avec âge ou espace continu (Thieme, 2009, §6).
Exemple 1. On suppose
* \(A(t)\) et \(B(t)\) sont des fonctions matricielles continues, périodiques
de période T
* \(A(t)\) est à coefficients positifs ou nuls pour tout t
* les coefficients hors diagonale de \(B(t)\) sont négatifs ou nuls.
On suppose comme (Wang et Zhao, 2008) que la population est solution, dans
l'approximation linéaire, du système d'équations différentielles \[\frac{dp}{dt}
= (A(t) - B(t)) p(t).\] \(A(t) p(t)\) est le vecteur des naissances par unité de
temps. \(p(t_0)\) est la condition initiale, à composantes positives ou nulles
\((0\leq t_0 < T)\). On suppose que \(\rho(z(T)) < 1\,\) avec \[\frac{dz}{dt} = -
B(t) z(t),\quad z(0)=I\] (la matrice identité). Autrement dit, le multiplicateur
de Floquet dominant est strictement inférieur à 1. La population finit par
s'éteindre s'il n'y a pas de reproduction. On suppose que la population initiale
appartient à la génération 0. \(\pi(n,t)\,\) est la population appartenant à la
génération n au temps t, donnée pour \(t > t_0\) et \(n\geq 0\) par
\begin{align} &\pi(0,t_0)=p(t_0),\quad \frac{d\pi}{dt}(0,t)=-B(t)\,
\pi(0,t),\tag{10}\\ &\pi(n+1,t_0)=0,\quad \frac{d\pi}{dt}(n+1,t)=A(t)\, \pi(n,t)
- B(t)\, \pi(n+1,t).\tag{11} \end{align} On a \[\sum_{n\geq 0}
\pi(n,t)=p(t),\quad \forall t\geq t_0.\] \(\beta(n,t)=A(t)\, \pi(n,t)\,\) est le
vecteur des naissances par unité de temps dues à la génération n au temps t.
Considérons la fonction matricielle \(\Phi(\tau,\sigma)\) avec \[\forall \tau >
\sigma,\quad \frac{\partial \Phi}{\partial \tau}(\tau,\sigma) = -B(\tau)\,
\Phi(\tau,\sigma),\quad \Phi(\sigma,\sigma)=I.\] D'après (11),
\(\beta(n,t)\) est solution de l'équation de renouvellement (8) avec le noyau
\[K(t,x)=A(t) \, \Phi(t,t-x).\] Ce noyau vérifie les hypothèses préliminaires de
la proposition 2. Pour mettre en évidence la similitude avec la proposition 1
dans ce cas, la proposition 2 peut aussi s'écrire \[G(n+1,\cdot)=L\,
G(n,\cdot),\quad L=\mathcal{A} \mathcal{B}^{-1}\] Les
opérateurs \(\mathcal{A}\) et \(\mathcal{B}\) sont comme chez (Thieme, 2009, § 5)
: \[(\mathcal{A}u)(\tau)=A(\tau) u(\tau),\quad
(\mathcal{B}u)(\tau)=\frac{du}{d\tau}+B(\tau)\, u(\tau).\] La preuve donnée dans
l'appendice A pour les modèles en temps discret peut être adaptée pour obtenir
une preuve de la proposition 2 pour les modèles d'équations différentielles
ordinaires, qui est plus simple que la preuve générale donnée dans l'appendice B.
Exemple 2. On suppose que \(\,a(t)\) et \(b(t)\,\) sont des fonctions
scalaires, strictement positives, qui sont périodiques de période T. Considérons
le modèle \[\frac{dp}{dt} = (a(t) - b(t))\, p(t).\] \(a(t) p(t)\) est le nombre
de naissances par unité de temps. \(p(t_0)\,\) est la condition initiale. Ceci
n'est qu'un cas particulier de l'exemple 1. Ici \[K(t,x)=a(t)\, \exp\left
(-\int_{t-x}^t b(s)\, ds\right ).\] D'après Bacaër et Guernaoui (2006, section
5), \[R_0=\frac{\int_0^T a(t)\, dt}{\int_0^T b(t)\, dt}.\] De plus, \(L\,U=R_0\,
U\) avec \[U(t)=a(t)\, e^{\int_0^t [a(s)/R_0 - b(s)] ds}.\] Considérons le
produit scalaire \(\,\langle u,v\rangle = \int_0^T u(t)\, v(t)\, dt\,\) pour les
fonctions continues qui sont périodiques de période T. L'opérateur linéaire
transposé est \[(L^*v)(t)=\int_0^\infty K'(t+x,x)\, v(t+x)\, dx.\]
\(K'(t,x)\) est dans le cas général la matrice transposée de \(K(t,x)\). Si on
a \(\,(L^*V)(t)=R_0\, V(t)\,\), on prend la dérivée de cette équation intégrale,
comme dans (Bacaër et Guernaoui, 2006, section 5). On obtient \[-\frac{dV}{dt} =
(a(t)/R_0 - b(t)) V(t).\] Donc les fonctions propres sont proportionelles à
\[V(t) = e^{-\int_0^t [a(s)/R_0 - b(s)] ds}.\] Comme noté par (Inaba, 2012), la
théorie des opérateurs positifs et la proposition 2 impliquent que
\begin{equation}\tag{12} G(n,\tau) \mathop{\sim}_{n\to +\infty} (R_0)^n \,
\frac{\int_0^T V(t)\, G(0,t)\, dt}{\int_0^T V(t)\, U(t)\, dt}\, U(\tau)\; .
\end{equation} Mais puisque \[\pi(0,t)=e^{-\int_{t_0}^t b(s)\, ds}\, p(t_0),\] on
a \[G(0,t) = (L \widehat{\delta}_{t_0})(t)\, p(t_0).\]
\(\widehat{\delta}_{t_0}\,\) est l'extension périodique de période T de la mesure
de Dirac en \(t=t_0\). Donc \[\int_0^T V(t)\, G(0,t)\, dt = \int_0^T (L^*
V)(t)\, \widehat{\delta}_{t_0}(t)\, dt \ p(t_0)= R_0\, V(t_0)\, p(t_0).\] En
résumé, (12) montre que \[ G(n,\tau) \mathop{\sim}_{n\to +\infty} (R_0)^{n+1} \,
\frac{a(\tau)\, e^{\int_{t_0}^\tau [a(t)/R_0 - b(t)]\, dt}}{\int_0^T a(t)\, dt}\;
p(t_0)\; ,\] ce qui implique que \begin{equation}\tag{13} g(n)
\mathop{\sim}_{n\to +\infty} (R_0)^{n+1} \, \frac{\int_0^T a(\tau)\,
e^{\int_{t_0}^\tau [a(t)/R_0 - b(t)]\, dt}\, d\tau}{\int_0^T a(\tau)\, d\tau}\,
p(t_0)\; . \end{equation} Ce dernier résultat asymptotique peut être vérifié dans
des exemples numériques particuliers. On calcule d'abord \(\,\pi(n,t)\,\), soit
en résolvant le système (10)-(11) soit directement en utilisant la formule
\[\pi(n,t)=e^{-\int_{t_0}^t \! b(s)\, ds}\ \frac{1}{n!} \Bigl (\int_{t_0}^t
a(s)\, ds\Bigr )^n\, p(t_0) \] (Bacaër et Ait Dads, 2011, lemme 4). Puis
\[g(n)=\int_{t_0}^\infty a(t)\, \pi(n,t)\, dt.\] La formule (13) est plus précise
que les inégalités \(\,c_1 (R_0)^n \leq g(n) \leq c_2 (R_0)^n\,\) (Bacaër et Ait
Dads, 2011, p. 749). L'exemple 2 est lié à la linéarisation de nombreux modèles
épidémiques de type SIS ou SIR près de l'état sans maladie. Dans ce
cas, \(\,p(t)=I(t)\).
Exemple 3. Considérons le système de McKendrick et von Foerster \[
\frac{\partial p}{\partial t} + \frac{\partial p}{\partial x} = -b(t,x)\, p(t,x)\
, \quad p(t,0)=\int_0^\infty a(t,x)\, p(t,x)\, dx\ . \]
\(a(t,x)\) et \(b(t,x)\,\) sont des fonctions positives, scalaires et périodiques
de période T par rapport à t. \(\ p(t,0)\,\) est le nombre de naissances par
unité de temps. C'est la solution d'une équation de renouvellement, avec
\[K(t,x)=a(t,x)\, \exp(-\int_0^x b(t-x+y,y)\, dy).\] Donc la reproductivité est
le rayon spectral de l'opérateur intégral (2) avec ce noyau. C'est le quotient
asymptotique des naissances dans deux générations successives. Il existe une
différence importante entre les exemples 1 et 3. Dans le premier exemple, la
reproductivité était le rayon spectral de l'opérateur linéaire \(L=\mathcal{A}\,
\mathcal{B}^{-1}\). C'est aussi le rayon spectral de l'opérateur
linéaire \(\,\mathcal{B}^{-1} \mathcal{A}\,\) (Wang et Zhao, 2008). En revanche,
il n'y a pas de décomposition similaire pour l'opérateur L de l'exemple 3.
4. Une autre interpretation de \(R_0\)
Retournons au temps discret de la section 2. La matrice de prochaine
génération W* et son rayon spectral \(R_0\,\) dépendent linéairement des
matrices de reproduction. Si toutes les matrices \(\,A(t)\) sont divisées par µ,
la matrice de prochaine génération est \(\Omega(\mu)\) et la
reproductivité \(\mathcal{R}_0(\mu)\). On a \[\Omega(\mu)=\Omega/\mu,\quad
\mathcal{R}_0(\mu)=R_0/\mu.\] Une remarque similaire pour un modèle périodique
particulier en temps continu se trouve dans (Bacaër, 2007, p. 1073, 1079).
\(\,\mathcal{R}_0(\mu) < 1\) si et seulement si \(\mu > R_0\). La reproductivité
s'interprète comme le contrôle minimum sur la reproduction pour amener la
population à l'extinction. C'est précisément à cause de cette propriété que la
reproductivité est si souvent utilisé en épidémiologie. Dans ce contexte, la
linéarisation près de l'équilibre sans maladie d'un modèle épidémique non
linéaire conduit au modèle \(\,p(t+1)=(A(t)+B(t))p(t)\,\) (Allen et van den
Driessche, 2008). \(A(t)p(t)\,\) est l'incidence de la maladie. \(A(t)\) est la
matrice de transmission. \(B(t)\) contient tous le reste : la mort, la guérison,
la migration. \(A(t)\,\) est d'habitude proportionnel à la population saine dans
l'état sans maladie. C'est une conséquence de la « loi d'action de masse » pour
l'incidence. L'éradication de la maladie se produit donc lorsque la population
saine est réduite d'un facteur plus grand que la reproductivité. Donc la
couverture vaccinale minimale est \(\,1-1/R_0\) dans un environnement périodique
comme dans un environnement constant.
La proposition 3 ci-dessous présente une manière quelque peu différente de
formuler cette interprétation de la reproductivité, semblable au cas des
équations différentielles ordinaires de (Wang et Zhao, 2008), mais que l'on
démontre avec un argument de log-convexité. Le cas autonome en temps discret, qui
correspond à \(\,T=1\,\), a été étudié par (Li et Schneider, 2002). (Bacaër,
2009, § 3.3) a montré, en utilisant une hypothèse inutile d'irréductibilité, que
\(\rho(N_{R_0})=1\,\) (voir la notation ci-dessous). Un travail du même genre
concernant des modèles de population non linéaires se trouve dans un manuscrit
récent (Cao H, Zhou Y, \(\text{The basic reproduction number}\) \(\text{of
discrete SIR and SEIS models}\) \(\text{with periodic parameters}\)).
Proposition 3. Mêmes notations et hypothèses que la proposition 1. Pour \(\mu >
0\), on définit \[N_\mu=\left (\frac{A(T-1)}{\mu}+B(T-1)\right ) \left
(\frac{A(T-2)}{\mu}+B(T-2) \right )\cdots \left (\frac{A(0)}{\mu}+B(0)\right ).\]
Deux cas sont possibles :
* la fonction \(\mu \mapsto \rho(N_\mu)\,\) est strictement positive,
décroissante et log-convexe,
* cette fonction est identiquement nulle.
Si on a \(\,R_0 > 0\), alors il existe un unique \(\mu^* >
0\) avec \(\rho(N_{\mu^*})=1\). De plus, \(\,\mu^*=R_0\).
Corollaire 2. On définit le paramètre malthusien \(\,\lambda=\rho(N_1)^{1/T}\).
* \(R_0 > 1\Leftrightarrow \lambda > 1\),
* \(R_0=1\Leftrightarrow \lambda=1\),
* \(R_0 < 1\Leftrightarrow \lambda < 1\).
Les démonstrations de la proposition 3 et du corollaire 2 se trouvent dans
l'appendice C.
Remarque. Comme il est mentionné ci-dessus, il existe des analogues de la
proposition 3 pour les modèles d'équations différentielles ordinaires (Bacaër,
2007, §3.4 ; Wang et Zhao, 2008) et les modèles d'équations aux dérivées
partielles ; voir Bacaër (2012, §5.2) pour des modèles structurés par âge. Comme
autre exemple généralisant le modèle autonome de (Allen et coll., 2008),
considérons un modèle épidémique linéarisé périodique avec diffusion spatiale tel
que \begin{equation}\tag{14} \frac{\partial I}{\partial t}(t,y)= a(t,y) I(t,y) -
b(t,y) I(t,y) +c(t,y)\cdot \nabla_y I(t,y) + D \Delta_y I(t,y) \end{equation} sur
un domaine borné W* avec des conditions homogènes aux bords de Dirichlet, Neumann
ou Robin et avec une condition initiale \(I(t_0,y)\). Le
coefficient \(\,a(t,y)\) est un taux de contact effectif, tandis
que \(b(t,y)\,\) est une vitesse de guérison. Tous les deux sont positifs et
périodiques de période T par rapport à t. Le coefficient \(c(t,y)\,\) est une
convection périodique. \(D\,\) est un coefficient de diffusion positif. L est la
valeur propre principale de l'équation parabolique (14) avec \(a(t,y)\equiv 0\).
On suppose \(\,\Lambda>0 \) : l'épidémie s'éteint sans nouvelle infection
comme \(e^{-\Lambda t}\). Pour des hypothèses précises concernant les espaces de
fonctions, voir (Hess, 1991). \(\,i(t,y)=a(t,y)\, I(t,y)\,\) est l'incidence.
Cherchons l'équation de renouvellement satisfaite par l'incidence. Le problème
s'écrit \[\frac{\partial I}{\partial t}(t,y) - D \Delta_y I(t,y)- c(t,y)\cdot
\nabla_y I(t,y) + b(t,y) I(t,y) = i(t,y)\ .\] Sa solution est
\[I(t,y)=\int_{t_0}^t \int_\Omega \widehat{k}(t,x,y,y')\, i(t-x,y')\, dy'\, dx +
\int_\Omega \widehat{k}(t,t-t_0,y,y')\, I(t_0,y')\, dy' \ \] avec une fonction
de \(\text{Green}\) \(\widehat{k}(t,x,y,y')\,\) positive ou nulle (Alimov et
Il'in, 2011). \(i(t,y)=a(t,y)\, I(t,y)\) est donc solution de l'équation de
renouvellement avec le noyau \(k(t,x,y,y')=a(t,y)\, \widehat{k}(t,x,y,y')\,\).
\(R_0\,\) est le rayon spectral de l'opérateur intégral \[u(t,y)\longmapsto
\int_0^\infty \!\!\! \int_\Omega k(t,x,y,y')\, u(t-x,y')\, dy'\, dx\ \] sur
l'espace des fonctions continues périodiques de période T par rapport à t.
L'incidence croît (ou décroît) exponentiellement avec le temps si \(\,R_0 >
1\) (ou \(R_0 < 1\)). \(R_0\,\) est le quotient asymptotique des infections dans
deux générations successives. Par ailleurs, il existe un unique nombre
positif \(\,\mu=\mu^*\) pour lequel l'opérateur linéaire suivant, avec la
condition aux bords, a une valeur propre principale \(\lambda_\mu\,\) égale à
zéro \[ \frac{\partial I}{\partial t}(t,y)- D \Delta_y I(t,y) - c(t,y)\cdot
\nabla_y I(t,y)+ b(t,y) I(t,y) - \frac{a(t,y)}{\mu} I(t,y) . \] En effet, (Hess,
1991, lemmes 15.4 et 15.5) montre que cette valeur propre est une fonction
croissante et continue de µ qui converge vers \(-\infty\) si \(\mu\to 0^+\) et
vers une limite positive si \(\mu\to +\infty\). De plus, \(\,I(t,y)\) croît ou
décroît exponentiellement en temps si et seulement si \(i(t,y)\,\) en fait
autant. Donc avec les mêmes notations qu'au début de la section 4, on a
\(\mathcal{R}_0(\mu^*)=1\). Mais \(\mathcal{R}_0(\mu^*)=R_0/\mu^*\).
Donc \(\,\mu^*=R_0\). Sachant calculer numériquement la valeur propre principale
d'un opérateur parabolique, on peut donc calculer la reproductivité par une
méthode de dichotomie semblable à celle proposée par (Bacaër, 2007, §3.4). Si les
coefficients ne dépendent pas du temps, alors cette manière de définir la
reproductivité coïncide avec celle de (Allen et coll., 2008, §2.3 ; Thieme, 2009,
§6 ; Krkosek et Lewis, 2010), mais pas avec celle de (Smith et Thieme, 2011,
§11.5.1). Cette dernière référence note qu'il existe \(\,y_1\) avec
\(\lambda_1=\Lambda-a(y_1)\) et définit « \(R_0\) » comme \(a(y_1)/\Lambda\).
Noter que si \(a(y)\) est divisé par une constante, le « \(R_0\) » correspondant
n'est pas nécessairement divisé par la même constante. \(y_1\,\) peut ne pas être
le même. Ceci contraste avec notre approche.
\(R_0\) peut être défini de manière analogue pour les équations
intégro-différentielles périodiques (Jin et Lewis, 2012).
5. Comparaison avec une autre approche
Suite aux travaux d'Ackleh et Chiquet (2009) sur ce sujet, Caswell (2009)
puis Hunter et Caswell (2005) et Cushing et Ackleh (2011) ont récemment suggéré
de définir la « reproductivité » comme le rayon spectral de la matrice suivante
\begin{equation}\tag{15} (M^*(\tau)-B^*(\tau))(I-B^*(\tau))^{-1}, \quad
\tau=0,1,\ldots,T-1 \end{equation} avec \[M(t)=A(t)+B(t), \quad
M^*(\tau)=M(\tau+T-1)\cdots M(\tau+1)M(\tau),\quad B^*(\tau)=B(\tau+T-1)\cdots
B(\tau+1)B(\tau).\] Ils ont montré que la position de ce nombre par rapport à 1
détermine la croissance ou le déclin de la population. Insistons ici sur les
propriétés qui distinguent ce nombre de notre approche:
* Notre reproductivité ne dépend pas de la saison t, contrairement à (15) qui
donne en général T rayons spectraux différents. La
notation \(\,R_0^{(\tau)}\) utilisée par (Caswell, 2009) serait sans doute
plus adaptée que celle de (Cushing et Ackleh, 2011). Dans l'exemple scalaire
avec une période 2 de la section 2, \begin{align*} R_0^{(0)}&= \frac{A(1)
A(0) + B(1) A(0) + A(1) B(0)}{1-B(1)B(0)}\\ &=\sum_{m=0}^\infty (A(1) A(0) +
B(1) A(0) + A(1) B(0)) (B(1)B(0))^m \end{align*} et \(R_0^{(1)}=R_0^{(0)}\).
Le deuxième et le troisième terme au numérateur
de \(\,R_0^{(0)}\) apparaissent sur la diagonale de la matrice W*, donnée par
(7), contrairement au premier terme.
* (Roberts et Heesterbeek, 2003) et (Heesterbeek et Roberts, 2007) ont
introduit la notion de reproductivité d'un type pour les modèles autonomes.
De même on peut définir la reproductivité d'une saison (ou d'un ensemble de
saisons) dans le cadre périodique. Prenons par example le modèle matriciel
général en temps discret de la section 2. Définissons la matrice de prochaine
génération W* comme dans l'introduction. On définit la matrice de projection,
diagonale par blocs \[\Pi(\tau)=\mathrm{diag}(0,\ldots,0,I,0,\ldots,0), \quad
0\leq \tau\leq T-1,\] de la même taille que W*, avec la matrice
identité \(I\,\) dans la « ligne » (et la « colonne ») t, et avec 0 figurant
les matrices nulles (voir section 2). Considérons un sous-ensemble non vide
de toutes les saisons \[\mathcal{E}=\{\tau_1,\ldots,\tau_k\}\subset
\{0,1,\ldots,T-1\}.\] On voudrait mesurer l'effort nécessaire pour amener la
population à l'extinction. On réduit les naissances seulement durant les
saisons choisies. Avec \[\Pi=\Pi(\tau_1)+\cdots + \Pi(\tau_k),\] on définit
la reproductivité des saisons \(\mathcal{E}\) par
\[\mathcal{T}(\mathcal{E})=\rho\Bigl (\Pi\Omega\, \bigl (I-(I-\Pi)\Omega\bigr
)^{-1}\Bigr ) = \rho\Bigl (\Pi\Omega \sum_{m=0}^\infty \bigl (\bigl
(I-\Pi)\Omega \bigr )^m \Bigr ),\] pourvu que \[\rho((I-\Pi)\Omega) < 1.\] La
signification de cette hypothèse est la suivante. Dans certains cas,
si \(\,\mathcal{E}\,\) est un ensemble trop petit, il est impossible d'amener
la population à l'extinction. Avec cette hypothèse, \(\,R_0=\rho(\Omega) >
1\), \(=1\) ou \( < 1\) si et seulement si \(\mathcal{T}(\mathcal{E}) >
1\), \(=1\) ou \( < 1\), comme Roberts et Heesterbeek (2003) l'ont montré.
Noter que \[\mathcal{T}(\{0,1,\ldots,T-1\})=R_0.\]
Pour l'exemple avec deux saisons de la section 2,
\(\Omega=(\Omega(\tau,\sigma))_{0\leq \tau,\sigma\leq 1}\) est donné par (7)
et l'on a les expressions \begin{align} \mathcal{T}(\{0\})&=\Omega(0,0) +
\frac{\Omega(0,1) \Omega(1,0)}{1-\Omega(1,1)} \nonumber\\ &= \Omega(0,0) +
\sum_{m=0}^\infty \Omega(0,1) \Omega(1,1)^m \Omega(1,0)\nonumber\\
&=\frac{A(0)(A(1)+B(1))}{1-(A(1)+B(1))B(0)} \nonumber\\ &= \sum_{m=0}^\infty
A(0) \bigl [ (A(1)+B(1)) B(0)\bigr ]^m (A(1)+B(1))\tag{16} \end{align} pourvu
que \(\Omega(1,1) < 1\), c'est-à-dire \((A(1)+B(1))B(0) < 1\). On obtient
des expressions similaires pour \(\,\mathcal{T}(\{1\})\) en permutant les
indices 0 et 1. En suivant l'interpretation de (Roberts et Heesterbeek,
2003), et comme on peut le voir avec la deuxième expression
ci-dessus, \(\mathcal{T}(\{0\})\) est l'espérance du nombre de descendants
(enfants, petits-enfants...) nés à la saison notée 0 d'un parent né à la
saison notée 0, avec la condition qu'aucun individu de l'arbre familial entre
le parent et le descendant ne soit né à la saison notée 0. Autrement dit, les
branches de l'arbre familial sont coupées juste après chaque naissance à la
saison 0. Ce nombre serait infini si \(\,\Omega(1,1)\geq 1\). Une telle
interprétation est valable non seulement pour l'exemple de la section 2 mais
aussi en général. Comme dans la proposition 3, on peut aussi démontrer, si le
nombre \(\mathcal{T}(\mathcal{E})\) est bien défini, que
\begin{equation}\tag{17} \rho\Bigl ( \Bigl (\frac{A(T-1)}{w(T-1)}+B(T-1)\Bigr
) \cdots \Bigl (\frac{A(0)}{w(0)}+B(0)\Bigr ) \Bigr ) =1\, , \end{equation}
avec \[w(\tau)=1\quad \forall \tau\notin \mathcal{E},\quad \quad
w(\tau)=\mathcal{T}(\mathcal{E})\quad \forall \tau \in \mathcal{E}.\] En
effet, pour \(\,\mu > 0\), définissons
\(\mathcal{A}(\mathcal{E};\mu)\), \(\Omega(\mathcal{E};\mu)\) et \(\mathcal{T
}(\mathcal{E};\mu)\) de la même manière que \(\mathcal{A}\), W* et
\(\mathcal{T}(\mathcal{E})\) sauf que toutes les
matrices \(A(\tau)\) avec \(\tau \in \mathcal{E}\,\) sont divisées par un
scalaire µ. Avec \(\Omega(\mathcal{E};\mu)=\mathcal{A}(\mathcal{E};\mu)\,
\mathcal{B}^{-1}\), on a \[\Pi \Omega(\mathcal{E};\mu)=(\Pi\Omega)/\mu,\quad
(I-\Pi) \Omega(\mathcal{E};\mu)=(I-\Pi)\Omega.\] Donc
\(\mathcal{T}(\mathcal{E};\mu)=\mathcal{T}(\mathcal{E})/\mu\). En
particulier, \(\,\mathcal{T}(\mathcal{E};\mathcal{T}(\mathcal{E}))=1\), ce
qui équivaut à (17).
On peut aussi montrer, comme dans la proposition 3, que (17) caractérise
\(\mathcal{T}(\mathcal{E})\). Pour l'exemple scalaire avec deux saisons, la
résolution de (17) conduit facilement à (16). En résumé, cette reproductivité
de saisons se focalise sur les générations comme notre \(\,R_0\) mais dépend
de la saison comme \(R_0^{(\tau)}\).
* Lorsque les matrices ne dépendent pas de t, nommons-les A, B et \(\,M=A+B\).
\(\,R_0^{(\tau)}\) est le rayon spectral de \((M^T-B^T)(I-B^T)^{-1}\,\),
pour tout t. Ceci est différent du rayon spectral de \(\,A(I-B)^{-1}\), qui
est la définition usuelle de \(R_0\,\) pour les modèles dans un
environnement constant (Caswell, 2001). C'est seulement en specifiant
que \(\,T=1\,\) que les deux formules coïncident. Ceci contraste avec la
dernière remarque de la section 2.
* \(R_0^{(\tau)}\) n'a pas de relation simple avec la couverture vaccinale
minimale pour éradiquer une maladie infectieuse, contrairement à notre
reproductivité, qui donne \(1-1/R_0\,\) comme seuil. L'estimation de ce seuil
est semble-t-il important pour les agences de santé publique. Peut-être
\(R_0^{(\tau)}\) est-il utile en écologie.
Appendice A: preuves pour la section 2
Preuve de la proposition 1. Pour \(n\geq 0\) et \(0\leq \tau \leq T-1\), on
définit \[F(n,\tau)=\sum_{q\geq q_\tau} \pi(n,\tau+qT)\] avec \(q_\tau\) défini
dans (6). Supposons d'abord que \(\,0\leq \tau \leq t_0-2\) ou \(t_0\leq \tau
\leq T-2\). Dans les deux cas, \(\,q_{\tau+1}=q_\tau\). Avec (5) on obtient
\begin{align*} F(n+1,\tau+1)&=\sum_{q\geq q_{\tau+1}} \pi(n+1,\tau+1+qT)\\
&=\sum_{q\geq q_\tau} A(\tau+qT)\, \pi(n,\tau+qT)+B(\tau+qT)\, \pi(n+1,\tau+qT).
\end{align*} Parce que \(A(\tau+qT)=A(\tau)\) et \(B(\tau+qT)=B(\tau)\), on a \[
F(n+1,\tau+1) =A(\tau)\, F(n,\tau)+B(\tau)\, F(n+1,\tau)\; . \]
Avec \(\pi(n+1,t_0)=0\), \begin{align*} &F(n+1,t_0) = A(t_0-1) F(n,t_0-1) +
B(t_0-1) F(n+1,t_0-1) \quad \forall\ t_0\neq 0,\\ &F(n+1,0) = A(T-1) \, F(n,T-1)
+ B(T-1)\, F(n+1,T-1)\, . \end{align*} En résumé, on a \begin{align*} -B(\tau)\,
F(n+1,\tau) + F(n+1,\tau+1) &= A(\tau)\, F(n,\tau)\; ,\quad 0\leq \tau \leq
T-2,\\ -B(T-1)\, F(n+1,T-1) + F(n+1,0) &= A(T-1) \, F(n,T-1)\; . \end{align*}
Donc avec \[\widehat{F}(n)=(F(n,0)'\ F(n,1)' \cdots F(n,T-1)')',\] on a
\[\mathcal{B}\, \widehat{F}(n+1) = \mathcal{A} \, \widehat{F}(n).\] Mais
\[G(n,\tau)=\sum_{q\geq q_\tau} A(\tau+qT)\, \pi(n,\tau+qT) = A(\tau)\,
F(n,\tau)\; .\] Donc \(\,\widehat{G}(n)=\mathcal{A}\, \widehat{F}(n) =
\mathcal{B}\, \widehat{F}(n+1)\). Par conséquent, \(\widehat{G}(n+1)=\mathcal{A}
\, \widehat{F}(n+1) = \mathcal{A} \, \mathcal{B}^{-1} \, \widehat{G}(n)\) pour
\(n\geq 0\).
Supposons maintenant que \(0 \leq \tau\leq T-2\). En utilisant (4), on a
\begin{align*} -&B(\tau) \, F(0,\tau) + F(0,\tau+1)=- \sum_{q\geq q_\tau}
B(\tau+qT)\, \pi(0,\tau+qT) + F(0,\tau+1)\\ &= - \sum_{q\geq q_\tau}
\pi(0,\tau+qT+1) +\!\! \sum_{q\geq q_{\tau+1}}\!\! \pi(0,\tau+qT+1)= \left \{
\begin{array}{lll} 0, & & \tau\neq t_0-1,\\ p(t_0), & & \tau= t_0-1.
\end{array}\right. \end{align*} De même, on obtient \[ -B(T-1) \, F(0,T-1) +
F(0,0)=\left \{ \begin{array}{lll} 0, & & t_0\neq 0,\\ p(0), & & t_0=0.
\end{array}\right. \] Donc \(\mathcal{B}\widehat{F}(0)=\widehat{p}\) et
\(\widehat{G}(0)=\mathcal{A}\, \widehat{F}(0)= \mathcal{A}\, \mathcal{B}^{-1}
\widehat{p}\). Le corollaire 1 résulte du théorème de Perron et Frobenius
(Seneta, 2006, théorème 1.2).
Preuve de la remarque à la fin de la section 2. On a \(\,\Omega=\mathcal{A}
\, \mathcal{B}^{-1}\). \(\,\mathcal{A}\) est la matrice diagonale par
blocs \(\mathrm{diag}(A,\ldots,A)\) et \[\mathcal{B}^{-1}=
\mathrm{diag}((I-B^T)^{-1},\ldots,(I-B^T)^{-1}) \left (\begin{array}{cccc}
B^{T-1} & B^{T-2} &\cdots & I\\ I & B^{T-1} & \ddots & \vdots\\ \vdots & \ddots &
\ddots & B^{T-2}\\ B^{T-2} & \cdots & I & B^{T-1}\end{array} \right) .\]
\(r_0\) est le rayon spectral de \(A(I-B)^{-1}\). Supposons d'abord que A et B
soient des matrices à coefficients strictement positifs. La
matrice \(\,A(I-B)^{-1}=A+AB+AB^2+\cdots\,\) est aussi à coefficients strictement
positifs. D'après (Berman et Plemmons, 1994, théorème 2.1.3), \[\exists\, v,\quad
A(I-B)^{-1}v = r_0\, v,\quad v_i>0\ \forall i.\] On définit \(\,V=(v'\ldots
v')'\,\), le vecteur v étant répété T fois et \(\,'\,\) désigne la transposition.
Alors \[\Omega \, V=(w'\ldots w')',\quad w=A(I-B^T)^{-1}(I+B+\cdots+B^{T-1})v=
A(I-B)^{-1}v=r_0\, v,\] \[\Omega\, V= r_0\, V,\quad r_0=R_0,\] parce que
\(R_0\,\) est la seule valeur propre de la matrice W* avec un vecteur propre à
coeffients strictement positifs (Berman et Plemmons, 1994, théorème 2.1.4). Si la
matrice A ou la matrice B n'est pas à coefficients strictement positifs,
considérons la matrice E de même taille mais pleine de 1. On définit
\[A^{(\varepsilon)}=A+\varepsilon\, E,\quad B^{(\varepsilon)}=B+\varepsilon\, E\]
avec \(\varepsilon > 0\,\) suffisamment petit. On définit
\(\,R_0^{(\varepsilon)}\) et \(r_0^{(\varepsilon)}\) comme \(R_0\) et \(r_0\),
sauf que A et B sont remplacés par
\(A^{(\varepsilon)}\) et \(B^{(\varepsilon)}\). D'après ce qui précède,
\(r_0^{(\varepsilon)}=R_0^{(\varepsilon)}\). Par continuité du rayon spectral
quand \(\,\varepsilon\to 0\), on obtient \(r_0=R_0\).
Appendice B: preuve de la proposition 2
Supposons d'abord que \(t_0\leq \tau < T\). Il résulte de (8) et (9) que
\[G(n+1,\tau) = \sum_{q\geq 0} \int_0^{\tau+qT-t_0} K(\tau,x)\,
\beta(n,\tau+qT-x)\, dx.\] En réorganisant la double sommation, on obtient
\begin{align*} G(n+1,\tau) &= \sum_{s\geq 0} \int_{sT}^{\tau-t_0+sT} \sum_{q\geq
s} K(\tau,x)\, \beta(n,\tau+qT-x)\, dx\\ &+ \sum_{s\geq 0}
\int_{\tau-t_0+sT}^{T+sT} \sum_{q\geq s+1} K(\tau,x)\, \beta(n,\tau+qT-x)\, dx.
\end{align*} Avec le changement de variable \(y=x-sT\) et \(r=q-s\,\), on arrive
à \begin{align} G(n+1,\tau) &= \sum_{s\geq 0} \int_{0}^{\tau-t_0} \sum_{r\geq 0}
K(\tau,y+sT)\, \beta(n,\tau+rT-y)\, dy\tag{18}\\ &+ \sum_{s\geq 0}
\int_{\tau-t_0}^{T} \sum_{r\geq 1} K(\tau,y+sT)\, \beta(n,\tau+rT-y)\, dy\,
.\tag{19} \end{align} Dans les intégrales (18), on a \(0\leq y \leq
\tau-t_0\) et \(t_0\leq \tau-y\leq \tau < T\). Dans les intégrales (19), on
distingue le cas \(\,\tau-t_0\leq y \leq \tau\) (pour lequel \(0\leq \tau-y\leq
t_0\)) du cas \(\tau \leq y\leq T\) (pour lequel \(t_0\leq \tau\leq T+\tau-y\leq
T\)). Avec la définition (9) de \(\,G(n,\tau)\,\), on arrive à \begin{align*}
G(n+1,\tau) &= \sum_{s\geq 0} \int_{0}^{\tau-t_0} K(\tau,y+sT)\, G(n,\tau-y)\, dy
\\ &+\sum_{s\geq 0} \int_{\tau-t_0}^\tau K(\tau,y+sT)\, G(n,\tau-y)\, dy \\
&+\sum_{s\geq 0} \int_{\tau}^T K(\tau,y+sT)\, G(n,T+\tau-y)\, dy\, . \end{align*}
Avec le changement de variable \(\sigma=\tau-y\), on obtient
\begin{equation}\tag{20} G(n+1,\tau) = \int_0^T \Omega(\tau,\sigma)\,
G(n,\sigma)\, d\sigma\; . \end{equation} avec \begin{equation}
\Omega(\tau,\sigma)=\left \{\begin{array}{lll} \sum_{s\geq 0}
K(\tau,\tau-\sigma+sT), & & 0\leq \sigma < \tau,\\ \sum_{s\geq 1}
K(\tau,\tau-\sigma+sT), & & \tau\leq \sigma < T. \end{array} \right.
\end{equation} Si on a \(0\leq \tau < t_0\,\), un calcul complètement analogue
mène aussi à (20). On utilise enfin le fait que \(G(n,\tau)\) a été étendu par
périodicité à tout t. On obtient \[\int_0^T \Omega(\tau,\sigma)\, G(n,\sigma)\,
d\sigma = \int_0^\infty K(\tau,x)\, G(n,\tau-x)\, dx\; \] (voir par exemple
(Bacaër, 2007, §2)). On utilise le théorème de \(\,\text{Krein-Rutman}\) (Dautray
et Lions, 1984, chapitre VIII). Le rayon spectral de l'opérateur compact
fortement positif (20) (pour la compacité, voir (Bacaër et Ait Dads, 2011,
appendice 1)) est une valeur propre simple avec une fonction propre vectorielle
positive \(\widetilde{G}(\tau)\) et cette valeur propre domine toutes les autres
valeurs propres. Donc il existe une constante \(\,c >
0\) avec \(||G(n,\cdot)/R_0^n - c\, \widetilde{G}(\cdot)||_\infty\to
0\) si \(n\to \infty\). Par conséquent \[\frac{g(n)}{R_0^n} = \frac{\int_0^T
\|G(n,\tau)\|\, d\tau}{R_0^n} \mathop{\longrightarrow}_{n\to \infty} c \int_0^T
\|\widetilde{G}(\tau)\|\, d\tau\] et \(g(n+1)/g(n)\to R_0\).
Appendice C: preuves pour la section 4
Preuve de la proposition 3. Pour \(\,\mu > 0\), on définit \[C_\mu=\left
(\begin{array}{ccccc} 0 & 0 &\cdots & 0 & \frac{A(T-1)}{\mu}+B(T-1) \\
\frac{A(0)}{\mu}+B(0) & 0 &\cdots &0 & 0\\ 0 & \frac{A(1)}{\mu}+B(1) &\ddots &0 &
0\\ \vdots &\ddots & \ddots & \ddots & \vdots\\ 0 & 0 &\cdots &
\frac{A(T-2)}{\mu}+B(T-2) & 0 \end{array}\right).\] \((C_\mu)^T\) est la matrice
diagonale par blocs avec la matrice produit \(N_\mu\,\) et ses permutations
circulaires sur la diagonale. Ainsi
\[\rho(N_\mu)=\rho((C_\mu)^T)=(\rho(C_\mu))^T.\] \(\mu \mapsto C_{\mu}\,\) est
une fonction croissante, c'est-à-dire, tous les coefficients sont des fonctions
croissantes de µ. D'après Berman et Plemmons (1994, corollaire 2.1.5),
\(\,\mu\mapsto \rho(C_\mu)\,\) est une fonction croissante. Cette fonction est
aussi continue. Comme dans (Kingman, 1961), \(\mathfrak{S}\,\) est l'ensemble
des fonctions réelles définies sur l'axe positif qui sont soit identiquement
nulles soit strictement positives et log-convexes. Pour tout \(a\geq
0\) et \(b\geq 0\), la fonction \(\mu \mapsto a/\mu+b\) appartient
à \(\mathfrak{S}\) parce que \[ \frac{d^2}{d\mu^2} \log(a/\mu+b) > 0.\] Donc
chaque élément de la matrice \(\,C_\mu\) appartient à \(\mathfrak{S}\). D'après
(Kingman, 1961), \(\,\mu \mapsto \rho(C_\mu)\) appartient à \(\mathfrak{S}\). Un
produit de fonctions log-convexes étant aussi log-convexe, la fonction \(\,\mu
\mapsto \rho(N_\mu)\) appartient aussi à \(\mathfrak{S}\).
On suppose \(\,R_0 > 0\). Si la matrice \(\,C_1\) est irréductible, alors on
a \(\rho(C_{R_0})=1\,\) (Bacaër, 2009, § 3.3). Donc \(\,\rho(N_{R_0})=1\). Si la
matrice \(\,C_1\,\) n'est pas irréductible, soit E la matrice de même taille que
les matrices \(\,A(t)\) mais pleine de 1. On définit
\[A^{(\varepsilon)}(t)=A(t)+\varepsilon E,\quad \varepsilon\geq 0.\] On définit
\(\mathcal{A}^{(\varepsilon)}\), \(R_0^{(\varepsilon)}\), \(N^{(\varepsilon)}_\mu
\) et
\(C_\mu^{(\varepsilon)}\,\) comme \(\,\mathcal{A}\), \(R_0\), \(N_\mu\) et \(C_\m
u\), sauf que \(A(t)\) est remplacé par \(A^{(\varepsilon)}(t)\). Avec \(\,R_0 >
0\,\) et avec la continuité du rayon spectral, on a \(\,R_0^{(\varepsilon)} >
0\,\) pour e > 0 assez petit. La matrice \(\,C^{(\varepsilon)}_1\) est
irréductible pour tout e > 0. En appliquant le résultat ci-dessus, on obtient
\(\rho(N^{(\varepsilon)}_{R_0^{(\varepsilon)}})=1\,\) pour e > 0 assez petit. Par
continuité quand \(\,\varepsilon\to 0^+\), on obtient \(\rho(N_{R_0})=1\).
Supposons qu'il existe \(0 < \mu_1 < \mu_2\) avec
\(\rho(N_{\mu_1})=\rho(N_{\mu_2})=1\).
Avec \(\,\rho(C_\mu)=(\rho(N_\mu))^{1/T}\) pour tout \(\mu > 0\), on a
\(\rho(C_{\mu_1})=\rho(C_{\mu_2})=1\). La fonction \(\mu \mapsto
\rho(C_\mu)\,\) est croissante. On a \(\rho(C_\mu)=1\) pour tout \(\mu\in
[\mu_1,\mu_2]\). Dans le cas présent, la fonction \(\mu \mapsto
\rho(C_\mu)\) n'est pas identiquement nulle donc elle est strictement positive et
log-convexe (et donc convexe). \(\mu \mapsto \rho(C_\mu)\,\) est une fonction
croissante et convexe. Il est impossible de trouver \(\,\mu_3 > \mu_2\) avec
\(\rho(C_{\mu_3}) < 1\). Ainsi \(\,\rho(C_\mu)=1\) si \(\mu\geq \mu_1\). On
obtient une contradiction avec le fait que
\[\rho(C_\mu)\mathop{\longrightarrow}_{\mu \to +\infty} (\rho(B(T-1)\cdots
B(1)B(0)))^{1/T} < 1.\] Donc il existe au plus un µ tel
que \(\,\rho(N_{\mu})=1\). De la discussion ci-dessus sur le cas \(\,R_0 > 0\,\),
on voit que dans ce cas il y a un unique tel µ et que \(\mu=R_0\).
Remarque. Si on a \(\,R_0=0\) (ou de manière équivalente si la matrice W* est
« nilpotente » de sorte que la population s'éteint en un nombre fini de
générations), alors l'équation \(\,\rho(N_{\mu})=1\) n'a pas de solution \(\mu >
0\). En effet, imaginons \[\exists\, \mu > 0,\quad \rho(N_{\mu})=1.\]
Alors \(\,\rho(C_\mu)=1\). D'après (Berman et Plemmons, 1994, théorème 2.1.1),
\[\exists\, v\neq 0,\quad C_\mu v = v,\quad v_i\geq 0\ \forall i.\] Écrivons
\[v=(v(0)' \ldots v(T-1)')'.\] Alors \[(A(t)/\mu+B(t))v(t)=v(t+1),\quad \forall
\,t=0,\ldots,T-1,\] avec \(v(T)=v(0)\). Par conséquent, \[A(t)v(t) = \mu\, v(t+1)
- \mu\, B(t) v(t),\quad \forall t=0,\ldots,T-1.\] \[\mathcal{A}v = \mu\,
\mathcal{B} v,\quad \mathcal{B}^{-1}\mathcal{A} v = \mu \, v.\]
\[R_0=\rho(\mathcal{A} \mathcal{B}^{-1})=\rho(\mathcal{B}^{-1} \mathcal{A})\geq
\mu > 0.\] On a une contradiction.
Preuve du corollaire 2. On définit \(\,\lambda=\rho(N_1)^{1/T}\). On
suppose \(\,R_0 > 1\). La fonction \(\,\mu \mapsto \rho(N_\mu)\) est croissante.
On a \[1=\rho(N_{R_0})\leq \rho(N_1) = \lambda^T.\] Mais \(\rho(N_1)\neq
1\) parce que \(R_0\neq 1\) et parce que \(R_0\) est l'unique µ
avec \(\rho(N_\mu)=1\). Par conséquent, \[1 < \lambda^T,\quad 1 < \lambda.\] De
manière similaire, en renversant les inégalités, on montre que \(\lambda <
1\) si \(R_0 < 1\). Enfin, parce que \(\,\rho(N_{R_0})=1\), on
a \(\lambda=\rho(N_1)^{1/T}=1\) si \(R_0=1\). Donc toutes les équivalences du
corollaire 2 sont bien démontrées.
Remerciements
Les auteurs remercient Mamadou Lamine Diouf pour avoir attiré leur attention
sur le cas des équations de diffusion et Odo Diekmann, Hans Metz et Hisashi Inaba
pour leurs commentaires.
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