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Approximation de \(R_0\) pour les maladies à vecteurs avec une population périodique de
vecteurs
Bull. Math. Biol. 69 (2007) p. 1067-1091
Nicolas Bacaër
Institut de recherche pour le développement, Bondy, France
nicolas.bacaer@ird.fr
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Résumé
L'objectif principal de cet article est d'obtenir une formule approchée pour la
reproductivité d'une maladie à vecteurs, si la population de vecteurs a de
petites fluctuations saisonnières : \(p(t)=p_0 (1+\varepsilon \cos (\omega
t-\phi))\) avec \(\varepsilon \ll 1\). Le premier terme est semblable au cas
d'une population constante de vecteurs, mais avec la population remplacé par sa
moyenne. La correction relative maximale due au second terme est
\(\varepsilon^2/8\) et tend toujours à diminuer la reproductivité. Cette
reproductivité est le rayon spectral d'un opérateur intégral. On compare quatre
méthodes numériques en utilisant comme exemple un modèle pour l'épidémie de
chikungunya à La Réunion en 2005-2006. On peut utiliser les formules approchées
et les méthodes numériques pour de nombreux autres modèles épidémiques avec
saisonnalité.
1. Introduction
Depuis mars 2005, une épidémie de chikungunya frappe pour la première fois
l'île de La Réunion, un département français d'outre-mer situé dans l'océan
Indien. Après un premier pic avec plus de 400 nouveaux cas humains par semaine en
mai 2005, l'épidémie a ralenti (figure 1a). C'est à cause de l'hiver austral, qui
est plus frais et moins pluvieux (figure 1b) et donc moins favorable à la
prolifération d'Aedes albopictus, le moustique qui transmet le virus du
chikungunya aux humains. Noter que La Réunion est dans l'hémisphère sud.
Aedes albopictus a été aussi responsable d'une petite épidémie de dengue qui
a duré d'avril à juillet 2004, c'est-à-dire jusqu'au début de l'hiver austral
(Pierre et coll., 2005). Ceci a probablement conduit les épidémiologistes locaux
à croire que le scénario de l'épidémie de dengue se répéterait avec le
chikungunya. Le contrôle vectoriel de petite ampleur, associé à la recherche
active de cas humains, serait suffisant pour arrêter l'épidémie avant la fin de
l'hiver. Cela n'a pas été le cas. Après avoir atteint un minimum inférieur à 100
nouveaux cas par semaine en septembre 2005, l'épidémie de chikungunya a
recommencé à croître et a atteint un pic étonnant de 40000 nouveaux cas par
semaine en février 2006. L'épidémie était alors devenue un sujet de controverse.
Pourquoi les épidémiologistes n'avaient-ils pas été capables de prédire
l'épidémie? Pourquoi le ministère de la Santé n'avait-il pas déclenché une
campagne de contrôle vectoriel de grande ampleur suffisamment tôt? À présent
(juillet 2006), plus de 260000 personnes ont attrapé la maladie depuis le début
de l'épidémie, soit environ un tiers de la population de l'île. Environ 200
certificats de décès ont mentionné le chikungunya comme l'une des causes du
décès. Par ailleurs, l'épidémie a eu un effet important sur l'économie de l'île,
en particulier sur le tourisme, qui est l'une des principales industries. L'effet
combiné de l'hiver et du contrôle vectoriel ont ramené à présent le nombre de
nouveaux cas par semaine en dessous de mille.
[bilanchik.png] [SainteMarie.png] Figure 1. (a) Nombre estimé de nouveaux cas par
semaine tracé suivant deux échelles différentes. Sur l'axe vertical à gauche, on
peut voir clairement la courbe épidémique pour l'année 2005. Sur l'axe vertical à
droite, on peut voir comment elle a évolué en 2006. Données de l'Institut de
Veille Sanitaire. (b) Températures maximales et minimales en degrés Celsius
(courbes du haut et du milieu, axe à gauche) et précipitations en millimètres par
mois (courbe du bas, axe à droite) dans la ville de Sainte-Marie à La Réunion.
Données de Météo France.
Une question importante mais difficile est de savoir si l'épidémie traversera
l'hiver une nouvelle fois et causera un nouveau pic important l'été prochain. Les
scientifiques ont l'habitude de penser de manière simplifiée à ce genre de
question. Ils s'intéressent à un paramètre clé associé avec l'épidémie, la
reproductivité, définie de manière vague comme le nombre moyen de cas secondaires
causés par un premier cas au début de l'épidémie. L'épidémie se développe si
\(R_0 > 1\). L'épidémie s'arrête si \(R_0 < 1\). À la suite des travaux de Ronald
Ross (1911) sur le paludisme, on a obtenu la formule suivante pour la
reproductivité dans le cas des maladies à vecteurs: \begin{equation}\tag{1}
R_0=\frac{\beta^2\, q\, q'\, p}{\alpha\, \mu\, P}\, . \end{equation}
* \(\beta\) est la fréquence avec laquelle les vecteurs piquent
* \(q\) et \(q'\) sont les probabilités de transmission pendant une piqûre du
vecteur à l'humain et de l'humain au vecteur
* \(p\) est la population de vecteurs
* \(P\) est la population humaine
* \(1/\alpha\) est la durée d'infection moyenne chez les humains
* \(1/\mu\) est l'espérance de vie des vecteurs adultes.
Voir (Bailey, 1982 ; Anderson et May, 1991) et (Heesterbeek, 2002) pour une
perspective historique. Cette formule montre en particulier que la reproductivité
est proportionnelle à la population de vecteurs. Si par conséquent un système de
surveillance pouvait suivre l'évolution de la densité de vecteurs avant et
pendant une épidémie, si la valeur numérique de la reproductivité était connue
d'une épidémie précédente ou estimée avec la formule (1), alors l'épidémie
s'arrêterait si la densité de vecteurs était divisée par la reproductivité. Mais
puisque qu'aucun système de surveillance ne suit actuellement la densité d'Aedes
albopictus à La Réunion, la méthode que l'on vient de décrire ne peut pas
marcher. Il semble donc simplement impossible de répondre raisonnablement à la
question de savoir si l'épidémie de chikungunya traversera l'hiver une nouvelle
fois.
Dans cet article, on se concentre sur la partie plus théorique du problème, à
savoir l'estimation de la reproductivité. Un aspect frappant de l'épidémie de
chikungunya est sa saisonnalité. La formule (1) suppose que la population de
vecteurs est constante tout au long de l'année. Plusieurs questions se posent:
comment définir la reproductivité si l'on prend en compte la saisonnalité, par
exemple si l'on suppose que la population de vecteurs est une fonction périodique
du temps ? Comment calculer cette reproductivité ? Y-a-t-il des cas particuliers
où l'on peut obtenir une formule simple semblable à (1)?
Ces questions ne sont évidemment pas spécifiques au chikungunya. Elles se
posent par exemple pour d'autres maladies à vecteurs. Plus généralement, ces
questions se posent pour les problèmes de dynamique des populations avec de la
saisonnalité, comme en épidémiologie (Altizer et coll., 2006), en écologie, en
démographie, en immunologie, et en génétique des populations.
Un travail récent (Bacaër et Guernaoui, 2006) a commencé à répondre à
quelques unes de ces questions. Il contient une définition de la reproductivité
dans un environnement périodique comme rayon spectral d'un opérateur linéaire
intégral sur un espace de fonctions périodiques. La définition est inspirée par
des travaux antérieurs sur la dynamique des populations structurées par âge avec
coefficients périodiques (Coale, 1972 ; Thieme, 1984 ; Jagers et Nerman, 1985 ;
Anita et coll., 1998) et par le livre de Diekmann et Heesterbeek (2000), qui met
en avant la notion de « matrice de prochaine génération » et d'« opérateur de
prochaine génération » pour définir la reproductivité. (Bacaër et Guernaoui,
2006) contient aussi un algorithme basé sur la discrétisation de l'opérateur
intégral. On a utilisé cet algorithme pour estimer la reproductivité lors d'une
épidémie de leishmaniose au Maroc. On connaissait avec précision les fluctuations
de la population de vecteurs grâce à des enquêtes de terrain.
Notre article s'organise de la manière suivante. Dans la section 2, on
introduit une petite modification de la définition de la reproductivité donnée
par (Bacaër et Guernaoui, 2006, §5). On nomme ici \(r_0\) le rayon spectral de «
l'opérateur de prochaine génération », tandis que \(R_0=r_0^n\). n est le nombre
de compartiments infectés du modèle. (Heesterbeek et Roberts, 1995b, §2.1) a déjà
discuté brièvement de ce point dans le cas des « matrices de prochaine génération
». On montre aussi pour une certaine classe de modèles, que l'on nomme «
cycliques », que le problème intégral de valeur propre en dimension n se réduit à
un problème unidimensionnel. Par la suite, on s'intéresse au cas particulier où
le noyau du problème réduit est \(K(x,t)=f(t)\, G(x)\). \(f(t)\) est une
fonction périodique. Ce cas inclut déjà de nombreux modèles de maladies à
vecteurs et de maladies transmises directement.
Dans la section 3, on présente quatre méthodes numériques pour le calcul de
la reproductivité dans des problèmes intégraux de valeur propre unidimensionnels.
La première méthode est celle déjà présentée dans (Bacaër et Guernaoui, 2006,
§4): c'est une simple discrétisation de l'opérateur intégral. La seconde méthode
utilise les séries de Fourier et s'inspire de (Williams et Dye, 1997), qui étudie
le paramètre malthusien et non la reproductivité . Ces deux méthodes marchent
pour une fonction générale \(G(x)\) et une fonction périodique \(f(t)\). La
troisième méthode ne concerne que le cas particulier où \(f(t)=1+\varepsilon
\cos(\omega t - \phi)\). Cette méthode combine des séries de Fourier avec une
méthode de perturbation. Elle ressemble à celle de (Coale, 1972, chapitre 6), qui
s'intéresse également au paramètre malthusien et non à la reproductivité . La
quatrième méthode marche pour les opérateurs de prochaine génération cycliques
associés aux systèmes linéaires d'équations différentielles ordinaires à
coefficients périodiques. La méthode utilise la théorie de Floquet comme dans
(Heesterbeek et Roberts, 1995a, 1995b) mais d'une manière différente.
Dans la section 4, on considère des maladies à vecteurs et l'on suppose que
la population de vecteurs est donnée par la formule suivante
\begin{equation}\tag{2} p(t) = p_0 \bigl [1 +\varepsilon \cos\bigl (\omega t-\phi
\bigr ) \bigr ]\, . \end{equation} En utilisant tout d'abord un modèle simple
pour le paludisme et les résultats de la section 3.3, on montre qu'avec les mêmes
notations que dans (1), la reproductivité est donnée par \begin{equation}\tag{3}
R_0 \simeq \frac{\beta^2\, q\, q' \, p_0}{\alpha\, \mu\, P} \Bigl ( 1 -
\frac{\alpha \mu}{\omega^2 + (\alpha+\mu)^2}\ \frac{\varepsilon^2}{2} \Bigr ),
\quad \varepsilon\to 0. \end{equation} Cette formule apparemment nouvelle
généralise la formule (1). Le premier terme est semblable au cas d'une population
constante de vecteurs mais avec la population remplacé par sa moyenne. La
correction relative maximale due au second terme est \(\varepsilon^2/8\) et tend
toujours à diminuer la reproductivité. On se tourne ensuite vers l'épidémie de
chikungunya en utilisant un modèle légèrement plus compliqué. La forme simplifiée
(2) pour la population de vecteurs ne semble pas trop déraisonnable quand on
regarde les courbes de température et de précipitations à La Réunion (figure 1b).
Les deux n'ont qu'un maximum chaque année vers février. Après avoir estimé les
paramètres de ce modèle, on compare les quatre méthodes numériques de la section
3 pour le calcul de la reproductivité. Cependant on ne devrait pas trop prendre
au sérieux la valeur numérique ainsi obtenue pour la reproductivité de l'épidémie
de chikungunya. Les valeurs des paramètres ne sont pas connues précisément.
L'hypothèse (2) est simpliste. On peut voir cela comme un exercice pour tester
les différentes méthodes numériques. C'est une source d'inspiration pour
développer la théorie. C'est une première tentative de modélisation en attendant
des études de terrain sur les fluctuations de la population de moustiques.
La dernière section discute de l'applicabilité de la méthode de la section
3.3 pour obtenir des formules approchées pour la reproductivité dans le cadre
d'autres modèles mathématiques de maladies infectieuses avec coefficients
périodiques, en particulier pour le modèle SIR avec un taux périodique de
contacts et une période infectieuse fixe, et aussi pour le modèle SEIR avec un
taux périodique de contacts et des périodes de latence et d'infectiosité
distribuées exponentiellement. On présente aussi des indications préliminaires
sur la signification de la reproductivité dans les modèles épidémiques
stochastiques avec saisonnalité.
2. Définition de \(R_0\)
Avec \(t \in \mathbb{R}\) et \(x\geq 0\), on suppose que \(K(t,x)\) est une
matrice de taille n à coefficients positifs ou nuls. On supposons
que \(K(t+\theta,x)=K(t,x)\) si \(x\geq 0\).
L'idée derrière la fonction \(K(t,x)\) est celle d'un modèle épidémique avec
n compartiments infectés \((I_1,I_2,\ldots,I_n)\). Ces compartiments peuvent
être infectieux ou latents. \(K_{i,j}(t,x)\) représente l'espérance du nombre
d'individus de type i qu'un individu de type j infecte au début d'une épidémie
par unité de temps au temps t, s'il est de type j depuis x unités de temps. Cela
couvre le cas où des individus de type j infectent des individus qui se
retrouvent de type i mais aussi le cas où des individus de type j changent
simplement de compartiment pour se retrouver de type i. L'hypothèse de
périodicité pour le noyau K représente un environnement périodique.
Considérons l'opérateur linéaire intégral \(\mathcal{K}\) défini par
\begin{equation}\tag{4} (\mathcal{K}v)(t)=\int_0^\infty K(t,x)\, v(t-x)\, dx
\end{equation} sur un espace de fonctions périodiques de période th à valeurs
dans \(\mathbb{R}^n\). Pour être plus précis, on remarque qu'avec les hypothèses
de périodicité sur le noyau K et la fonction v, l'équation (4) peut s'écrire
\[(\mathcal{K}v)(t)=\int_0^\theta \widehat{K}(t,s)\, v(s)\, ds\] avec
\[\widehat{K}(t,s)=\left \{\begin{array}{ll} \sum_{k=0}^{+\infty} K(t,t-s+k\,
\theta), & \quad s < t,\\ \sum_{k=1}^{+\infty} K(t,t-s+k\, \theta), & \quad s >
t. \end{array} \right.\] On supposons \(\widehat{K}\in L^2((0,\theta) \times
(0,\theta),\mathbb{R}^{n\times n})\). Une simple extension de (Hochstadt, 1973,
théorème 7, p. 51) montre que \(\mathcal{K}\) est un opérateur linéaire compact
de \(L^2( (0,\theta),\mathbb{R}^n)\to L^2( (0,\theta),\mathbb{R}^n)\). Comme dans
(Diekmann et Heesterbeek, 2000, p. 77), on peut le nommer l'opérateur linéaire de
prochaine génération. \(K(t,x)\) est le noyau associé. \(r_0\) est le rayon
spectral de \(\mathcal{K}\). On définit la reproductivité par la
formule \(R_0=r_0^n\). Voir (Heesterbeek et Roberts, 1995b, §2.1) pour une
discussion de pourquoi il est parfois plus commode de prendre \(R_0=r_0^n\)
que \(R_0=r_0\). Voir aussi (Bacaër et Guernaoui, 2006, §5) pour une discussion
de pourquoi cette définition de la reproductivité généralise la définition
habituelle sans saisonnalité avec la matrice de prochaine génération (Diekmann et
Heesterbeek, 2000, p. 74).
L'opérateur linéaire \(\mathcal{K}\) est positif. Dans le cas \(r_0 > 0\), le
théorème de \(\text{Krein}\) et Rutman (Krasnosel'skij et coll., 1980, théorème
9.2, p. 87) montre que \(r_0\) est une valeur propre de \(\mathcal{K}\) et qu'il
existe une fonction propre positive \(v\in L^2((0,\theta),\mathbb{R}^n)\)
associée à \(r_0\). En étendant v par périodicité à \(\mathbb{R}\), on peut
écrire \begin{equation}\tag{5} \int_0^\infty K(t,x)\, v(t-x)\, dx = r_0\, v(t)\,
. \end{equation} (Krasnosel'skij et coll., 1980) et (Schaefer, 1974, p. 377)
donnent des conditions qui assurent que \(r_0 > 0\).
Dans le reste de cet article, on considère des modèles « cycliques » qui ont
la forme particulière suivante (figure 2): tous les éléments \(K_{i,j}(t,x)\) du
noyau sont nuls sauf \(K_{1,n}(t,x)\) et \(K_{j+1,j}(t,x)\) avec \(1\leq j\leq
n-1\).
[cyclic.png] Figure 2. Compartiments infectés dans un modèle « cyclique ».
Ceci inclut en particulier le cas général unidimensionnel n=1 avec un noyau
arbitraire K. Avec \(v(t)=(v_1(t),\ldots,v_n(t))\), le problème intégral (5)
s'écrit \begin{eqnarray*} \int_0^\infty K_{1,n}(t,x)\, v_n(t-x)\, dx &=& r_0\,
v_1(t),\\ \int_0^\infty K_{j+1,j}(t,x)\, v_j(t-x)\, dx &=& r_0\, v_{j+1}(t),\quad
1\leq j \leq n-1. \end{eqnarray*} On remplace successivement l'équation avec
\(j=n-1\), \(j=n-2\), \(\ldots\) \(j=1\) dans la première équation.
Avec \(R_0=r_0^n\), on a \begin{align*} \int_0^\infty\!\!\!\!\!\cdots
\int_0^\infty &K_{1,n}(t,x_1)\, K_{n,n-1}(t-x_1,x_2) \cdots\,
K_{2,1}(t-x_1-\cdots-x_{n-1},x_n)\\ &v_1(t-x_1-\cdots - x_n)\, dx_1\cdots dx_n =
R_0\, v_1(t). \end{align*} Il faut noter une propriété importante: si un élément
non nul de K est multiplié par une certaine constante, alors la reprodctivité est
aussi multipliée par la même constante. Le changement de
variable \((x_1=x_1,\ldots,x_{n-1}=x_{n-1},x=x_1+\cdots+x_n)\) conduit à
\begin{equation}\tag{6} \int_0^\infty \widetilde{K}(t,x)\, v_1(t-x)\, dx = R_0\,
v_1(t). \end{equation} \(\widetilde{K}(t,x)\) est l'intégrale d'hypersurface
\[\widetilde{K}(t,x) = \int_{\sigma_x^n} \!\!\!K_{1,n}(t,x_1)\,
K_{n,n-1}(t-x_1,x_2) \cdots\, K_{2,1}(t-x_1-\cdots-x_{n-1},x_n)\, d\sigma_x^n\]
et \(\sigma_x^n=\{(x_1,\ldots,x_n) \in \mathbb{R}^n; x_1+\cdots+x_n = x, x_1\geq
0, \ldots, x_n \geq 0\}\). Ainsi on a réduit le problème intégral (5) de valeur
propre de dimension n à un problème unidimensionnel (6).
Dans le reste de l'article sauf dans la section 3.4, on considère le cas
particulier où \begin{equation}\tag{7} K_{1,n}(t,x)=f(t)\, g_n(x),\quad
K_{j+1,j}(t,x)=g_j(x),\ 1\leq j\leq n-1. \end{equation} L'équation (6) devient
\begin{equation}\tag{8} f(t) \int_0^\infty G(x)\, v_1(t-x)\, dx = R_0\, v_1(t),
\end{equation} avec \begin{equation}\tag{9} G(x)=\int_{\sigma_x^n} g_1(x_1)
\cdots g_n(x_n)\, d\sigma_x. \end{equation} Noter que si n=1, le noyau se réduit
à \(K(t,x)=f(t)\, g_1(x)\) et \(G(x)=g_1(x)\). Noter aussi que si
\begin{equation}\tag{10} g_j(x)=a_j\, e^{-b_j\, x}, \quad 1\leq j\leq n,
\end{equation} on peut montrer (voir appendice) en partant de (9) que
\begin{equation}\tag{11} G(x)=a_1 \cdots a_n \sum_{j=1}^n \frac{e^{-b_j\,
x}}{\prod_{k\neq j} (b_k-b_j)}\, . \end{equation} Cette formula reste valable
pour \(n=1\) avec la convention usuelle que le produit sur un ensemble vide est
égal à 1.
3. Méthodes numériques pour calculer la reproductivité
3.1 Discrétisation du problème intégral de valeur propre
Cette méthode consiste à discrétiser le problème intégral (8). Elle est
présentée dans (Bacaër et Guernaoui, 2006, §4); on ne la rappelle donc que
brièvement. On prend un entier N très grand et \(t_k=(k-1)\, \theta /N\), avec
\(k=1,2,\ldots,N\). On définit \begin{equation}\tag{12}
\widehat{G}(x)=\sum_{k=0}^{+\infty} G(x+k\, \theta). \end{equation}
\(\mathcal{R}_0\) est le rayon spectral de la matrice du problème de valeur
propre \begin{equation}\tag{13} f(t_k)\, \frac{\theta}{N} \Bigl [\sum_{j=1}^{k-1}
\widehat{G}(t_k-t_j)\, \mathcal{V}_j + \sum_{j=k}^{N}
\widehat{G}(t_k-t_j+\theta)\, \mathcal{V}_j \Bigr ] = \mathcal{R}_0\,
\mathcal{V}_k\ . \end{equation} \(\mathcal{V}_i\) est un vecteur propre. On a
alors \(\mathcal{R}_0\to R_0\) si \(N\to +\infty\). Le calcul numérique
de \(\mathcal{R}_0\) peut se faire avec Scilab (www.scilab.org), un logiciel
libre semblable à Matlab. Noter que si \(g_j(x)=a_j\, e^{-b_j\, x}\), \(1\leq
j\leq n\), il résulte de (11) que \begin{equation}\tag{14} \widehat{G}(x)=a_1
\cdots a_n \sum_{j=1}^n \frac{e^{-b_j\, x}}{(1-e^{-b_j\, \theta})\, \prod_{i\neq
j} (b_i-b_j)}\, . \end{equation}
3.2 Séries de Fourier : cas général périodique
La décomposition de Fourier d'une fonction périodique donne
\begin{equation}\tag{15} f(t)=\sum_{j\in \mathbb{Z}} f_j\, e^{j i \omega t},\quad
f_j=\frac{1}{\theta} \int_0^\theta f(t)\, e^{-j i \omega t}\, dt\, , \quad
\omega=2\pi/\theta. \end{equation} \(\mathbb{Z}\) est l'ensemble des entiers
(positifs ou négatifs) et \(i^2=-1\). \(f_j\) est un nombre complexe
avec \(f_{-j}=f_j^*\). \(^*\) désigne le nombre complexe conjugué. On cherche une
solution de (8) qui est une fonction réelle et même positive
\begin{equation}\tag{16} v_1(t)=\sum_{j \in \mathbb{Z}} c_j\, e^{j i \omega t}.
\end{equation} \(c_j\) est aussi un nombre complexe avec \(c_{-j}=c_j^*\). On
remplace (15) et (16) dans (8): \begin{equation}\tag{17} \Bigl (\sum_{j \in
\mathbb{Z}} f_j\, e^{j i\omega t}\Bigr ) \Bigl ( \sum_{j \in \mathbb{Z}} G_j \,
c_j \, e^{j i \omega t} \Bigr )= R_0 \sum_{j \in \mathbb{Z}} c_j\, e^{j i \omega
t}\, , \end{equation} avec \begin{equation}\tag{18} G_j=\int_0^\infty G(x)\, e^{-
j i \omega x}\, dx\, . \end{equation} Il résulte de (9) que
\begin{equation}\tag{19} G_j= \Bigl (\int_0^\infty g_1(x)\, e^{-j i \omega x}\,
dx \Bigr ) \cdots \Bigl (\int_0^\infty g_n(x)\, e^{-j i \omega x}\, dx \Bigr ).
\end{equation} Dans le cas \(g_j(x)=a_j\, e^{-b_j\, x}\) si \(1\leq j\leq n\),
on a alors \begin{equation}\tag{20} G_j = \frac{a_1 \cdots a_n}{(b_1+j i \omega)
\cdots (b_n + j i \omega)}, \quad \forall j\in \mathbb{Z}. \end{equation}
L'équation (17) peut s'écrire \[ \sum_{j \in \mathbb{Z}} \Bigl ( \sum_{k \in
\mathbb{Z}} f_{j-k}\, G_k\, c_k \Bigr ) e^{j i \omega t} = R_0 \sum_{j \in
\mathbb{Z}} c_j\, e^{j i \omega t} .\] Cette égalité est vraie si et seulement si
\begin{equation}\tag{21} \sum_{k \in \mathbb{Z}} f_{j-k}\, G_k\, c_k = R_0\, c_j
, \quad \forall j\in \mathbb{Z}. \end{equation} C'est un problème de valeur
propre pour une matrice infinie. Noter que \(f_k \to 0\) et \(G_k \to 0\) si \(k
\to \pm \infty\). Donc si on laisse N grandir et si \(\mathcal{R}_0\) est le
rayon spectral de la matrice carrée tronquée \((f_{j-k}\, G_k)_{-N\leq j,k \leq
N}\), on a alors \(\mathcal{R}_0\to R_0\) si \(N\to +\infty\).
3.3 Séries de Fourier : le cas sinusoïdal
On suppose que \begin{equation}\tag{22} f(t)=1+\varepsilon \cos \bigl (\omega
t-\phi \bigr ), \quad 0\leq \varepsilon \leq 1, \quad 0\leq \phi < 2\pi.
\end{equation} C'est ce que l'on appelle une fonction sinusoïdale. Pour le
problème de valeur propre (8), un décalage dans le temps de la fonction f ne
change pas la reproductivité. En effet, si \(R_0\) est le rayon spectral pour la
fonction f avec la fonction propre \(v_1(t)\), \(R_0\) est encore le rayon
spectral pour la fonction \(\hat{f}(t)=f(t-h)\) avec la fonction propre
\(\hat{v}_1(t)=v_1(t-h)\). Pour le calcul de la reproductivité, on peut donc
supposer \(\phi=0\) et \[ f(t)=1 + \frac{\varepsilon}{2}\, e^{i\omega t} +
\frac{\varepsilon}{2}\, e^{-i\omega t}. \] De manière évidente, on a
\[f_0=1,\quad f_1=f_{-1}=\frac{\varepsilon}{2},\quad f_k=0\quad \forall \, |k| >
1.\] Le système (21) devient \begin{equation}\tag{23} \frac{\varepsilon}{2} \,
G_{j-1}\, c_{j-1} + G_j\, c_j + \frac{\varepsilon}{2}\, G_{j+1}\, c_{j+1} = R_0\,
c_j , \quad \forall j\in \mathbb{Z}. \end{equation} \(G_{-j}=G_j^*\) parce que la
fonction \(G(x)\) est à valeurs réelles. L'équation (23) avec \(c_{-j}\) dans le
côté droit est simplement le complexe conjugué de l'équation (23) avec \(c_j\)
dans le côté droit. On peut donc oublier l'équation (23) pour j=1. On insère (25) dans la première
équation de (24) et l'on sépare les puissances de \(\varepsilon^k\). On obtient
\(G_0 = \rho_{0}\) et \begin{equation}\tag{26} \frac{G_1^*}{2}\, c_{1,k-1}^* +
\frac{G_1}{2}\, c_{1,k-1} = \rho_{k},\quad \forall k\geq 1. \end{equation} De
même, en insérant (25) dans la seconde équation de (24), on arrive à \[G_j\,
c_{j,0} = \rho_{0}\, c_{j,0},\quad \forall j\geq 1\] et \begin{equation}\tag{27}
\frac{G_{j-1}}{2}\, c_{j-1,k-1} + G_j\, c_{j,k} + \frac{G_{j+1}}{2}\, c_{j+1,k-1}
= \sum_{l=0}^k \rho_{l}\, c_{j,k-l},\quad \forall j\geq 1,\ \forall k\geq 1.
\end{equation} On a \((G_0-G_j)\, c_{j,0} =0,\ \forall j\geq 1\). On a donc
\(c_{j,0}=0\) parce que \(G(x)\) est positif et non identiquement nul de sorte
que \(G_0-G_j=\int_0^\infty (1-e^{-ji\omega x})\, G(x)\, dx\neq 0\). Avec
\[\rho_{0}= G_0,\quad c_{j,0}=0\ (j\geq 1),\quad c_{0,0}=1,\quad c_{0,k}=0\
(k\geq 1),\] on voit avec (26) et (27) que les coefficients \(\rho_{k}\)
et \(c_{j,k}\) se calculent récursivement: \begin{eqnarray} \rho_{k} &=& \Re (
G_1\, c_{1,k-1})\, \quad \forall k\geq 1,\tag{28}\\ c_{j,k} &=& \frac{1}{G_0-G_j}
\Bigl [ \frac{G_{j-1}}{2}\, c_{j-1,k-1} + \frac{G_{j+1}}{2}\, c_{j+1,k-1} -
\sum_{l=1}^{k-1} \rho_{l}\, c_{j,k-l} \Bigr ], \quad \forall j\geq 1,\ \forall
k\geq 1.\tag{29} \end{eqnarray} \(\Re(z)\) désigne la partie réelle du nombre
complexe z. Plus précisément, si les coefficients \(\rho_l\) et \(c_{j,l}\) sont
calculés pour \(l\leq k-1\) et \(j\geq 1\), alors les formules donnent une
expression pour \(\rho_k\) et \(c_{j,k}\) avec \(j\geq 1\). Cet algorithme peut
démarrer parce que \(\rho_0\) et les coefficients \(c_{j,0}\) sont connus. En
utilisant (28)-(29), on a
* \(c_{j,k}=0\) pour tout j>k,
* \(\rho_k=0\) pour tout nombre impair k,
* \(c_{j,k}=0\) si \(j\geq 1\) est un nombre impair alors que \(k\geq 1\) est
un nombre pair.
En pratique, fixons un entier \(\kappa > 1\) et considérons le
vecteur \((\rho_k)_{0\leq k\leq \kappa}\) et la matrice rectangulaire
\((c_{j,k})_{0\leq j\leq \kappa+1,\, 0\leq k\leq \kappa}\). On met \(\rho_0=
G_0\), \(c_{0,0}=1\), \(c_{j,k}=0\) avec \(j > k\) dans la matrice, et
\(c_{0,k}=0\) si \(1\leq k\leq \kappa\). L'algorithme fonctionne ainsi:
pour tout k=1 à k,
calculer \(\rho_k\) en utilisant (28)
pour j=1 à k,
calculer \(c_{j,k}\) en utilisant (29)
fin;
fin.
De cette manière, on voit facilement que \begin{equation}\tag{30}
\rho_1=0,\quad c_{1,1}=\frac{G_0}{2(G_0-G_1)},\quad \rho_2=\frac{1}{2}\, \Re
\Bigl (\frac{G_0\, G_1}{G_0-G_1} \Bigr ), \end{equation} Finalement on trouve
\begin{equation}\tag{31} R_0 \simeq G_0 + \frac{\varepsilon^2}{2}\, \Re \Bigl
(\frac{G_0\, G_1}{G_0-G_1} \Bigr ),\quad \varepsilon \to 0. \end{equation} C'est
la correction d'ordre le plus bas à la reproductivité lorsque des variations
saisonnières de petite amplitude sont prises en compte. Faisons quelques
remarques additionnelles:
* On a \[1 -\varepsilon \cos \bigl ( \omega t-\phi \bigr ) = 1 +\varepsilon
\cos \bigl ( \omega (t+ \theta/2) - \phi \bigr ) .\] Ainsi, changer e en -e
correspond à un décalage temporel de \(f(t)\). Donc d'après la remarque faite
au début de la section 3.3, la reproductivité doit rester inchangé. Ceci
explique pourquoi les coefficients impairs \(\rho_{2k+1}\) dans le
développement en série de la reproductivité sont nuls.
* La fonction sinusoïdale (22) n'est pas aussi particulière qu'il semblerait à
première vue. En effet, pour toute fonction positive périodique f, avec par
exemple une moyenne égale à 1, les premiers termes du développement de
Fourier sont \[1 + f_1 \cos (\omega t) + f_1' \sin (\omega t)=1+\varepsilon
\cos (\omega t - \phi)\] avec \(\varepsilon = \sqrt{(f_1)^2+(f'_1)^2}\)
et \(\phi = \arctan (f'_1/f_1)\).
* Il semble difficile de déterminer les rayons de convergence de (25). Des
théorèmes généraux sur les perturbations analytiques des opérateurs linéaires
(Kato, 1984) montrent que ces rayons de convergence sont strictement
positifs, parce que \(r_0\) est une valeur propre simple et isolée. (Kato,
1984) a aussi développé des méthodes non triviales pour obtenir des bornes
inférieures pour ces rayons: un travail supplémentaire est nécessaire pour
essayer de les appliquer dans le cas présent. En pratique, l'algorithme de
cette section donne facilement \(\rho_k\) pour k \tau.\]
On a alors \(G_0=a\, \tau\), \(G_1=a \, \frac{1-e^{-i\omega \tau}}{i\omega}\), et
(31) donne \begin{equation}\tag{47} R_0\simeq a\, \tau + \varepsilon^2\,
\frac{2\, a\, \tau\, \sin^2(\omega \tau/2)}{[\omega \tau - \sin(\omega \tau)]^2 +
[1-\cos(\omega \tau)]^2 } \Bigl [\frac{\omega \tau/2}{\tan(\omega \tau/2)}-1
\Bigr ] \, . \end{equation} Contrairement au cas du modèle pour le paludisme de
la section 4.1, la saisonnalité peut augmenter ou diminuer la reproductivité.
Cela dépend de la valeur numérique de wt. Noter que pour le cas exceptionnel
où \(\omega=2\pi\) et \(a=1\) considéré par (Cooke et Kaplan, 1976 ; Smith, 1977
; Nussbaum, 1977 ; Nussbaum, 1978), la formule (47) dit que
\(R_0=1+o(\varepsilon^2)\) si t=1. On s'attend à avoir la formule exacte
\(R_0=1\) pour tout e si t=1, puisque (Smith, 1977 ; Nussbaum, 1977) ont montré
que des solutions périodiques du modèle épidémique non linéaire complet existent
si et seulement si \(\tau > 1\) .
Les modèles épidémiques avec \(n=2\)
Considérons un modèle épidémique avec deux compartiments infectés qui, après
linéarisation près de l'équilibre sans maladie, est \[\frac{dI_1}{dt}\simeq
-b_1\, I_1(t) + a_2\, [1+\varepsilon\, \cos (\omega t - \phi)]\, I_2(t),\quad
\frac{dI_2}{dt} \simeq a_1\, I_1(t) - b_2\, I_2(t).\] Remarquer que le système
(38) était de cette forme. Le noyau de l'opérateur de prochaine génération
associé est \begin{equation}\tag{48} K(t,x)=\left (\begin{array}{cc} 0 &
[1+\varepsilon\, \cos(\omega t-\phi)]\, a_2\, e^{-b_2\, x}\\ a_1\, e^{-b_1 x} & 0
\end{array}\right ). \end{equation} La formule (31) donne
\begin{equation}\tag{49} R_0 \simeq \frac{a_1\, a_2}{b_1\, b_2} \Bigl (1 -
\frac{b_1\, b_2}{\omega^2 + (b_1+b_2)^2} \, \frac{\varepsilon^2}{2} \Bigr )\, .
\end{equation}
Un exemple de ce type est le modèle pour le paludisme de (Anderson et May,
1991, p. 404). Les valeurs numériques utilisées dans cette référence
sont: \(\omega=2\pi\), \(\varepsilon=15/25\), \(a_1=20\) par
année, \(a_2=20\times 25\) par année, \(b_1=50\) par année et \(b_2=4\) par
année. Les quatre méthodes numériques de la section 3, de même que la formule
approchée (49), donnent \(R_0\simeq \mbox{49,4}\). Noter que le terme d'ordre le
plus bas est \(\rho_0=50\).
Un autre exemple est le modèle épidémique SEIR ou SEIRS avec un taux de
contact sinusoïdal considéré par exemple dans (Schwartz et Smith, 1983 ; Aron et
Schwartz, 1984 ; Kuznetsov et Piccardi, 1994 ; Altizer et coll., 2006, encadré 1
; Ma et Ma, 2006, §4). Les valeurs numériques utilisées par (Ma et Ma, 2006, §4)
sont: \(\omega=1\), \(\varepsilon=\mbox{0,8}\), \(a_1=\mbox{0,3}\), \(a_2=1\), \(
b_1=\mbox{0,3}\), et \(b_2=\mbox{0,99}\) (unités non spécifiées). Une simulation
numérique a montré qu'aucune épidémie de peut s'établir dans ce cas. Mais avec
\(\varepsilon=0\), les auteurs ont remarqué que \(\rho_0=(a_1\, a_2)/(b_1\,
b_2)=1/\mbox{0,99} > 1\). La conclusion était que la moyennisation du taux de
contact n'est pas la manière correcte de déterminer le seuil épidémique. En
effet, les quatre méthodes numériques de la section 3 donnent \(R_0\simeq
\mbox{0,973} < 1\) si e=0,8. La formule approchée (49) donne \(R_0\simeq
\mbox{0,974}\).
Un autre exemple est le modèle pour le choléra avec un taux de contact ou un
taux de contamination de l'eau qui est sinusoïdal (Codeço, 2001). Cette référence
considère aussi le cas où le coefficient \(b_2\), qui représente le taux de
disparition de Vibrio cholerae dans l'eau, est une fonction sinusoïdale du temps.
Le présent article ne fournit pas de formule approchée pour la reproductivité
dans ce dernier cas, mais \(R_0\) peut toujours être calculé numériquement en
utilisant par exemple la méthode de la section 3.4.
On mentionne aussi la conjecture de (Moneim et Greenhalgh, 2005), qui suggère
que la reproductivité (avec un seuil à 1) pour un modèle SEIRS avec une
vaccination et un taux de contact périodiques se calcule en moyennant les
coefficients périodiques. Cette référence de donne pas d'exemple numérique. Mais
si l'on suppose que le taux de contact est constant et que la population saine
dans la situation sans maladie est sinusoïdale, alors \(K(t,x)\) est exactement
de la forme (48) et \(R_0\) est donné par (49). Si la moyennisation était
correcte, le résultat ne devrait pas dépendre de e. Donc la conjecture semble
fausse.
5.3 Le cas stochastique
Il serait utile pour l'épidémie de chikungunya à La Réunion d'avoir une
estimation de la probabilité que l'épidémie s'éteigne à cause de l'hiver sachant
la taille de la population humaine infectée au début de l'hiver. Pour répondre à
cette question, on a évidemment besoin d'un modèle stochastique. Mais les modèles
stochastiques pour les maladies à vecteurs avec saisonnalité sont difficiles à
analyser. Dans cette section, on montre le lien qui existe entre la probabilité
d'extinction au temps t et la reproductivité en utilisant un modèle épidémique
très simple avec saisonnalité.
Considérons le processus de naissance et de mort avec des
coefficients \(a(t)\) et \(b(t)\) qui sont des fonctions périodiques de période
th \[\frac{dW_k}{dt} = a(t)\, (k-1)\, W_{k-1}(t) - [a(t)+b(t)]\, k\, W_k(t) +
b(t)\, (k+1)\, W_{k+1}(t),\quad k\geq 1\] et \(dW_0/dt = b(t)\, W_1(t)\).
\(W_k(t)\) est la probabilité d'avoir k personnes infectées au temps t. Si Z
personnes infectées sont introduites ou présentes au temps T, alors
\[\,W_Z(T)=1,\quad \quad W_k(T)=0\quad \forall k\neq Z.\] La probabilité
d'extinction au temps t se calcule en résolvant l'équation aux dérivées
partielles du premier ordre vérifiée par la fonction génératrice
\[g(t,x)=\sum_{k\geq 0} W_k(t) x^k.\] Le résultat, donné par (Bartlett, 1960),
reste valide même si les coefficients ne sont pas périodiques: \[W_0(t)=\left
[1-\frac{ e^{-\int_T^t (b(\tau)-a(\tau))\, d\tau}}{1+ \int_T^t a(\tau)\,
e^{-\int_{\tau}^t (b(\sigma)-a(\sigma))\, d\sigma} d\tau}\right ]^Z . \]
L'espérance du nombre de personnes infectées au temps t est donnée par
\[I(t)=\sum_{k\geq 1} k\, W_k(t),\quad \frac{dI}{dt}=a(t)\, I(t)-b(t)\, I(t).\]
Comme on peut le deviner avec cette équation différentielle, et comme le montre
(Bacaër et Guernaoui, 2006, §5) pour des fonctions \(a(t)\) et \(b(t)\) qui sont
périodiques, la reproductivité définie dans la section 2 est donnée par
\[R_0=\frac{\int_0^\theta a(\tau)\, d\tau }{\int_0^\theta b(\tau)\, d\tau} \, .\]
Remarquer que si \(R_0 < 1\), on a alors \[W_0(t)\mathop{\longrightarrow}_{t\to
+\infty} 1.\] L'épidémie s'éteint. Si au contraire \(R_0 > 1\), on a alors
\[W_0(t)\mathop{\longrightarrow}_{t\to +\infty} \Bigl [1 - 1/\int_T^\infty
a(\tau)\, e^{\int_T^\tau (b(\sigma)-a(\sigma))\, d\sigma}\, d\tau\Bigr ]^Z.\] Il
existe une certaine probabilité que l'épidémie persiste.
Ainsi la reproductivité sert aussi de seuil entre deux situations :
* l'épidémie s'éteint avec une probabilité égale à 1 quel que soit le temps
initial d'introduction du premier cas infecté
* l'épidémie s'éteint avec une probabilité strictement comprise entre 0 et 1 et
dépendante du temps initial.
On peut espérer avoir un phénomène de seuil similaire pour les modèles
stochastiques de maladies à vecteurs avec de la saisonnalité. Mais davantage de
travail est nécessaire pour vérifier ce point.
Cette section évite l'introduction d'une reproductivité dépendante du temps,
\(R_0(t)\), définie par exemple pour le cas des maladies à vecteurs par la
formule (1) avec p remplacé par p(t). Cette expression semble être un bon
candidat pour discuter de l'invasion en fonction du temps d'introduction du
pathogène. Mais l'exemple de (Hale, 1980, p. 121) mentionné dans (Diekmann et
Heesterbeek, 2000, p. 149) suggère déjà que les cas suivants peuvent bien arriver
simultanément :
* \(R_0(t) < 1\) pour tout t
* l'équilibre sans maladie est instable : \(R_0 > 1\) avec \(R_0\) défini
comme dans l'article présent.
Par ailleurs, la reproductivité n'est pas en général la moyenne temporelle de
\(R_0(t)\) (sauf exception comme le cas où \(K(t,x)=a(t)\, e^{-b x}\) étudié
dans la section 5.1.1). D'un point de vue biologique, la capacité d'invasion d'un
pathogène dans un environnement variant de manière saisonnière dépend évidemment
de la date d'introduction du pathogène durant l'année. Comme l'invasion est
complètement déterminée par la reproductivité dans les modèles déterministes,
contrairement aux modèles stochastiques, cela donne l'impression que les modèles
déterministes sont simplement inadaptés pour discuter de l'invasion en fonction
de la date d'introduction du pathogène.
Calcul annexe
En partant de la définition (9) de \(G(x)\) et en supposant (10), on montre
(11) par récurrence. Bien sûr, on ne perd pas en généralité à supposer que
\(a_j=1\ \forall\, j\). Pour n=2, un calcul simple montre que \[G(x) =\int_0^x
e^{-\lambda_1\, x_1 -\lambda_2\, (x-x_1)}\, dx_1 =\frac{e^{-\lambda_1\,
x}}{\lambda_2-\lambda_1} + \frac{e^{-\lambda_2\, x}}{\lambda_1-\lambda_2}\, .\]
Supposons que (11) soit vrai pour un certain entier n. On a alors \begin{align*}
G(x)&=\int_{\sigma_x^{n+1}} e^{-\lambda_1\, x_1 - \cdots - \lambda_n\, x_n -
\lambda_{n+1}\, x_{n+1}}\, d\sigma_x^{n+1}\\ &=\int_0^x \Biggl (
\int_{\sigma_{x-x_{n+1}}^n}\!\!\!\!\!\! e^{-\lambda_1\, x_1 - \cdots -
\lambda_n\, x_n}\, d\sigma_{x-x_{n+1}}^{n}\Biggr ) e^{-\lambda_{n+1}\, x_{n+1}}\,
dx_{n+1}\\ &=\int_0^x \Biggl ( \sum_{j=1}^n \frac{e^{-\lambda_j\,
(x-x_{n+1})}}{\prod_{\substack{k\neq j\\ k\leq n}} (\lambda_k - \lambda_j)}
\Biggr ) e^{-\lambda_{n+1}\, x_{n+1}}\, dx_{n+1}\\ &=\sum_{j=1}^n
\frac{e^{-\lambda_j\, x}}{\prod_{\substack{k\neq j\\ k\leq n}} (\lambda_k -
\lambda_j)} \int_0^x e^{(\lambda_j-\lambda_{n+1}) x_{n+1}} dx_{n+1}\\
&=\sum_{j=1}^n \frac{e^{-\lambda_j\, x}}{\prod_{\begin{subarray}{l} k\neq j\\
k\leq n+1 \end{subarray}} (\lambda_k - \lambda_j)} + e^{-\lambda_{n+1} x}
\sum_{j=1}^n \frac{1}{(\lambda_j-\lambda_{n+1}) \prod_{\substack{k\neq j\\ k\leq
n}} (\lambda_k - \lambda_j)}\, . \end{align*} La deuxième somme de la dernière
ligne est la décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle
suivante \[\frac{1}{\prod_{1\leq j \leq n} (\lambda_j-\lambda_{n+1})}\, .\] On a
donc \[G(x)=\sum_{j=1}^{n+1} \frac{e^{-\lambda_j\, x}}{\prod_{\begin{subarray}{l}
k\neq j\\ k\leq n+1 \end{subarray}} (\lambda_k - \lambda_j)},\] et la formule
(11) est vraie pour \(n+1\).
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Usage: http://www.kk-software.de/kklynxview/get/URL
e.g. http://www.kk-software.de/kklynxview/get/http://www.kk-software.de
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